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EAN : 9782843048234
144 pages
Zulma (03/05/2018)
3.73/5   28 notes
Résumé :
« On m’a dit que je naissais au monde, que les montagnes reculeraient devant mes aspirations, que les plaines donneraient plus de blé qu’elles n’en ont jamais produit et que les matins s’offriraient à mes pas juvéniles. Que ne m’a-t-on dit pour me laisser croire que j’étais un homme libre ? »
Amray est né avec la guerre, entre le souffle du chergui, le vent chaud du Sahara, et les neiges des Hauts Plateaux, fils préféré d’une mère qui n’avait jamais appris le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Amray nait dans un foyer sans amour. Sa mère a 13 ans quand elle est mariée à son père qui en a 36. Comme les femmes de son époque, elle n'a rien à dire, n'a aucun droit. On lui demande seulement de procréer et de servir. Quand il nait, au coeur d'une famille nombreuse, son père a 60 ans et a passé la majeure partie de sa vie à combattre : deux guerres mondiales sous le drapeau français et puis la guerre sur son sol. Sa mère, sans instruction, simple et d'une grande sagesse, l'aimera comme elle n'a pu aimer ses autres enfants.

« le livre d'Amray » nous plonge dans l'histoire d'un pays jamais nommé mais dont on comprend très vite qu'il s'agit de l'Algérie. A travers les tourments de l'Histoire, Yahia Belaskri nous raconte la vie d'Amray – dont le nom signifie l'amoureux en berbère. Très jeune, le narrateur a la fraîcheur de l'innocence, la candeur de l'enfance. Il nous décrit avec force détails son quotidien, ce monde qui change, ses amis qui disparaissent de l'école et de sa vie, les regards qui se font fuyants ou au contraire appuyés… Son histoire se confond avec celle de son pays, faite d'espoir et de rêves au coeur des années 60 et 70 puis d'illusions perdues et de trahison. Solitaire, il vole des livres – avec la bienveillance du libraire - car il ne peut les acheter. Il s'instruit, se construit, grandit et devient à son tour mari et père. Mais un autre danger guète et la violence refait surface au coeur de son pays et de sa famille.

A travers Amray, c'est l'histoire de l'Algérie qui se dessine et de la lutte incessante qu'elle a menée pour sa liberté, lutte marquée par des figures héroïques comme Saint Augustin, la Kahina ou Abd-el-Kader. Tous trois berbères, ils sont les piliers de ce roman, et les fondements de l'identité algérienne.

D'une grande puissance poétique, ce récit de violence et de guerre, retrace l'histoire d'Amray mais est aussi un réquisitoire contre l'autoritarisme, l'intégrisme, la dictature qui enferment l'homme. Jamais nommée, l'Algérie est pourtant bien présence à chaque page, dans chaque mot célébrant avec mélancolie cette terre natale de l'auteur. C'est un chant d'amour à un pays dur, fier, meurtri dont l'auteur espère encore le renouveau, la renaissance. C'est une fresque onirique, celle d'un pays souffrant, écartelé entre mythes, souvenirs heureux et tragédies.
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J'ai eu la chance de rencontrer l'auteur à la Comédie du livre de Montpellier de 2018 et la façon de parler de son livre m'a poussé à l'acheter.

J'y ai trouvé ce qui était annoncé, un livre polymorphe: autobiographie partielle mais aussi roman, émaillé de poèmes, d'hommages à ces grandes figures qui ont fait de l'Algérie ce qu'elle est (Kahina, Abd el Kader, Saint-Augustin), de réflexions sur ce que ce pays est devenu, sur ce que la décennie noire du terrorisme et l'influence grandissante du religieux en ont fait.

On est parfois perdu dans ces changements de style, mais il faut savoir se laisser emporter par les mots sans vouloir toujours chercher à tout comprendre. D'abord l'auteur parle à demi-mot et on le comprend quand on sait que la plupart de ceux qui parlent aussi librement sur ce pays ont été finalement poussés à l'exil. Mais vers la fin, les mots se font plus durs, les dénonciations plus claires, le positionnement plus affirmé. Là où l'enfance et l'adolescence d'Amray pouvaient parfois confiner à la naïveté, l'âge adulte lui amène la totale conscience de la réalité, âpre, violente, crue. La poésie reste omniprésente mais elle se fait plus désabusée, l'espoir est là mais ne semble plus se matérialiser dans une réalité concrètement vivable.

Finalement, sans jamais la nommer, ce livre est une ode à l'Algérie qui, on l'espère, renaîtra à elle-même, tel le phoenix de culture et d'ouverture qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être.
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Ce livre plein de poésie, de verve, d'innocence mais de violence aussi, c'est l'histoire magnifique que nous conte Yahia Belaskri avec "la vie d'Amray", celui qui commande, qui suit ses propres idées (mais aussi "l'amoureux" en berbère selon Wikipedia)....

Né en Algérie pendant la guerre d'indépendance au sein d'une famille nombreuse, son père (qui a fait deux guerres sous les drapeaux français puis enfin celle pour son pays) a 60 ans quand sa mère en a 37. Mariée sans amour à 13 ans, celle-ci n'a pas son mot à dire. Elle est destinée à assurer la descendance et servir son mari. Elle aura de nombreuses fausses couches, d'autres parviendront à survivre, mais Amray restera toujours le "préféré" de la famille jusqu'à son dernier souffle.

Amray dans ce livre parle plus volontiers de ses ami(e)s que de sa fratrie. Il nommera vaguement quelques soeurs, quelques frères et s'attardera un peu sur l'histoire de ses parents mais surtout restera proche de sa mère jusqu'au bout, même en "exil". Il se reprochera cependant d'arriver toujours "trop tard": pour la mort de son père, de sa mère, celle de ses frères et de ses soeurs. Il sera celui qui arrive "après" les évènements... Il aura pourtant à coeur de porter toujours hommage aux uns et aux autres.

Alors, quoique jamais nommée, L'Algérie flamboie ici, de toutes ses lumières, de toutes ses images, de toutes ses odeurs et de toutes ses couleurs.

Une Algérie transcendée par la douceur et la fraîcheur du récit: Amray alors enfant, ne perçoit pas toute l'étendue des ravages de la guerre. Il la survole - il n'a alors que 10 ans en 62- avec ses yeux d'enfants et ne perçoit ses effets que lorsque ses amis, Shlomo et Paquito ne réapparaissent plus en début d'année et qu'Octavia finisse elle-aussi par s'en aller. Il comprendra qu'une partie de son passé est alors révolu mais sans pour autant en saisir la raison.

On ne voit donc pas vraiment les violences, les arrestations, les combats, la déchirure des premiers départs; on les devine seulement et c'est ce qui fait toute la force du récit. C'est seulement quand Octavia, restée plus tard que les autres, sera insultée et traitée "d'étrangère" à l'école par ses propres camarades de classe et qu'elle quittera à jamais ce sol qui l'a pourtant vu naitre ainsi que ses parents qu'Amray comprendra que "rien ne sera plus comme avant" et que tout est définitivement bouleversé.

Bien plus tard, devenu un homme, après s'être instruit en parti par lui-même, c'est face à l'intégrisme montant qu'il devra faire face: fanatisme religieux mais aussi dictature naissante. Traité lui aussi "d'étranger" car il aura dû quitter son village pour travailler "à la ville", il finira par ne plus comprendre le monde dans lequel il vit.

Il ira travailler de ville en ville, puis devenu mari et père, Il finira par se réfugier alors dans la mythologie, L Histoire passée, ses souvenirs et sa rêverie. Seul son ami Anzar le suivra et, à la fin et sans préavis c'est lui qui terminera l'histoire. le terme de ce récit reste d'ailleurs pour moi des plus mystérieux. Je ne sais si Amray devient fou ou non ou s'il rêve simplement son pays comme il ne le sera jamais plus, entre réalité et nostalgie.

Cette ode à la liberté, de geste et de pensée, écrit à la première personne du singulier présent, est néanmoins ponctuée de quelques pages "d'histoire": celle de l'Algérie, de la Kahina, d'Abd-el-Kader ou de Saint Augustin. Bref un beau récit, majestueux, fier, digne et droit: entier en somme, tout comme l'est le personnage d'Amray, amoureux des mots, de la vie, de son pays, épris de justice et de liberté.
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La violence d'un conflit resté gravé dans l'Histoire, le déchirement intérieur d'un personnage face aux racines auxquelles on l'arrache, un destin qui se déroule coûte que coûte comme ce violent rouleau compresseur qu'il est… Yahia Belaskri, célèbre auteur algérien, revient en librairie avec son nouveau roman le Livre d'Amray publié chez Zulma.


# La bande-annonce


« On m'a dit que je naissais au monde, que les montagnes reculeraient devant mes aspirations, que les plaines donneraient plus de blé qu'elles n'en ont jamais produit et que les matins s'offriraient à mes pas juvéniles. Que ne m'a-t-on dit pour me laisser croire que j'étais un homme libre ? »


Amray est né avec la guerre, entre le souffle du chergui et les neiges des Hauts Plateaux. Mais bientôt son monde vacille et les amis d'enfance, Shlomo, Paco, Octavia – celle qu'il nomme ma joie – quittent le pays.


Resté là comme en exil, Amray, fils de fières et nobles figures de résistance, Augustin, la Kahina ou Abd el-Kader, part lui aussi chercher plus loin ses horizons.


Roman de toutes les premières fois, premier amour, premières folies, premiers combats, le Livre d'Amray est une charge ardente contre tous les intégrismes, un chant vibrant d'amour pour une terre qui n'est jamais nommée, une Algérie rêvée et rendue à la vie – un chant d'espoir au monde.


# L'avis de Lettres it be


A l'image de nombreux autres auteurs du Maghreb, Yahia Belaskri écrit et hurle contre les enfermements de l'esprit bien trop contemporains. Un travail collectif complété de main de maître par l'auteur algérien, ancien chargé des ressources humaines et encore journaliste de profession, qui revient après Si tu cherches la pluie, elle vient d'en haut publié en 2010 et récompensé du Prix du roman Ouest-France Étonnants Voyageurs l'année suivante. Violence, guerre, arrachement à sa terre, intégrismes de toute nature… le Livre d'Amray est une charge onirique contre tous ces maux, une charge légère et poétique à la puissance dévastatrice.


La force d'un premier amour qui se mesure à la possibilité qu'il soit le dernier, les premières amitiés pensées éternelles, les premières expériences de passage à l'âge adulte… le Livre d'Amray est assurément un récit initiatique, celui d'un apprenti adulte balancé trop vite de l'autre côté de la frontière qui sépare les plus jeunes de tous les autres. Un passage qui se fera entre les gouttes de l'orage, entre le fracas de la guerre, les disparitions consécutives des proches et des moins proches et l'espoir d'un amour qui s'éteint.


Dans ce court roman, Yahia Belaskri s'inscrit avec brio dans la tradition du roman contemporain qui se développe au Maghreb, à l'image de Boualem Sansal avec son dernier 2084 : la fin du monde et tant d'autres. Une tradition littéraire remplie tant de poésie que de gravité, qui ne nomme jamais vraiment le chaos mais le fait prendre vie comme rarement sous nos yeux. Et que peuvent faire l'Art et la poésie face à tout ça ? Découvrez le Livre d'Amray pour espérer une réponse…


Retrouvez la chronique en intégralité sur Lettres it be
Lien : https://www.lettres-it-be.fr..
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143 pages délivrées comme un cri de rage par Amray, l'amoureux, le fils de Saint Augustin et de la Kahina. Il crie son coeur et ses tripes face à l'obscurantisme, face à cette guerre d'Algérie qui lui a tout pris. Et quand l'armée envahit les rues et que les armes font feu, il y a cette phrase extraordinaire qui illustre le propos : "Le mouvement s'amplifie et les jeunes, poitrine offerte, défiant ceux qui saignent leurs rêves."
Cette guerre lui a enlevé Octavia qu'il appelle "Ma joie". Oui Octavia est algérienne mais pas d'origine alors elle doit quitter cette terre comme Shlomo, comme Paco les amis d'Amray. Octavia, pour qui il aurait voulu "Une baie sur son ventre chaud" et depuis quelle est partie elle est son "utopie et le roman qu'il écrit".
Amray abat les mots comme des haches brillantes et prophétiques, il prévient : "Rappelez vous de moi, le fou qui hante vos esprits et vos mémoires. Vous m'avez cru mort, mais je suis vivant". Amray, le poète, exilé, que la barbarie, l'ignorance crasse des fous de Dieu, va lui faire perdre la raison mais pas le coeur, pas la poésie, pas l'amour.
Le roman de Yahia Belaskri est doté d'une langue riche et poétique, d'une langue de rage merveilleuse et douloureuse.
J'ai su que quelques personnes en ont fait une lecture à voix haute, à priori mieux adaptée. Ce n'est pas mon cas, j'avais besoin de silence pour en goûter toute l'intensité.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Je me suis tourné vers mes parents, je n'ai trouvé que la défaite dans les yeux de mon père silencieux et le renoncement dans ceux de ma mère. Ils citaient des extraits d'un livre qu'ils n'avaient jamais lu, transmis par ouï-dire, se pliaient en quatre à se tordre les os, invoquaient des saints qui m'étaient étrangers, ouvraient leurs mains au ciel qui ne les entendait pas. Lorsque j'ai compris, il était trop tard.Je mordais dans la vie et je venais d'être mordu dans le dos. Les morsures se succédaient et mon dos ne reposait plus que contre du vide. Ivresse d'un matin d'effroi. Mes parents n'étaient pas mes parents. Ou alors le fils que j'étais n'était pas leur fils.
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“ Tu vois ce qu'ils ont fait de nous ? Ouvre les yeux. Ils ont pris nos corps et les ont flagellés. Ils ont entravé nos mains et ligotés nos jambes. Ils nous ont bâillonnés. Dans nos ventres ils ont creusé des gouffres. Ils ont pris nos vies et broyés nos cœurs. Même notre air, ils l'ont pollué. Ah ! Nos mots ! Ne les ont-ils pas pervertis ? Ils ont arraché notre verbe et soufflé la haine dans nos veines. Ils ont même affolé les poètes. Que reste-t-il ? Dis-moi ce qu'il nous reste. Leurs mensonges comme autant de plaies. Leurs allégories comme autant de dagues plantées. Il restera leurs meurtrissures, il restera nos cicatrices, la souillure qu'ils ont semée. ”
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“ Rappelez-vous de moi, le fou qui hante vos esprits et vos mémoires. Je ne vous céderai rien de ce qui m'appartient, de ce qui me fut transmis par mes ancêtres. Vous les avez vaincus, enfouis dans des gouffres, jetés aux oubliettes. J'interrogerai leurs ossements, qu'ils content leur récit et dévoilent vos méfaits. Je ne vous céderai rien non plus de la découverte du monde, ses attraits comme ses atours. Vous m'avez cru mort, je suis vivant. Vous avez sous-estimé l'amour car il vous est inconnu. Vous ne connaissez que brutalité et cruauté. Ma joie est là car tout se sait et votre félonie a été éventée. Je suis Amray, amour du monde et de ses mystères. ”
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Vidéo de Yahia Belaskri
Zulma a 30 ans / Entretien improbable avec… Yahia Belaskri / Éditions Zulma
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