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EAN : 9782253247814
288 pages
Le Livre de Poche (13/03/2024)
3.94/5   34 notes
Résumé :
Profondément engagée pour la cause des femmes, Laure Adler retrace la vie et l’œuvre d’une brillante intellectuelle féministe : Françoise Héritier. Une précurseuse, une aventurière de la pensée, une citoyenne engagée et une amie très chère, qui n’a cessé de déconstruire les idées reçues sur le masculin et le féminin et de lutter contre toutes les formes d’oppression dont souffrent les femmes.

« Bien avant la naissance de #MeToo, elle se révèle à la fo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Aujourd'hui je vais évoquer Françoise Héritier le goût des autres, formidable biographie écrite par Laure Adler. La journaliste historienne est familière du genre, elle a notamment publié en 2011 Françoise (sur la femme de presse et de pouvoir Françoise Giroud). Elle est aussi l'auteure d'un texte intime très émouvant sur un deuil impossible intitulé A ce soir.
La protagoniste de cette nouvelle biographie, Françoise Héritier, est une anthropologue française décédée en 2017 qui a succédé à Claude Lévi-Strauss au Collège de France quand le maitre de la discipline a pris sa retraite. Elle a notamment publié (ouvrages grand public, de véritables révélations pour moi) Les deux soeurs et la mère, masculin/féminin en deux tomes. A la fin de sa vie elle a rencontré un grand succès de librairie avec le sel de la vie et le goût des mots (textes que je n'ai pas lus). Sa biographe était aussi son amie depuis plusieurs décennies, ce lien fort entre les deux femmes transparait tout au long de l'ouvrage sans que cela nuise à la qualité et à l'objectivité du récit. Laure Adler remonte aux origines de Françoise née en 1933 en Auvergne et grandie dans une famille modeste. Les liens familiaux, pour celles dont les premiers travaux portent en particulier sur les structures de la parenté, sont rapidement distendus puisque la jeune fille n'accepte pas d'être reléguée au sort des femmes de son époque et aspire à travailler et à ne pas suivre le modèle du mariage imposé encore prédominant alors. Ses premiers terrains de recherche sont réalisés en Afrique plus particulièrement chez les Samo. Force est de reconnaitre que : « l'Afrique devient son continent : par le coeur, par la peau, à la vie, à la mort. de ce continent, elle attend d'être transformée, épanouie, accomplie. » L'ouvrage se lit avec plaisir, Laure Adler mêle parcours professionnel et personnel. Elle rencontre Françoise Héritier quand elle est elle-même étudiante et suit certains de ses séminaires ; jusqu'au décès de Françoise, Laure est présente à ses côtés en particulier dans les épreuves de la vie et son texte est truffé d'anecdotes personnelles délicieuses. Ce livre s'apparente à un exercice d'amitié et de remerciement, un hommage et un témoignage pour que l'oeuvre de Françoise Héritier ne soit pas négligée. Elle écrit : « elle fut une précurseuse, une grande théoricienne de la pensée, tout en étant une citoyenne engagée. Jamais elle ne se ménagea, ni physiquement ni mentalement. » Son travail de chercheuse dans la continuité des théories de Lévi-Strauss à qui elle rend constamment hommage même quand sa pensée conceptuelle s'en éloigne est stimulant. Voici en quelques mots des éléments de son savoir : « c'est de la culture que vient la famille et non de la nature. L'inégalité entre les sexes n'est pas d'ordre biologique mais idéologique et elle est le fruit d'un rapport de forces. » Il est intéressant de constater combien sa position de femme lors de son accession à des postes importants a suscité jalousie et incompréhension. A ce titre, le court entretien avec Maurice Godelier est fort éclairant et peu flatteur pour cet homme par ailleurs intelligent. Héritier a réfléchi et théorisé autour de la notion d'inceste, inventant l'inceste du deuxième type, un concept d'une évidente pertinence quand elle l'explique, puis s'est intéressée à la domination masculine en établissant son universalité et en déconstruisant moult théories. Elle était également engagée à gauche, a dirigé le Conseil National du Sida, a oeuvré pour le droit des prisonniers, a poursuivi bien après sa retraite son travail et son investissement sociétal. La biographie révèle aussi des aspects plus secrets de sa vie personnelle. Françoise Héritier a d'abord épousé Michel Izard, le père de sa fille, Catherine, puis ensuite elle a été très amoureuse de Marc Augé, complice intellectuel et sentimental. Sa beauté de jeunesse s'est affadie avec les ravages de la maladie dont elle était atteinte. La souffrance due à sa maladie auto-immune qui a progressivement, outre la douleur violente, limité ses possibilités de déplacement est racontée pour comprendre les brusques interruptions de ses cours. Laure Adler raconte ses hospitalisations, son absence de plainte, ses inquiétudes pour sa fille fragile et hospitalisé pour lutter contre sa volonté d'en finir. Ces pages sont émouvantes et humanisent si besoin était cette femme exceptionnelle qui culpabilise vis-à-vis de son enfant qu'elle a parfois négligée au profit de ses recherches ou de sa carrière. Françoise Héritier (que j'ai eu la chance d'entendre en conférence et en interview en plus de l'avoir lue) avait une voix captivante avec une douceur solide qui lui permettait de développer aussi bien des théories ardues que des contributions sociétales passionnantes. En guise de conclusion et de synthèse Laure Adler affirme : « Françoise a fait aux sciences humaines un legs considérable : la pensée du corps est devenue une banalité désormais, le statut des émotions est à présent légitimé, l'autobiographie, comme point d'ancrage pour la découverte du monde intellectuel et sensible, revendiquée. Elle a mis au point de nouveaux outils pour penser la domination du masculin. (...). Elle a jeté une nouvelle lumière sur le mariage, la famille, la société. Par la conjonction de ses combats féministes et d'anthropologue, elle a donné des outils théoriques à des champs de recherche nouveaux : les violences genrées, les conséquences de la domination masculine, les effets pervers de la symbolique du corps. »
Françoise Héritier le goût des autres est une admirable introduction à l'oeuvre de l'anthropologue et à ses principaux travaux. Laure Adler ne cache pas son admiration et son amitié personnelle pour le sujet de sa recherche et le lecteur devine l'importance que leur lien a dû avoir pour elle qui dans cette biographie se cache derrière la protagoniste disparue.
Voilà, je vous ai donc parlé de Françoise Héritier le goût des autres de Laure Adler paru aux éditions Albin Michel.

Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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Françoise Héritier, née en 1933 dans La Loire, est devenue après des études à Paris, une figure incontournable de l'ethnologie française. Subjuguée par l'un de ses professeurs à la Sorbonne, Claude Lévi-Strauss, elle réalise que son destin n'est pas de devenir « l'épouse de », comme il était alors de bon ton dans son milieu de le devenir, mais bien de s'accomplir à travers ses passions. Elle va, sa vie durant, parcourir l'Afrique pour étudier les comportements humains dans des sociétés encore peu influencées par la « mondialisation ». Attentive à la cause des femmes, elle n'aura de cesse de rendre compte de l'oppression qu'elles subissent à plusieurs niveaux dans chaque groupement humain. Elle succédera à son mentor à sa chaire au Collège de France lorsqu'il prendra sa retraite contre l'avis de bon nombre de ses pairs, en partie parce qu'elle est une femme, en partie parce qu'ils convoitaient la place, vivant là ce qu'elle avait dénoncé toute sa vie. Elle tiendra bon et sera longtemps la seule femme parmi les hommes dans ce milieu de l'intelligentsia, somme toute assez machiste. Elle est décédée fin 2017 après avoir réalisé de nombreuses recherches sur, entre autre, le rapport masculin/féminin dans la société depuis la nuit des temps.
 Laure Adler, sans doute parce qu'elle l'a bien connue mais aussi parce qu'elle a des talents de conteuse indéniables, réalise le tour de force de nous livrer une biographie vivante et très documentée sans être pesante d'une grande dame de l'ethnologie.
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Je connaissais Françoise Héritier pour son engagement en faveur des femmes. J'ai donc lu avec curiosité cette biographie que Laure Adler, son amie, lui a consacrée.
Je n'ai pas été déçue. J'ai beaucoup appris sur le travail de cette ethnologue passionnée, croqueuse de la vie malgré toutes les épreuves qu'elle a dû affronter. J'ai découvert une femme engagée qui, même après avoir acquis une reconnaissance indiscutable (elle a été nommée au Collège de France pour prendre la direction du département d'ethnologie à la place de Claude Lévi-Strauss), doutait encore d'elle-même et de ses compétences. Heureusement, ça ne l'a pas empêchée de s'engager pour défendre des causes qui lui semblaient humainement justes.
Entre vie privée et responsabilités professionnelles, Laure Adler trace un portrait à la fois tendre et rigoureux de Françoise Héritier.
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Je connais et apprécie le travail de Laure Adler. Je connaissais un peu moins Françoise Héritier. Je l'avais vue lors de son passage à la Grande Librairie et dans un documentaire lors de l'exposition « Déflagrations » au Mucem en 2021 (150 dessins d'enfants réalisés en situation de guerre ou de violence de masse).

Alors quand déambulant dans ma médiathèque préférée, je suis tombée cette biographie, je l'ai tout de suite empruntée.

Laure Adler était une amie de longue date de Françoise Héritier. L'admiration profonde qu'elle lui portait, le lien d'amitié à toutes épreuves qui les unissait transparaissent tout au long du livre.

Françoise Héritier, née dans une famille plutôt modeste, décide de poursuivre des études contre l'avis de sa famille. Elle choisit l'anthropologie, devient une disciple de Claude Lévi-Strauss. C'est une femme de terrain qui prend grand plaisir, malgré les difficultés, à passer des mois dans un village de la tribu Samo en Afrique.

» Elle revient admirative de cette société samo dont elle a pénétré progressivement les modes de pensée et les règles, tant leur respect de chacun dans la communauté est central. La manière de régler les conflits est équitable et sans violences irréparables. »

Ses travaux de recherche ont été pendant toute sa vie la lutte contre toutes les formes d'oppression que le masculin fait subir au féminin.

» En conviant à ces séminaires des psychanalystes, des biologistes, des historiens, des philosophes, Françoise tente de comprendre la genèse de la violence pour pouvoir ensuite penser une éthique universelle. Elle cherche à mettre en évidence les mécanismes de la violence et de l'intolérance qui régissent, selon elle, toutes les cultures. Et pourtant, la violence n'est en rien nécessaire. Elle n'est pas naturelle : c'est une construction humaine. Prendre conscience de ses rouages est un premier pas pour tenter de la réduire à néant. »

Son engagement, sa force de travail malgré une santé fragile l'amèneront à exercer des postes à haute responsabilité (Collège de France, CNRS, Présidente du Conseil National du Sida ).

Françoise Héritier ne fut pas épargnée dans sa vie privée : divorces, maladie auto-immune douloureuse, fragilité psychologique de sa fille unique…

Ce qui ne l'a pas empêchée d'être toujours sur le front (bien avant la période # MeToo) pour défendre les femmes.

» En tout cas, le fond de la question, c'est que l'idée même de l'égalité homme/femme n'est pas acceptée au fond du coeur de milliards d'individus dans le monde et pas seulement par des Etats, des groupes de pensée et des gouvernants, parce que cette égalité accorderait aux femmes le statut d'individu libre, et donc de personne, ce qui leur est fondamentalement dénié. »

Découvrir Françoise Héritier à travers la plume de Laure Adler fut un moment de lecture fort inspirant.
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Une biographie admirative et chaleureuse qui rappelle très opportunément le parcours d'exception de cette femme qui a, de manière limpide et opiniâtre, tout au long de sa vie, oeuvré pour démontrer et démonter les racines de la domination masculine.
une personnalité solaire qui avait aussi sa part d'ombre avec notamment des relations complexes avec son unique fille.
un livre qui donne envie de prolonger la rencontre, je suis allée regarder quelques vidéos, la voix douce et flutée de Françoise Héritier m'accompagne désormais.
sur le plan littéraire, la lecture de cette biographie est agréable et fluide, une réserve: il me semble que le découpage en chapitres qui ne respectent pas toujours une chronologie linéaire entraîne l'auteur à se répéter parfois.
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critiques presse (2)
Telerama
19 avril 2024
Rien ici d’une biographie critique, malgré le contact avec les papiers personnels d’Héritier déposés aux Archives nationales, mais tout d’une évocation émue et fougueuse mettant en scène les visages de celle que sa portraitiste appelle simplement « Françoise ».
Lire la critique sur le site : Telerama
Elle
13 octobre 2022
Ce goût de vivre de Françoise Héritier, Laure Adler le transmet à son tour. Il faudrait offrir ce livre à tous les jeunes tant il encourage la curiosité et l’empathie, questionne les inégalités entre les femmes et les hommes, et ouvre des possibles.
Lire la critique sur le site : Elle
Citations et extraits (47) Voir plus Ajouter une citation
Ainsi un rapport de Médecins du Monde expose-t-il que la plupart des femmes africaines voudraient avoir accès à la pilule (facile à avaler sans rendre de compte) plus qu'au préservatif, car les hommes refusent tout moyen contraceptif, la suspension de la fécondité étant interprétée comme une perte de virilité et une castration symbolique. Si l'Occident à accepté cette révolution, c'est parce qu'elle n'attaque pas la virilité des hommes. Et pourquoi ne pas exiger des hommes aussi de prendre la pilule ? demande Françoise, qui s'interroge sur les raisons pour lesquelles ils sont hostiles à cette idée, laissant aux femmes le soin de l'avaler. Cette pilule-là, celle qui rend le sperme infécond, ne passe pas. L'inégalité entre les hommes et les femmes demeure, explique-t-elle, car si la femme se libère de l'angoisse de tomber enceinte, rien n'est modifié dans les comportements sexuels des hommes.
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La femme est du côté de la faiblesse, l'homme de la force. Ce fait, reconnu depuis les temps préhistoriques jusqu'à aujourd'hui dans toutes les sociétés, est tenu pour une donnée naturelle. C'est cette prétendue "naturalité" que Françoise va déconstruire systématiquement. Non, la femme n'est pas faible par nature et l'homme fort de toute éternité. C'est une croyance, pas un fait. Cette "faiblesse" n'a aucun fondement dans la nature, car les femmes peuvent tout faire : "Il n'y a pas, en fait, de tâches que leur sexe leur interdirait d'accomplir pour des raisons physiques." C'est une construction fondée sur des représentations, des logiques de pensée. La hiérarchie des sexes émane donc d'un jugement de valeur, qui appartient à la sphère idéologique, par conséquent à la sphère de la culture.
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Son audition au Sénat, le 5 février 2013, fut remarquée et remarquable : "L'humanité a fait, en optant pour l'hétérosexualité, un choix politiquement utile, politiquement correct. Toutefois,les conditions ont changé depuis le paléolithique. Avec sept milliards d'humains, il n'est plus nécessaire de fonder la paix sur l'échange des femmes et le mariage hétérosexué."
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Mais les hommes ne peuvent pas faire d'enfants sans les femmes et, pour mieux affaiblir le pouvoir d'enfantement de ces dernières, ils ont accolé à leurs caractéristiques anatomiques et physiologiques des traits psychologiques comportementaux supposés "naturels". "Par nature" les femmes ne sont pas douces et les hommes agressifs. Des différences entre les sexes, on ne peut, en aucun cas, déduire des compétences, des tempéraments, des qualités ou des défauts sexuellement typés et encore moins les hiérarchiser. Cette prétendue "évidence" de la supériorité du masculin sur le féminin est devenue, au fil du temps, une évidence massive, et il s'agit de la déconstruire.
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Elle poursuit de surcroît et surtout ses réflexions sur la différence des sexes qui aboutiront à la publication de Masculin / Féminin I et II et, pas à pas, approfondit son questionnement qui devient de plus en plus philosophique : pourquoi y a-t-il des êtres humains faits comme moi et d'autres qui sont différents ? Pourquoi le féminin. est-il toujours du côté de la faiblesse et du froid et le masculin de la force et de la chaleur ? C'est désormais à la découverte d'un ordre caché du monde qu'elle nous convie.
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