J'ai dévoré ce livre de
Grégoire Kocjan et il me laisse une impression profonde. J'espère que les futurs lecteurs ne s'en tiendront pas aux odeurs, au pipi et au caca : non seulement l'écriture est belle, mais cette courte sélection de contes aborde avec le talent habituel de l'auteur toutes sortes de thèmes sérieux.
Je vais tenter d'en parler sans être trop explicite : je ne voudrais pas trop dévoiler la matière de ces récits originaux pour que les autres lecteurs se régalent autant que moi.
J'aime quand l'écriture se « débride », et qu'elle aborde des thèmes dont nous avons un vrai besoin de parler : tu mélanges allègrement la grosse rigolade et l'accostage de ces rivages plus difficiles d'accès.
Les références littéraires ne manquent pas, au gré des pages, et sans doute n'ai-je pas capté tous les clins d'oeil. J'ignore si Baridbaran est le héros d'autres légendes en Inde, la cruauté de celle-ci rappelle certains contes d'Orient.
Dersou Ouzala, LE
Dersou Ouzala de
Vladimir Arséniev, traverse tes pages. J'ai reconnu aussi au passage « little miss Sunshine ».
Mais tous sont servis à ta sauce, par exemple quand tu retournes les rôles :
« C'était une grande honte, dans ce royaume, de mettre au monde un mâle en premières couches » « Il faut dire que l'on n'aimait guère les hommes dans ce royaume. La tradition les désignait comme “impurs” et bien inférieurs aux femmes. »
De plus, tu ne te prives pas de mettre sens dessus dessous les ressorts habituels du conte : voilà que les gentils en prennent plein la tronche et sans récompense à la fin !
Alors je ne vais pas chercher la morale là-dedans :
« Elles sont toujours horribles tes histoires papé (…).
- Que veux-tu, la vie est ainsi faite. Tout ne peut pas toujours aller pour le mieux (…). »
D'ailleurs, « le grand malheur, c'est la bêtise » dis-tu, une bonne raison pour que tu évites la gimauve, les clichés et les « happy ends ».
Dans son autobiographie, «
j'ai pas fini mon rêve »,
Henri Gougaud évoque les travaux de
Marie-Louise von Franz sur l'interprétation des contes de fées.
« Les vieux récits déraisonnables qui tiennent tête à tous les temps sont les enfants, à ce qu'elle dit, des rêves qui, la nuit, viennent nous rendre visite », précise cet autre conteur. Alors, cher Grégoire, si par un bienheureux hasard, je pouvais un jour te poser la question, voici ce que je te demanderais : d'où te vient cette foultitude d'idées, rigolotes mais pas que, et tellement originales ? Je connais d'autres titres que tu as écrits et c'est pour cela que je suis impressionné !
Qu'est-ce qu'on peut être couillon quand on est amoureux
Remercie de ma part aussi bien Babélio pour ses masses critiques que ton éditeur, « l'atelier du poisson soluble » pour ses choix éditoriaux sympathiques.