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EAN : 9782916266749
80 pages
Editions Sillage (12/10/2010)
4.25/5   10 notes
Résumé :
En 1929, un jeune poète de vingt-quatre ans fait paraître Ni père ni mère à Budapest, où il est connu des cercles intellectuels et littéraires. Poète au lyrisme puissant, au style profondément original, il chante sa misère, son désespoir, ses amours et sa révolte. Ni père ni mère fait de lui l un des poètes majeurs de l entre-deux-guerres. Il donnera quatre recueils encore, avant de se suicider en 1937. Éluard, Tzara, Cocteau et bien d autres lui rendront par la sui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Deuxième poète hongrois à mon actif. Contrairement à Tibor Zalàn, Attila Jozsef est une icône de la poésie hongroise, d'après la présentation du recueil. Une sorte de poète maudit, façon Rimbaud ou Verlaine, qui s'est suicidé à 37 ans, après une vie très tourmentée, faite d'errances, mais déjà reconnu de son vivant, notamment par Thomas Mann.
Sa sensibilité se retrouve facilement dans ce recueil. Il fait bien souvent référence à son extrême pauvreté, mais semble toujours trouver un exutoire, la moindre satisfaction d'un plaisir fugace qui pourrait lui faire oublier sa condition comme dans le poème « L'évocation du lion » ou « Pour se rassurer », par exemple.
Il se réfère également souvent à l'amour, parfois une bien-aimée imaginaire, mais pas toujours, avec qui il partage des moments amoureux champêtres, liés à une nature bienveillante. Dieu se révèle aussi un puissant antidote à sa dépression récurrente. Enfin, fruit de son combat politique et de sa lutte en faveur du communisme, son pays, la Hongrie est un thème très présent et on sent cette poésie ancrée au plus profond de cette terre hongroise, maintes fois parcourue et saccagée par les hordes venues de l'Est.
En résumé, une poésie puissante, où la mort rôde souvent mais semble impuissante face aux plaisirs fugaces, mais réels de la vie.
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Comment sait-on qu'un poète hongrois est d'ascendance roumaine? En lisant la chronologie en début d'ouvrage, où l'on constate également que la vie du poète a surtout été une longue suite de périodes de misère et de dépression.
Je retiens ce détail marquant: l'auteur imagine son propre enterrement. Entendons-nous bien: pas comme dans Tom Sawyer, de Mark Twain, où les garnements s'amusent à y voir la tête des adultes. Non, sérieusement, de manière lyrique. On retrouve cela chez nombre d'auteurs roumains, pas chez les plaisantins qui amusent les enfants comme Ion Creanga, mais chez des auteurs sérieux comme Anton Holban, Mihai Eminescu, Ion Pillat, j'y reviendrais peut-être.
Ceci étant, Attila József n'a pas beaucoup connu son père, Áron, retourné dans sa Transylvanie natale alors qu'il était encore très jeune. Un vers musical, une inspiration riche et de nombreux thèmes, des associations d'idées peut-être inspirées de la psychanalyse. La lecture politique est également pertinente: un poème est à la gloire du parti communiste. Attila József s'est suicidé bien avant son arrivée au pouvoir en Hongrie, je ne suis pas sûr qu'il en serait resté membre longtemps, compte tenu de sa sensibilité à l'injustice. Entre autres, celle d'être les poches (et le reste aussi) vides: "Mon empire, c'est mes vingt ans./Mes vingt ans, je vous les vends."; "Mes meubles: des ombres./Mes amis: zéro, leur nombre.". Bien qu'il ne s'agisse pas d'une anthologie mais d'un recueil tel qu'il a été publié à l'origine en hongrois, beaucoup de refrains marquent durablement, probablement à cause de la voix qui les porte.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Depuis ton départ

Depuis ton départ, tout est plus frais ici,
le baquet, le lait, le manche de la cognée,
le bois fendu s'écroule à grand bruit,
durcit et blanchit aussi aussitôt tombé.

Sur la terre sourde le vent s'attife
il tâtonne, attarde ses mains,
laisse ballantes les branches sur son sein,
puis furieusement tombe un feuillage chétif.

Ô moi qui croyait vivre en un tendre vallon,
que ta gorge me veillait au Sud et au Nord,
que mes boucles déployaient l'aurore,
que sur mes pas brillaient le soir et ses rayons...!

Je suis assis, malingre, je te regarde qui t'ouvre,
monde, fleur d'ivraie, distance.
En tes pétales bleus le ciel se fait cendres
et le grand crépuscule peu à peu me recouvre.
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Cœur pur

Je n'ai ni père, ni mère, Ni dieu, ni foyer,
Ni berceau, ni bière, Ni amante, ni baiser.

Trois jours déjà sans manger, Ni bombance, ni bouchée.
Mon empire, c'est mes vingt ans. Mes vingt ans, je vous les vends.

Et si nul n'en veut, ma foi, Le diable, lui, me les prendra.
Le cœur pur, j'irai voler, S'il le faut, assassiner.

On m'arrêtera, me pendra, En terre chrétienne m'enterrera,
Et une ivraie homicide Croîtra sur mon cœur splendide.
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Áron József m'engendra

Áron József m'engendra
maître savonnier qui déjà
sur le Grand Océan
fauche les blés odorants.

Borcsa Pőcze m'a enfanté
que, féroces, ont dévorée
aux entrailles et au ventre,
les brosses aux mille pattes lavantes.

J'étais amoureux de Luca
Luca ne l'était pas de moi.
Mes meubles: des ombres.
Mes amis: zéro, leur nombre.

Je ne peux plus avoir d'ennui,
Mon âme les a tous absorbés –
Et à tout jamais, je vis
À l'abandon, hébété.

(p. 20)
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Être assis, debout, tuer, mourir
  
  
  
  
Cette chaise, je la pousse plus loin,
S'accroupir au-devant d'un train,
Prudent, escalader un mont,
secouer mon sac dans le vallon,
à mon vieux faucheux donner une abeille,
faire des câlins à une vieille,
manger un merveilleux ragoût,
marcher sur des œufs dans la boue,
poser sur les rails mon chapeau,
tourner autour d'un marigot,
s'asseoir sur son cul, en costume,
rougir dans les bruyantes écumes,
parmi les tournesols fleurir,
ou ne pousser qu'un beau soupir,
une mouche enfin éconduire,
brosser mon livre poussiéreux, -
cracher sur mon miroir au milieu,
m'entendre avec mes adversaires,
les tuer tous, couteau grand ouvert,
observer le sang s'écouler,
voir la fillette s'en détourner,
ou m'asseoir tranquille vent modeste -
mettre le feu à Budapest,
avec des miettes attirer l'oiseau,
jeter mon pain dur sur le carreau,
à ma chérie tirer des pleurs,
dans mes bras prendre sa petite sœur,
et si le monde est le compte que j'en fais
le laisser là, qu'on ne le revoie jamais -

Ô toi par qui, tout se noie, se délie,
ce poème à présent s'écrit,
toi par qui l'on sanglote on rit,
ma vie, ô toi, par qui l'on choisit !
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Le Seigneur est grand,
mais bien petite, la miche,
Le pauvre est dolent
Comme un riche.

( extrait de "Le Seigneur est grand", p. 34)
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Videos de Attila Jozsef (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Attila Jozsef
Sans espoir
Lentement, pensivement
Enfin l’homme arrive au plateau et consent à ce paysage de tristesse, de sable et d’eau. Sans espoir est sa tête sage.
À mon tour, je veux, m’allégeant, tout regarder avec franchise, l’éclair de la hache d’argent dans le fin peuplier se brise.
Dessus la branche du néant, mon cœur grêle tremble en silence, et les doux astres le voyant, les doux astres vers lui s’avancent.
Dans le ciel couleur de fer
Froid et laqué, un moteur vrille dans le ciel gris couleur de fer. Entre mes dents les mots scintillent. constellations, silence clair !
Comme une pierre dans le vide le passé tombe en moi. Et bleu, le temps s’enfuit muet, liquide. Un glaive brille : mes cheveux.
Une chenille est ma moustache sur ma bouche elle va rampant. Mon cœur est dur, les mots se glacent mais à qui confier mon tourment ?
http://le-semaphore.blogspot.fr/2014/...
Attila József, le cœur pur
Le livre-CD Attila József / À cœur pur est paru aux Éditions du Seuil en 2008. C'est la regrettée Kristina Rády qui fut l'initiatrice de ce formidable projet. Sœur de langue de cet immense poète hongrois méconnu, elle voulut lui faire remonter le Danube jusques en France.
Comme elle le rappelle, « [...] le hongrois est, dit-on, la seule langue que même le diable respecte... mais ne parle pas ». Cet ouvrage comporte 22 poèmes retraduits pour l'occasion par Kristina Rády elle-même. La poésie d'Attila József est un cœur battant, un cœur battu. En 1937, alors âgé de 32 ans, le poète s'en alla faire rouler son corps sous le train de la mort. Et ce n'est point ici une creuse métaphore puisqu'il s'allongea littéralement sur des rails devant une de ces machines en partance vers l'au-delà du verbe.
Son compatriote Arthur Koestler, écrira d'ailleurs ces mots quelques jours après le suicide du poète (la citation suivante est extraite de la préface de cet ouvrage) : « [...] Attila József fut considéré comme un grand poète dès l'âge de 17 ans, nous savions tous qu'il était un génie et pourtant nous l'avons laissé s'effondrer sous nos yeux... Je parle de cette affaire, car elle est caractéristique de par son acuité. Elle s'est passée dans cette Hongrie "exotique", au milieu de ce petit peuple qui est le seul à n'avoir aucun parent de langue en Europe et qui se trouve ainsi le plus solitaire sur ce continent. Cette solitude exceptionnelle explique peut-être l'intensité singulière de son existence... et la fréquence avec laquelle ce peuple produit de tels génies sauvages. Pareils à des obus, ils explosent à l'horizon restreint du peuple, et puis on ramasse leurs éclats [...] Ses véritables génies [...] naissent sourds-muets pour le reste du monde. Voilà pourquoi c'est à peine si j'ose affirmer [...] que cet Attila József dont le monde [...] ne va pas entendre beaucoup parler [...] fut le plus grand poète lyrique d'Europe. C'est un stupide sentiment du devoir qui m'oblige à déclarer cette mienne conviction, bien que cela ne profite à personne. Cela n'arrêtera pas le train non plus. »
Le comédien Denis Lavant incarne la parole toujours vivante de cet homme tourmenté, de ce frère humain qui, du fond de la terre, a tant de choses essentielles à nous clamer. Quant à Serge Teyssot-Gay, sa guitare est une clef de voûte : elle exhausse la voix du poète transvasée dans la bouche habitée du comédien. Et c'est alors qu'il nous semble battre encore à nos oreilles l'incomparable chant de ce « cœur pur ».
Thibault Marconnet 09/07/2014
Liste des peintures :
0:00 - 0:24 Egon Schiele, "Zelfportret" 0:25 - 0:46 Egon Schiele, "Autumn Tree in Movement", 1912 0:47 - 1:01 Egon Schiele, "House with Shingles", 1915 1:02 - 1:34 Egon Schiele, "Arbres d'automne", 1911 1:35 - 1:46 Egon Schiele, "Le Danseur", 1913 1:47 - 1:58 Egon Schiele, "Le Pont", 1913 1:59 - 2:14 Egon Schiele, "Nu masculin assis (Autoportrait)", 1910 2:15 - 2:34 Egon Schiele, "Un arbre à la fin de l'automne", 1911 2:35 - 3:07 Egon Schiele, "Man bencind down deeply", 1914
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