«
Giboulées de soleil » donne la parole à trois femmes d'une même lignée, trois femmes tchèques, Magdalena, Liba et Eva qui donneront naissance à leur premier enfant hors mariage, une famille de bâtardes.
«On est des bâtardes de mère en fille, comme certains sont boulangers ou roi. »
Avant elle, Marie, elle-même fille-mère et qui, comme un pied de nez, est devenue sage-femme dans la campagne de Moravie où elle s'est exilée.
Il faut se souvenir qu'au début du XXème, un enfant sans père reste un bâtard même si ce père a souvent lâchement fui, et le mépris, voire la haine, ébranle leur enfance comme leur vie adulte, la ligne du père sur les papiers d'identité restera vide à jamais.
Mais ces quatre femmes de caractère reliées par le fil de la broderie qu'elles pratiquent avec art conservent la tête haute, fières, courageuses, elles affrontent le regard des autres, se construisent avec cette différence. Leurs vies s'entremêlent, Elles deviennent expertes en adaptation, goûtent chaque petit éclat de bonheur, rai de soleil au coeur de la giboulée :
« Les moments de grâce sont de cette nature, furtifs, insaisissables. »
Leurs existences sont aussi inscrites dans l'Histoire de leur pays, la proximité attirante de l'Autriche, le nazisme, la montée du communisme et l'arrivée des soldats russes installant l'autorité soviétique.
Lenka Hornakova-Civade trouve le ton juste et l'équilibre parfait entre l'histoire personnelle, individuelle et la grande Histoire qui est évoquée et rappelée subrepticement, sans lourdeur. «
Giboulées de soleil » est un superbe premier roman qui fourmille d'idées lumineuses malgré l'âpreté des destins, trois portraits émouvants de femmes dignes et passionnées qui passeront leur existence à tenter d'inventer leurs vies et à se battre face aux regards accusateurs.