L'ouvrage de
Pierre Laborie, le chagrin et le venin, est un beau livre. Fruit d'un travail qui apparait come passionné, la réflexion de l'auteur est très intéressante et son ambition de déconstruire mythes et légendes au sujet de la Résistance, de la collaboration et de l'occupation est remarquable.
Dès les premières pages, en partant de constats simples,
Pierre Laborie relève les éléments qu'il cherchera à (re)travailler tout au long du livre :
« En effet, avec l'emploi à tout va de la notion de mémoire et du devoir qu'elle impliquerait, la confusion s'est installée dans le langage quotidien sur cette période du passé »
« [La Seconde Guerre Mondiale] occupe, on le sait, une place exceptionnelle. Elle y est à la fois éminente et conditionnée par des intérêts sélectifs, des points de vue partisans, avec des crises d'amnésie passagères ou tenaces, quelquefois vertigineuses »
L'auteur cherche à « tordre le cou » à tous les préjugés, les idées reçues, les mythes et les faux-semblants sur cette période sombre de l'histoire que sont les années 1940. Il explicite ainsi son idéal de l'histoire : « C'est bien une certain idée de l'histoire qui sous-tend ce livre : non seulement un savoir établi, comme il se doit, mais une réflexion critique sur la construction, la transmission et les usages de ce savoir ».
Cependant, un point m'a gêné et m'a empêché d'aimer pleinement le livre : le style d'écriture.
Pierre Laborie a une écriture certes d'une très grande qualité et d'une incroyable richesse, mais beaucoup trop lourde et aux structures trop complexes à mon goût. Cela rend la lecture bien trop difficile. Evidemment, traduire des idées complexes en quelques phrases simples est, souvent, chose impossible. Mais quand la complexité devient trop importante, la lecture elle-même devient malaisée, voire désagréable. le livre reste excellent dans sa recherche de vérité et le travail qui a été effectué par ce brillant historien. Mais il prend notamment pour base le film « le chagrin et la pitié » (1971, Marcel Olphus), ce qui rend là encore la lecture un peu plus complexe pour ceux qui n'ont pas (encore) vu le film, et qui n'ont pas toutes les clefs nécessaires à la compréhension de l'ouvrage. Enfin, mais cette remarque vaut pour un grand nombre de livres à caractère scientifique, les notes en fin d'ouvrage coupent abominablement le rythme de lecture : nécessaires à la compréhension du texte, il faut sans cesse faire des allers-retours entre le début et la fin du livre pour les consulter.
Ce livre est donc intéressant, pour ne pas dire passionnant, dans le message qu'il porte, puissant par sa réflexion et utile par la contribution qu'il apporte à la compréhension sombre et souvent couverte de mythes et de faux-semblants, mais l'écriture complexe peut être un frein pour un certain nombre de lecteurs (même aguerris).
(Livre lu suite à Masse Critique)