Livre lu dans le cadre de Masse Critique. Je remercie Babelio de m'avoir sélectionnée, ainsi que Allary-Éditions pour leur envoi et leur sympathique message.
J'étais ravie de découvrir ce titre dans la liste. J'avais écouté peu de temps auparavant l'auteur
Pascal Picq en parler sur
France Info et son propos m'avait incitée à le lire. C'est aujourd'hui chose faite.
Pour ce qui est de la structure, l'auteur ne part pas sur un essai classique comme pour ses précédents ouvrages. Il opte pour un dialogue avec Adama, jeune lycéenne de Terminale, en Afrique. J'ai trouvé à cette forme deux aspects très positifs. D'une part, il en ressort un caractère pédagogique indéniable, d'où une grande accessibilité du livre. D'autre part, il offre une vision non occidentale sur des thèmes qui restent, il faut bien le dire, majoritairement issus de pays occidentaux. La discussion Adama-Pascal
Picq ouvre ainsi d'autres axes de réflexion et une vision critique plus ouverte des projets trans- ou posthumanistes.
Et justement, ce sont là les sujets traités. Humanisme, humanité augmentée, transhumanisme, posthumanisme, intelligences artificielles, ... Autant de termes qu'on entend ou voit de plus en plus dans les médias, avec tous les débats que cela peut supposer. Et sans forcément être au clair de ce qu'il y a derrière les mots.
Paléoanthropologue évolutionniste,
Pascal Picq se propose de clarifier tout ça. Il débute par un retour sur l'histoire de l'humanité, de son évolution et des coévolution qui l'ont également déterminée. Partie fort intéressante qui permet de refaire le point sur des connaissances souvent oubliées (c'était mon cas tout du moins) afin de pleinement mesurer les impacts des projets et des réalisations espérées des transhumanistes.
Comme dans transhumanisme et posthumanisme il y a le terme humanisme, l'auteur se fait fort dans une seconde partie de rappeler en quoi consiste ce concept né dans l'Europe de la Renaissance et comment il a évolué avec les siècles jusqu'à apparaître dans les concepts cités ci-dessus. On s'aperçoit alors très vite qu'il n'existe pas un seul et même type d'humanisme mais, dès les Lumières, une scission entre les tenants de la pensée, qui éprouvent méfiance voire mépris vis-à-vis des sciences et techniques (branche francophone) et les partisans de celles-ci en soutien à des projets idéologiques (branche anglo-saxonne). Cette dissension se retrouve toujours aujourd'hui avec une plus grande frilosité en France pour tout ce qui est intelligence artificielle, connectivité des objets, etc.
Ces deux parties conduisent en toute fluidité vers la définition des courants transhumanistes, comment sont-ils nés, quand et quels en sont les "pères fondateurs" théoriques avant que la révolution numérique de ces dernières années offre des possibilités de réalisation toujours plus accrues. Ces projets vont de l'amélioration de l'être humain à l'éradication de la mort, en passant par de nouveaux systèmes de procréation avec utérus artificiel, le téléchargement de l'esprit humain dans des programmes informatiques et/ou des supports humanoïdes robotisés, etc. Les exemples fournis par l'auteur donnent le tournis tant ils bouleversent de façon radicale le concept même d'humanité et ce que les transhumanistes considèrent comme les contraintes de la condition humaine à repousser voire à dépasser. Là,
Pascal Picq aborde également la question de l'éthique de tels projets car une chose est de pouvoir faire, une autre est de s'interroger avant sur le bien-fondé et les conséquences. Il semblerait que pour les tenants d'un nouvel âge de l'humanité ces questions appartiennent à de vieux concepts de morale qui ne devraient plus avoir cours.
Sans être moralisateur ni partisan du "c'était mieux avant", le paleoanthropologue attire l'attention du lecteur sur les conséquences possibles de ce nouveau stade évolutif - si tant est qu'on puisse encore parler d'évolution. Il est important de prendre conscience des impacts non seulement pour l'Homme mais également sur tout l'environnement qui est déjà bien dégradé.
D'où des espérances transhumanistes envers la conquête spatiale et l'installation de cette H+ comme ils nomment l'humanité augmentée, sur d'autres planètes. de quoi s'interroger sur le devenir de l'espace mis en coupe réglée par des Hommes toujours plus voraces en matières premières.
J'ai trouvé cet essai infiniment passionnant à lire. le ton ne sombre jamais dans un négativisme complet, pas plus que dans un enthousiasme exacerbé.
Pascal Picq m'a permis de mieux poser les tenants et les aboutissants des trans- et posthumanismes, de mieux comprendre et appréhender les concepts. Très marquant et doté d'une abondante bibliographie, l'essai invite à d'ultérieures recherches et à réfléchir plus avant sur le devenir de l'Homme. Ses références à des oeuvres fictionnelles - romans ou films de science-fiction - offrent une ouverture supplémentaire sur le sujet.
C'est donc, à mes yeux, un ouvrage fondamental que je relirai tout ou partie pour encore mieux m'imprégner des questions qu'ils posent.