Moi, je suis du pays des chapelles. Mes livres sont de petites chapelles que les titres relient entre eux. On ne pourrait pas inverser deux titres. […] La chapelle est mon architecture préférée. […] La chapelle, c’est le peuple, la cathédrale, c’est l’évêque. J’y vais souvent. Tu ouvres une porte qui grince dans le noir et, par les vitraux, un peu de lumière t’arrose. On croirait qu’il y a quelqu’un… Dans un lieu isolé, la chapelle semble tombée du ciel, déposée là, pile à son endroit… J’ai lu le roman très documenté et passionnant de Ken Follet, Les sept piliers de la terre, l’histoire des bâtisseurs de cathédrales en Angleterre et en France et aussi celui de Bernard Tirtiaux, Le passeur de lumière où il raconte l’histoire de Nivard de Chassepierre, le grand maître verrier qui a réalisé les vitraux de Saint Denis et de Chartres. Il part de Flandre et des clairs-obscurs et va jusqu’en Turquie pour chercher des bleus, chercher la lumière. Son dernier vitrail, le plus beau, est un vitrail invisible, le ciel. […] Ces deux livres donnent de l’épaisseur à mes arrêts dans les chapelles, dans les cathédrales. Quand je rentre dans la cathédrale de Leon en Castille qui offre, je pense, le plus grand équilibre entre la pierre et le vitrail, je suis inondé de couleurs. Tu pénètres littéralement dans l’ombre de la lumière. Lorsque j’accueille des écrivains étrangers, mes invités ont tous droit à un bord de mer, un bistrot et une chapelle. (p. 109-111)
Marcher, aller dehors. Je sors, je regarde le paysage, je redécouvre l’estuaire, sa lumière, son silence et je veux partager ma joie, ces petites joies offertes. […] Je suis allé chercher des forces ailleurs, vers la couche profonde qui soutient tout, celle qui te consolera toujours. Et une chose en entraînant une autre, j’ai étudié la botanique, les sciences dites naturelles, les almanachs poétiques japonais… La poésie brève est peut-être la seule forme qui peut contenir du bonheur. […] Guillevic disait qu’il ne lisait pas de roman parce que la durée implique la tristesse. […] Le poème bref, en fait n’est pas court, il est fugitif. C’est une éclaircie… (p. 88-89)
Les œuvres de Louis Guilloux dont ce merveilleux petit livre Compagnons qui donne envie d’être fraternel… Les Frères Karamazov, Guerre et Paix de Tolstoï parce que les hommes y sont considérés à hauteur d’hommes, les aristocrates, les paysans, les fous et les mendiants. […] c’est un continent d’hommes, de femmes, de paysages, de saisons conjugués, rythmés ensemble. Mais c’est toujours le même principe, des tensions développées au maximum. Tolstoï est un écrivain capable de tenir le poème en prose sur une distance comparable à celle de l’Illiade et de l’Odyssée. (p. 105) et (p. 131)
Ce que j’aime dans la poésie c’est qu’il s’y trouve à la fois une pensée et une chanson. Par le rythme, l’énergie est plus importante et se diffuse dans le corps, dans les pieds, dans les oreilles, dans les yeux et aussi dans nos cellules. Après la lecture d’un poème chinois, nous pouvons nous surprendre à regarder un paysage de brume tout à fait autrement. J’aime une certaine modestie de la poésie de Guillevic dont la pensée n’arrive pas en premier, elle existe par conséquent. (p. 49)
Je suis touché par l’humilité et la musicalité des poèmes de Verlaine. En trois vers Verlaine est là et tu l’invites dans ton cœur. Rimbaud, lui, est déjà parti. Avant même que tu lui aies demandé quelque chose, il n’est déjà plus là. (p. 63)
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac
Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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