Ouvrage emprunté à seule fin de découvrir Corbières, météorite de cette fin de siècle (le XIXe bien sûr) lorsque se sont croisées les plus grandes plumes françaises. Tandis que Mallarmé s'acharnait à extraire du poème l'essence pure et dénuée de tout artifice, toute technique, Corbières se débattait lui aussi dans les rets de la rime, de l'appareillage symboliste, parmi les derniers fils tissés de rêveries romantiques appliquant son style fait de ruptures au langage poétique environnant.
Corbières ne recherche ni la beauté ni le style. le sien rejette l'allitération, l'allégorie, s'attache même en fin de poème à défaire l'imagerie mise en place. Iconoclaste mais petitement, secrètement, patiemment... il détrône mot après mot ce que depuis un siècle on affirmait comme le pinacle du geste poétique : le dialogue du moi et du sublime.
N'annonce-t-il pas en cela le surréalisme des décennies à venir ?
Commenter  J’apprécie         224
On en voit revenir pourtant: bris de naufrage,
Ramassis de scorbut et hachis d’abordage...
Cassés, défigurés, dépayse’s, perclus:
—— Un œil en moins. — Et vous, en avez-vous en plus?
— La fièvre—jaune. —— Eh bien, et vous, l’avez—vous rose?
— Une balafre. — Ah, c’est signé !... C’est quelque chose!
— Et le bras en pantenne. —— Oui, c’est un biscaïen,
Le reste c’est le bel ouvrage au chirurgien.
— Et ce trou dans la joue? -— Un ancien cou de pique.
— Cette bosse? —A tribord ?... excusez : c’est ma chique.
—— Ça? — Rien : une foutaise, un pruneau dans la main,
Ça sert de baromètre, et vous verrez demain:
Je ne vous dis que ça, sûr! quand je sens ma crampe...
Allez, on n’en fait plus de coques de ma trempe!
On m’a pendu deux fois... -— Et l’honnête forban
Creuse un bateau de bois pour un petit enfant.
J’ai laissé dans l’Espagne
Le reste et mon château;
Ailleurs, à la campagne,
Ma tête et son chapeau;
J’ai laissé mes souliers,
Sirènes, à vos pieds!
Et je laisse la vie
Pleuvoir sans me mouiller,
En attendant l'envie
de me faire empailler.
Mon passé c'est ce que j'oublie
Arthur RIMBAUD – Les curiosités du cimetière de Charleville (DOCUMENTAIRE, 2006)
Un documentaire intitulé "Praline" réalisé par Jean-Hugues Berrou en 2006.