"Parmi les moyens d'abrutir un peuple, un des plus sûrs est la musique, ou plutôt le bruit. La vie terrestre actuelle est placée sous l'empire incessant de la musique et du bruit. Sans parler de celui de la circulation, contre lequel on se défend par des vitres spéciales, il faut supporter la radio et la télévision de ces voisins, cette dernière particulièrement bruyante s'ils sont vieux et sourds, les cris des enfants, les discussions entre époux qui s'entendent mal, mais qu'on entend trop, les haut-parleurs des quinzaines commerciales, les hurlements des sirènes de police et le braillement des manifestations.
Comme si cela ne suffisait pas, les conversations dans les restaurants sont rendues presque impossibles en raison d'un musique dite d'ambiance, éclatant au-dessus des têtes en flots stridents, musique relayée jusque dans cet asile autrefois silencieux qu'étaient les toilettes. Il y a de la musique aussi dans les grands magasins, à rendre idiotes les vendeuses, dans les halls d'hôtels ou les salles d'attente, ainsi que dans tout endroit où le public est censé venir, des autobus touristiques aux taxis. Même les églises ont cédés à la mode, où l'on fait fait résonner, lorsqu'elles présentent un intérêt touristique, une musique enregistrée empêchant tout recueillement. On est assailli de musique enregistrée jusque dans les lave-express ou le bateau qui fait la navette entre la côte et l'île d'Aix.
Ou bien on fait cela parce que les gens n'ont rien dans la tête et n'ont donc rien à se dire ou bien il s'agit de les empêcher de penser et de les réduire à cet état d'animaux d'élevage, engraissés en diffusant de la musique dans leurs étables ou leurs poulaillers.
Il y a presque autant de bruit à la campagne avec celui de toutes les machines fonctionnant au gasoil, depuis les tracteurs jusqu'à ces tondeuses à gazon et cisailles de haies qui empoissonnent les week-ends de ceux croyant encore à la paix des champs.p.9-10
Le rejet de toute notion d'autorité, de commandement et de volonté à fait substituer au mot « diriger » celui « d'animer » d'essence plus démocratique. Un médecin ne dirige plus un laboratoire ou un cabinet médical. Il anime une structure médicale d'accueil et d'analyse.
L'emploi abusif du verbe « animer » laisse à penser que la France est bien malade et qu'il faudra bientôt, non l'animer, mais la réanimer.
« Avoir un problème » ennoblit l’individu. Celui-ci n’existe dans bien des cas qu’en fonction de ses problèmes et de l’importance qu’ils lui donnent. Il les confie à qui veut l’entendre et demande des conseils qu’il ne suit d’ailleurs pas. De problème en problème, celle ou celui qui en a finit par accéder au statut de martyr, victime de la société.
Mouvance :
Mot fort utile en ce sens qu'il convient merveilleusement à ceux qui n'ayant pas d'opinion, ou n'osant l'avouer, déclarent prudemment qu'ils « s'inscrivent dans la mouvance… » avec toutes les réserves et toutes les subtilités que permet la fluidité de ce terme. On n'a jamais rien bâti sur les sables mouvants : on ne s'inscrit pas plus dans une mouvance…
Tout patrimoine artistique et littéraire, devenu la proie de spécialistes, est célébré, admiré, visité ou exploité par des gens dont les opinions et souvent les actes sont en complète opposition avec les principes auxquelles ces œuvres – livres, tableaux, monuments - doivent leur existence.
Chateaubriand, de Ghislain de Diesbach