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Pierre Gille (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070328888
244 pages
Gallimard (30/11/-1)
4.02/5   32 notes
Résumé :
«Un prophète n'est vraiment prophète qu'après sa mort, et jusque-là ce n'est pas un homme très fréquentable. Je ne suis pas un prophète, mais il arrive que je voie ce que les autres voient comme moi, mais ne veulent pas voir. Le monde moderne regorge aujourd'hui d'hommes d'affaires et de policiers, mais il a bien besoin d'entendre quelques voix libératrices. Une voix libre, si morose qu'elle soit, est toujours libératrice. Les voix libératrices ne sont pas les voix ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je pensais aborder un auteur visionnaire et je m'aperçois à quel point il est prisonnier de son époque. Ce recueil de conférences tient plus du pamphlet que de l'essai philosophique, et les fantasmes de dictature mondiale fondée sur la menace du feu nucléaire ne rendent pas honneur à la pensée de Bernanos. Ce dernier me fait penser aux mauvais côtés de Alain Finkielkraut ou Michel Onfray : il s'agit d'un conservateur qui dénonce les errements du progressisme alors que sa réflexion est sous-tendue par les mêmes valeurs humanistes, les mêmes idéaux des Lumières et des Droits de l'Homme, qui guident les progressistes eux-mêmes – si ce n'est qu'il y arrive par le christianisme. Il prétend les combattre sur leur terrain et avec leurs armes. Il fustige le "progrès" mais en adore les idées mères. En somme, pour paraphraser Bossuet, il me semble qu'il déplore les effets dont il chérit les causes.

Pourtant il y aurait à dire sur ces causes idéologiques qui le mènent à raisonner abstraitement. Bernanos défend que la France – ou plutôt l'idée que M. Bernanos se fait de la France, à savoir défenseuse des Lumières et de l'idée pure, quasi-platonicienne, de Liberté – doit faire rayonner ces grandes valeurs dans le monde afin d'être son phare dans la nuit, quand bien même ce serait au dépends de la puissance politique, économique ou militaire du pays. Or, il oublie qu'on a pu répandre nos valeurs "universelles" au XVIIe et XVIIIe parce qu'on était la superpuissance de l'Europe. Depuis la fin de la guerre, ce sont les États-Unis qui imposent leur universalisme. Une nation ne peut défendre des idées que si elle compte politiquement, militairement ou économiquement. C'est la puissance du pays qui fait son rayonnement. Bernanos, loin de ces considérations matérielles qu'il méprise, prétend faire briller un idéal en faisant l'économie du corps national qui le porte. On reconnait bien là une vielle logique chrétienne : vénération de l'âme mais détestation du corps physique.

Il y aura bien des sentences, presque des aphorismes, que l'on pourra citer en se disant qu'il a visé juste, que ses craintes ont pu se réaliser, mais elles s'appuient sur des opinions très générales, de l'ordre de la discussion entre piliers de bars, qui ne s'ancrent jamais dans le particulier, qui évitent les arguments précis et concrets en leur préfèrent les idées abstraites, toujours vagues (en l'occurrence la Liberté, l'Égalité, la Justice, etc.), que l'auteur enfile comme des perles afin d'arriver bon gré mal gré où il veut. La marge d'interprétation possible grâce aux propos flirtant avec le métaphysique, permet à chacun d'y trouver quelque chose pour son compte, mais le grand plaisir que procure ce livre, c'est surtout celui de ne pas être d'accord.
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C'est un écrit divisé en cinq parties que nous propose Bernanos. La forme est particulière puisque ce sont des textes écrits pour des conférences. Ce qui explique une certaine redondance au sein des parties. On oublie plus facilement ce qui est prononcé à l'oral puisque nous n'avons pas de support c'est pourquoi Bernanos martèle certaines thématiques.

Quelles sont-elles ? Il reprend une large partie de ce qu'il traitait dans La France contre les robots, il critique la liberté que la société des machines nous enlève. Cette société, anti-civilisation qui pousse l'humanité dans la jouissance, la fuite en avant et les loisirs. Cette anti-civilisation qui détruit notre vie intérieure, que Bernanos assimile à la liberté, celle de pensée notamment. L'homme moderne n'a plus le temps, en plus de cela la nourriture spirituelle qu'on lui donne ne peut le rassasier. Pour contrevenir à cette déspiritualisation, il se jette dans la modernité.

Bernanos esquinte ceux qui croient au dogme du progrès et voit dans l'Histoire une locomotive sur ses rails. Il préfère comparer l'Histoire à une toile que l'on recompose sans cesse. À propos de locomotive, la machine et les spéculateurs qui les contrôlent l'inquiètent. Ces personnes usent de propagande pour tuer la vie intérieure et ainsi rendre acceptable le mélange de mensonge et de vérité qu'elles propagent. Il met dos à dos marxistes et libéraux qui ne pensent qu'aux lois économiques et veulent dicter la marche du monde sous celles-ci.

Il s'inquiète, de la bombe atomique tout d'abord. Celle-ci le hante durant ces cinq conférences, c'est quelque chose qui l'a profondément marqué. C'est la machine des machines, celle qui pourra détruire le monde et l'humanité avec. Il souhaite que la jeunesse, nos « boomers », ne se laisse pas avoir et n'attend pas de la génération qui a laissé faire cette guerre un quelconque salut. Cette génération, dont Bernanos fait partie, laisse la propagande s'implanter en temps de paix et se comporte comme si l'on rentrait de vacance. Alors que nous rentrons d'une guerre terrible, destructrice.
Et c'est aussi un écrivain catholique, il nous expose sa foi et ses croyances. Il en veut aux nouveaux convertis d'être un peu trop ostentatoires dans la démonstration de leur foi. Mais, il en veut aussi à ceux qui croient qu'utiliser les mythes de la Bible pourra convertir les masses. Car il s'en remet à Dieu, qui est amour, et qui nous a laissé le libre arbitre pour que nous le rejoignions de plein coeur.

La lecture est très facile, même si les redondances peuvent être fatigantes à la longue. Néanmoins Bernanos donne un message d'espérance, et non d'optimisme, face à la société des machines. Il souhaite de plein coeur que la France reprenne son rôle de libératrice — référence à 1789 — et combatte ce monde anglo-saxon et allemand, mené par les lois économiques.
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Libéralisme et communisme ne sont-ils pas deux facettes du totalitarisme ?
Le monde des machines libère-t-il l'homme ou l'asservit-il ?
Et même, l'homme veut-il être libre ou préfère-t-il le confort d'être dirigé (voire asservi) ?
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
La menace qui pèse sur le monde est celle d'une organisation totalitaire et concentrationnaire universelle qui ferait, tôt ou tard, sous un nom ou sous un autre, qu'importe ! de l'homme libre une espèce de monstre réputé dangereux pour la collectivité tout entière, et dont l'existence dans la société future serait aussi insolite que la présence actuelle d'un mammouth sur les bords du Lac Léman. Ne croyez pas qu'en parlant ainsi je fasse seulement allusion au communisme. Le communisme disparaîtrait demain, comme a disparu l'hitlérisme, que le monde moderne n'en poursuivrait pas moins son évolution vers ce régime de dirigisme universel auquel semble aspirer les démocraties elles-mêmes.
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L'optimisme est un ersatz de l'espérance, dont la propagande officielle se réserve le monopole. Il approuve tout, il subit tout, il croit tout, c'est par excellence la vertu du contribuable. Lorsque le fisc l'a dépouillé même de sa chemise, le contribuable optimiste s'abonne à une revue nudiste et déclare qu'il se promène ainsi par hygiène, qu'il ne s'est jamais mieux porté.
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Il faut se hâter de sauver l'homme, parce que demain il ne sera plus susceptible de l'être, pour la raison u'il ne voudra plus être sauvé. Car si cette civilisation est folle, elle fait aussi des fous.
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La civilisation des machines ne saurait se concevoir sans un matériel humain toujours disponible. Le problème de la justice sociale est intimement lié à celui de la constitution d'un matériel humain ; c'est pourquoi les démocraties, comme les dictateurs, s'y intéressent tant. Un matériel humain doit être convenablement entretenu ainsi que n'importe quel matériel, mais la liberté, loin de favoriser son rendement, ne ferait que le diminuer en quantité comme en qualité.
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Pour rencontrer l'espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu'au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore.
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Videos de Georges Bernanos (43) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Georges Bernanos
« Rien ne me réconcilie, je suis vivant dans votre nuit abominable, je lève mes mains dans le désespoir, je lève les mains dans la transe et le transport de l'espérance sauvage et sourde ! » (Paul Claudel, Cinq Grandes Odes)
« Singulière figure que celle de Georges Bernanos (1888-1948) […]. Sorte de Protée des haines et de l'amour, il semble ne jamais offrir deux fois le même visage. Il y aurait plusieurs Bernanos : un Bernanos de droite, à cause des Camelots du Roi, un Bernanos de gauche à cause des Grands Cimetières sous la lune ; un Bernanos romancier des abîmes de la condition humaine, ou un Bernanos pamphlétaire névropathe ; un Bernanos anticlérical, un Bernanos pieux catholique ; un Bernanos antisémite, un Bernanos réactionnaire, un Bernanos prophète, un Bernanos énergumène, un Bernanos enthousiaste... L'inventaire est sans fin […]. Romancier, essayiste, journaliste, Bernanos est l'homme d'une oeuvre vaste mais unifiée, tout entière contenue dans cette tâche qu'il découvrit être la sienne : rendre témoignage à la vérité, en manifestant de toutes les manières possibles ce qui est pour lui la finalité de toute condition humaine. […] Bernanos ne se faisait aucune illusion quant à l'efficace immédiate de ses écrits sur la marche du monde. C'est, toujours et seulement, de la révolte de l'esprit, la seule qui vaille, qu'il est question chez lui. […] » (Romain Debluë)
« […] C'est sans doute ma vocation d'écrire, ce n'est ni mon goût ni mon plaisir, je ne puis m'empêcher d'en courir le risque, voilà tout. Et ce risque me paraît chaque fois plus grand, parce que l'expérience de la vie nous décourage de plaire, et qu'il est moins facile encore de convaincre. J'ai commencé d'écrire trop tard, beaucoup trop tard, à un âge où on ne peut plus être fier des quelques vérités qu'on possède, parce qu'on ne s'imagine plus les avoir conquises, on sait parfaitement qu'elles sont venues à vous, au moment favorable, alors que nous ne les attendions pas, que parfois même nous leur tournions le dos. Comment espérer imposer aux autres ce qui vous a été donné par hasard, ou par grâce ? […] Il faut vraiment n'avoir pas dépassé la quarantaine, pour croire que dix pages, cent pages, mille pages d'affirmations massives sont capables de forcer une conscience : c'est vouloir ouvrir la délicate serrure d'un coffre-fort avec une clef de porte cochère. L'âge aidant, il me paraît maintenant presque aussi ridicule et aussi vain de dire au public : « Crois-moi ! » qu'à une femme : « Aime-moi ! » et le résultat est le même, soit qu'on ordonne ou qu'on supplie. Rien n'est plus facile que de prêcher la vérité. le miracle, c'est de la faire aimer. […] » (Georges Bernanos, Comprendre, c'est aimer, paru dans La Prensa, à Buenos Aires, le 19 janvier 1941.)
0:04 - Réponse à une enquête 11:30 - Générique
Référence bibliographique : Georges Bernanos, Scandale de la vérité, essais, pamphlets, articles et témoignages, Éditions Robert Laffont, 2019
Image d'illustration : https://www.france-libre.net/bernanos-appel/
Bande sonore originale : Carlos Viola - The Four Witnesses (Piano Version)
Site : https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/the-four-witnesses
#GeorgesBernanos #scandaledelavérité #LittératureFrançaise
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