Voilà un petit livre de SF bien sympathique, une novella comme le genre aime nous offrir en ce moment, avec lequel passer deux bonnes heures. N'y recherchez pas une belle écriture ou de la poésie, l'accent est mis ici sur un scénario haletant et bien ficelé, et sur la thématique des robots androïdes et de leurs liens avec les humains. Cette saga, composée de quatre novellas, sortes de grosses nouvelles, a reçu le prix Hugo 2018 et le prix Nebula, et, en plus des critiques convaincantes de Florent (@Yendare), d'Eric (@Casusbelli) et de @fnitter, c'est ce qui m'a poussée à la découvrir bien que ce ne soit pas tout à fait mes lectures SF habituelles. J'aime la SF plus contemplative, plus poétique, ou encore post-apocalyptique, mais je dois avouer avoir passé un très bon moment avec ce premier tome, « Défaillances systèmes », court, clair, bien construit, qui sera suivi de la lecture des autres tomes prochainement.
Nous sommes dans la tête, dans la logique et nous pouvons dire dans les pensées d'un androïde, un SecUnit, qui s'est donné le surnom d'Assasynth, dont les services de sécurité sont loués à des clients désireux d'aller explorer certains endroits, certaines planètes. le nôtre est émancipé : il a piraté son module superviseur, son module de contrôle de la société qui l'emploie, ce qui lui permet de disposer de son libre-arbitre. En effet son passé est lourd : il a à son passif le massacre d'humains après que son système ait été piraté par des unités subversives. Il a donc préféré le pirater une fois sur pied, pour ne pas réitérer cette expérience somme toute traumatisante.
« J'aurais pu faire un carnage dès l'instant où j'ai piraté mon module superviseur ; en tout cas, si je n'avais pas découvert un accès au bouquet de chaînes de divertissement relayées par les satellites de la compagnie. 35 000 heures plus tard, aucun meurtre à signaler, mais, à vue de nez, un peu moins de 35 000 heures de films, de séries, de lectures, de jeux et de musique consommés. Comme impitoyable machine à tuer, on peut difficilement faire pire. »
Assasynth a de l'humour, un certain sens de l'autodérision et adore notamment le visionnage de séries télé populaires. Misanthrope, taiseux, il accompagne un groupe de scientifiques sur une nouvelle planète destinée à la colonisation. Ce groupe va être mis en danger de mort, complot visant à tuer ces clients qu'il est censé protéger. Choix, décisions, courage quitte à y laisser des morceaux, c'est une novella qui fait la part belle à l'exercice du libre-arbitre, à l'empathie entre humains et robots, et qui questionne la notion même d'humanité :
« - Tu ne reproches pas à notre espèce ce qu'ils t'ont infligé ? - a-t-il fini par lâcher. Voilà pourquoi je me réjouis de ma condition de synthétique. C'est typiquement le genre de bêtises qui passent par la tête des humains. - Non. La rancoeur est un phénomène qui vous est propre. Les androïdes ne sont pas aussi idiots - ».
Notons que cette écriture à la première personne qui fait que nous sommes dans la tête de ce cyborg doté d'un humour corrosif est très intéressante, réjouissante et prenante.
Martha Wells a réussi à rendre ce premier tome efficace. Hâte de lire la suite !