Plaisir à peu près trimestriel avec Valentyne d'une lecture commune
La couleur des ombres –
Colm Toibin et retour aux lettres irlandaises dont je ne m'éloigne jamais très longtemps.
Colm Toibin, la soixantaine, est l'un des plus connus parmi les contemporains d'Erin. Je l'ai beaucoup lu,
romans et nouvelles confondus. Je suis très porté sur les nouvelles, difficiles à chroniquer toutefois. le recueil
La couleur des ombres m'a semblé moins riche que
L'épaisseur des âmes. Voir Mères et fils. Au passage qu'on m'explique pourquoi le titre original est celui de la nouvelle La famille vide alors qu'en France on a choisi la nouvelle
La couleur des ombres. Neuf textes donc dans ce livre mais où je n'ai pas retrouvé l'émotion du précédent recueil. Loin de là.
S'il est souvent question de départ, de retour, de transit, de deuil dans ces textes,
Colm Toibin explore aussi beaucoup les liens familiaux, notamment entre fils et mère. Les deux premières nouvelles sont très belles. Un moins un raconte un courrier d'un homme à un ancien amant, courrier où il revient sur la mort de sa mère, et comment il a ressenti ce voyage
in extremis de New York à Dublin. "Il était trop tard désormais pour expliquer quoi que ce soit. Nous avions épuisé notre réserve de temps" Dans Silence l'auteur met en scène, autour de la poésie, le secret de Lady Gregory, d'après une histoire rapportée par l'écrivain
Henry James, l'un des auteurs favoris de Toibin auquel il a d'ailleurs consacré
le Maître. Bien des points leur sont communs.
Colm Toibin qui a vécu longtemps en Espagne consacre trois nouvelles à ce qui reste comme son pays de coeur. La première, nommé Barcelone 75, ne m'a pas intéressé, entièrement vouée aux vingt ans de l'auteur dans cette ville et à ses aventures homosexuelles (Toibin est un militant) sur fond de mort du Caudillo, une sorte d'Almodovar mais sans ses magnifiques portraits de femmes. La nouvelle Espagne, plus sensible, c'est le retour à Minorque, après la mort de Franco, d'une jeune Espagnole après un exil londonien. Avec son lot de déceptions.
Colm Toibin marque parfois un peu fort son territoire social et culturel mais cette nouvelle est forte, on ne revient jamais tout à fait de son exil. La rue conjugue immigration et homosexualité et le relatif anticonformisme de Toibin pâlit un peu.
Mais les choses s'arrangent avec la nouvelle-titre
La couleur des ombres. Tante Josie est une vieille dame en fin de vie. Paul son neveu s'en occupe le mieux possible, plus proche d'elle que de l'"autre", sa propre mère, soeur de Josie à qui il jure qu'il ne la reverra pas. Bouleversant, on ne saura pas vraiment pourquoi Paul a rejeté sa mère, l'alcoolisme, ou est-ce l'inverse. Une nouvelle, j'aime bien qu'elle reste posée là, sans réponse à tout.
Colm Toibin, là, est magnifique, et tellement plus intéressant. Vous le savez, les militants m'emmerdent vite. Je préfère de loin les silences familiaux.
Attention l'Irlandais
Colm Toibin n'est pas un grand irlandophile. "Je ne crois pas à l'Irlande. Pourtant, il arrive que l'Irlande vienne à moi" lance le narrateur de Un moins Un. Toibin parle surtout de Toibin. Un sujet qu'il connait bien. Et parfois l'Irlande le reprend dans sa main et le meurtrit sans ménagement. Je crois qu'il n'arrivera pas à détester ça.
P.S. Je viens de voir au cinéma
Brooklyn, assez jolie et classique adaptation du roman éponyme de
Colm Toibin. Désormais son exil