Pourquoi ? Pourquoi ??? Qu'ai-je fait pour mériter ça ??? Pourquoi suis-je punie au point de me retrouver à lire régulièrement des daubes pseudo-culturelles ? Je pensais être tombée plus bas que terre avec
Eva Bester, mais je me dois d'observer qu'on peut malheureusement toujours tomber plus bas, encore, encore, et encore. Ce calvaire prendra-t-il fin un jour ? Les éditeurs vont-ils enfin cesser de publier des livres uniquement parce que l'auteur fait partie de leur petit cercle, et s'intéresser au contenu ? Peut-être que c'est juste moi qui n'ai pas saisi le concept d'édition et qui croit bêtement qu'un livre se doit de posséder un minimum de qualités et d'intérêt, alors qu'en fait, pas du tout, un livre est juste fait pour être vendu et pour faire croire aux lecteurs qu'ils sont plus bêtes que l'auteur et doivent forcément le vénérer - surtout s'il est chercheur au CNRS, comme nous le fait bien remarquer l'éditeur de
la maison qui soigne. On ne va quand même pas oser, nous, simples lecteurs, simples consommateurs sans cervelle, affirmer qu'un livre écrit par un chercheur du CNRS est nul ? Ben si. Si. Si si si. Oh que si ! Siiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!
Certes, c'est moi qui ai voulu lire un livre de
Nathalie Heinich, même si je suis tombée sur ce titre par hasard lors d'une Masse critique de Babelio, quelques mois après avoir lu un de ses essais. J'avais d'ailleurs prévu de lire au moins deux autres essais d'elle - là, c'est curieux, je suis vachement moins enthousiaste. Un peu comme dans les moments où je me dis que je vais enfin lire un roman de le Clézio et que je me retrouve le nez dans une de ses interviews ou que je le vois cinq minutes à la télé : ma motivation en prend direct un gros coup. Ben là, pareil. Bon, j'avais bien capté que
Heinich, dans son essai "Art brut : axiologie d'une artification", ne se prenait pas pour une crotte. Mais ses sujets d'étude me paraissaient suffisamment intéressants pour faire abstraction de la suffisance de l'auteure qui apparaissait en filigrane dans son texte. À ce jour, alors que je viens de lire
La maison qui soigne, il va me falloir prendre sacrément du recul pour m'attaquer à ses essais :
Heinich me semble odieuse, et représente à mes yeux le parfait cliché de la bourgeoise parisienne très aisée faisant montre d'une condescendance assez abjecte envers ses concitoyens non parisiens et d'une autre classe sociale que la sienne (donc la très grande majorité de la population française). Et ces traits de sa personnalité ne m'ont pas vaguement agacée, comme cela arrive avec d'autres auteurs, mais horripilée, parce qu'ils sont malheureusement au coeur du livre. Lorsqu'on clame à la page 24 (page à laquelle j'aurais refermé le livre si je ne m'étais pas engagée auprès de Babelio pour en écrire une critique)... donc, quand on clame à la page 24 de son livre en manière de blague qu'on a été assez désespérée pour avoir cherché une maison jusqu'en Bourgogne ou dans le Comtat Venaissin (j'imagine que c'est censé relever de la private joke), on se permet une blague raciste, au sens large - disons discriminatoire, afin d'être plus précis dans les termes, mais ce qui revient au même.
Nathalie Heinich n'est pas un auteur du XIXème qui pouvait, sans que ça choque personne, se montrer misogyne, antisémite, raciste et j'en passe. Elle écrit aujourd'hui... et elle est quand même sociologue. Oui, oui, so-cio-lo-gue. Ce qui donne matière à réflexion sur un tel choix de carrière pour une personne autant imprégnée de préjugés désolants.
Et le fait que l'auteure soit sociologue, c'est d'ailleurs ce qui m'avait donné envie de lire en partie
La maison qui soigne. Ca, et évidemment le sujet du lieu de vie qui n'est pas forcément celui qu'on comptait choisir, mais qu'on va s'approprier. Je n'avais pas compris en lisant le texte de la quatrième de couverture qu'il s'agissait d'un récit autobiographique ; j'aurais sans doute tiqué si j'avais saisi que le livre de
Nathalie Heinich parlait de
Nathalie Heinich, vu qu'elle faisait déjà un chouïa son propre panégyrique dans son essai déjà cité, "Art brut : Axiologie d'une artification" (avouez que vous vous délectez à lire et relire ce titre). Bref, j'ai choisi ce livre en me trompant sur ce qu'il était, en imaginant que le sujet du lieu de vie serait traité, sinon de manière exceptionnelle, au moins d'une façon originale - ce que laissait présager la quatrième de couverture. Et surtout, qu'il serait traité tout court.
Au lieu de quoi, je me retrouve avec le livre d'une femme qui se plaint d'avoir du mal à trouver une (grande) maison qui lui convienne alors qu'elle a de quoi la payer comptant en piochant dans son patrimoine personnel, qui se plaint qu'il faut constamment entretenir un logement et effectuer des réparations (la vache, il a quand même fallu qu'elle achète une résidence secondaire à 50-60 ans pour s'en rendre compte !), qui se réjouit que son voisin soit un menuisier au chômage vu qu'elle va pouvoir le payer en chèques emploi service, donc le payer une misère tout en bénéficiant d'un crédit d'impôts (la vache, la radinerie alliée au manque d'empathie !), qui se félicite de l'entraide que montrent les gens de la campagne (ah, c'est qu'ils sont gentils ces petits campagnards incultes !) parce qu'elle se fait aider tout le temps par ses voisins tout en ne les aidant jamais, qui nous fait la liste de ses bancs installés dans le jardin car, je cite, "Un jardin, ce sont des bancs entourés de végétation" (la vache, cette vision révolutionnaire des jardins !), qui fait semblant de s'inquiéter de la diminution du nombre d'oiseaux - c'est le paragraphe où elle fait tout simplement semblant de se soucier d'écologie et du mode de vie induit par le néo-libéralisme économique - mais qui ne prend pas une seconde pour s'interroger sur l'impact de son propre mode de vie sur l'environnement (la vache, faudrait quand même pas pousser, hein !)... Bon, là, on atteint le comble du ridicule, le paragraphe se terminant par "Ô les oiseaux... ! Ô les oiseaux, les oiseaux, les oiseaux ?!" Non, je ne divague pas, c'est ce qu'elle a écrit.
Ajoutez à cela la liste du linge de maison (une pièce offerte au Maroc par un amant de passage, un autre rapportée de Bali, une autre chinée lors d'une délicieuse braderie locale, etc., etc.), la mention des deux dressings qui semblent constituer l'aboutissement de toute une vie (ça vaut le coup d'être devenue chercheuse au CNRS, ma foi), la liste des vêtements qu'elle a rangé dans ses dressings, la liste des objets et des meubles achetés pour remplir la maison (toujours plus, c'est le credo de l'auteure ; on va quand même pas remettre en cause un mode de vie consumériste, on a déjà suffisamment donné avec le paragraphe sur les oiseaux), la liste des plantes qu'elle tente de faire pousser ou qu'elle arrache sans vergogne (parce que oui, elle arrache avec rage les pissenlits, les orties et j'en passe... Quelle connaissance admirable de la biodiversité !), la liste des horreurs qu'elle fait subir aux souris avant de penser à ranger la nourriture dans des récipients bien hermétiques, et, en fait, la liste de tout ce qui, personnellement, ne m'intéresse pas et n'amène aucune réflexion sur ce qui est censé constituer le sujet du livre. En sus, L'auteure fait sa maligne en utilisant les termes linguistiques "phonème" et "morphème", qu'elle ne maîtrise pas bien et confond avec les termes "signifiant" et "signifié". Était-ce bien la peine de se ridiculiser ainsi ? Je vous laisse juges. Et évidemment, c'est émaillé de citations d'une très haute volée culturelle, histoire de faire passer le vide abyssal du livre. Ca commence par
Proust, ça finit par
Edith Wharton, en passant entre autres par
Bachelard. Et aussi par
Bachelard. Ainsi que par
Bachelard. Ce sont d'ailleurs les meilleurs moments du texte, au point que j'ai fini par me dire : "Pauvre idiote, pourquoi tu n'es pas plutôt en train de lire
Bachelard ?"
Je vois bien ce qui peut intéresser les lecteurs de ce livre : c'est le sujet de départ. La maison moche qu'on va finir par aimer, les lieux où on a vécu, les liens qu'on tisse avec ses différents lieux de vie, la façon dont on s'approprie son lieu d'habitation. Un sujet qui interpelle pas mal de monde et qui pourrait se décliner à l'infini. Mais le sujet ne fait pas le livre, sinon ça se saurait. Et ce livre-là est creux, narcissique, consumériste, condescendant, méprisant. Entre autres.
Nathalie Heinich fait mine de réfléchir à son sujet en nous jetant des citations et des clichés à la figure. Toute la pseudo-réflexion de l'auteure tient dans ces citations utilisées de manière égocentrique et bas-de-plafond. Et devinez un peu comment ça se termine... Avec
Nathalie Heinich qui affirme qu'en écrivant ce livre elle est devenue alchimiste et a transformé grâce à son talent d'écrivain - c'est-à-dire en accumulant des petites notes qui parlent d'elle et de sa résidence secondaire sans jamais rien creuser - du plomb en or. Je vous assure que je n'invente rien, c'est écrit noir sur blanc. Oui, elle a osé.
Et moi qui trouvais que
Bernard Werber avait les chevilles un peu enflées lorsqu'il se comparait à
Jules Verne ! Désormais, je considèrerai
Bernard Werber comme un parangon de modestie.
Masse critique Littératures
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