J'avais découvert ce livre à l'âge de 14 ans, acheté par hasard sur une aire d'autoroute. A l'époque, il m'avait beaucoup marquée et j'avais adoré le style fluide de l'auteur. C'est en observant l'intérieur de la couverture que j'ai découvert qu'il s'agissait d'une autofiction et que la méchante Paula était Carla B. J'avoue ne plus jamais avoir vu cette dernière de la même façon, après la lecture de cet ouvrage.
Aujourd'hui après en avoir parlé à mes élèves dans le cadre du récit de vie, je l'ai relu... Alors, que dire?
Louise, alias
Justine Lévy, vit le parfait amour avec Adrien. Ils sont des siamois, des doubles, c'est un amour jeune, un amour de jeunesse qui se croit supérieur à tout, prêt à affronter tout et tout renverser sur son passage. Jamais l'un sans l'autre, à deux sur le répondeur à faire des grimaces, ils s'aiment. Un jour, il la quitte pour Terminator, la méchante Paula, la compagne de son père, celle dont il se moquait en cachette avec Louise, parce qu'elle avait le visage figé, parce que c'était une croqueuse d'hommes au regard terrible. Et là, c'est l'univers de Louise qui vole en éclats.
Le livre s'ouvre sur l'enterrement de la grand-mère de Louise. Elle est paumée, n'arrive pas à pleurer la disparition de cette femme avec laquelle elle était très liée, avec qui elle a grandi; parce que son chagrin d'amour l'a complètement anesthésiée. Elle va à l'enterrement dans sa grand-mère en jean. Elle est tellement malheureuse, tellement vidée, anéantie qu'il n'y a plus de place dans son coeur pour d'autre douleur que cette rupture.
Le style de
Justine Lévy est travaillé à la virgule près, et dessine des pensées en arborescence, comme cela pourrait se passer dans la tête de n'importe qui. On roule sur les mots, on glisse sur les répétitions sans sentiment de redondance, parce que le texte vit. On vibre. On s'attache telle à Louise, à son hypersensibilité, à sa façon de plonger dans la douleur à fond, parce qu'après le Grand Amour, que reste-t-il, quand on se sent dépossédé de soi-même, quand on a l'impression de tomber d'un précipice sans jamais arriver à la fin, quand on n'a plus pensé par soi-même depuis qu'on aime et qu'on doit ré apprendre à avoir ses propres goûts, à ne pas avoir peur de retomber amoureuse?
Louise est juste, et je me suis énormément retrouvée en elle. Cette sensibilité, cette façon d'aimer, cette fragilité et en même temps cette force. J'ai pu lire quelques critiques assassines expliquant que
Justine Lévy ne parlait que de propos et problème de pauvre petite fille riche... Comme si, lorsqu'on était la fille de personne connue, on n'avait pas le droit d'être anéantie, comme si, de par la renommée d'un papa, on n'avait pas le droit d'être triste, d'avoir des problèmes, des envies de mourir, de s'anesthésier la vie, d'arrêter de penser. Ces critiques sont foncièrement injustes. Je ne sais pas ce qui est romancé ou pas dans cette histoire, mais la subtilité de chaque tournure de phrase démontre une expérience certaine, une douleur cuisante à l'époque, et ce que relate
Justine Lévy avec autant de sincérité, n'est pas lié à un milieu social, à une renommée (supposée injuste parce que fille de...). C'est un thème universel que celui de l'amour bafoué. Ce n'est pas un caprice de riche que d'être trompée, devoir avorter parce que son fiancé prétend être fertile alors que ce n'est pas le cas. Ce ne sont pas que pleurnicherie que de vivre avec une maman qu'on trouve solaire, magnifique, parfaite, mais qui n'a pas toujours être présente, faute d'addiction et de la voir porter une perruque parce qu'elle est atteinte d'un cancer. Tout ce dont parle l'auteur pourrait arriver à n'importe qui. Elle en parle avec une volubilité dans l'écriture, caractéristique des personnes timides qui enfin se lâchent et laissent les mots prendre leur contrôle.
Vous l'aurez compris, je me suis attachée à Louise, j'ai pris un plaisir non dissimulé à naviguer dans son écriture, j'ai eu mal pour elle, j'ai eu beaucoup de peine. Mais il y a du soleil à la fin du tunnel...
Je recommande sincèrement!