Sharko / Henebelle : Couple de flics

En littérature, le choix des noms des personnages n’est jamais innocent…
Pour commencer livrons-nous donc à une petite analyse onomastique de Lucie Henebelle et Franck Sharko.
Lucie Henebelle :
- Lucie : de lux, la « lumière » en latin.
- Henebelle ou Hennebelle : patronyme porté plutôt dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, c’est une forme affective de hennebaut, nom d’origine germanique issu de han qui signifie « coq » et bald qui signifie « hardi ». C’est aussi la juxtaposition de « Hene » – haine ? et « belle ».
On y voit plusieurs traits caractéristiques de Lucie : la force, la hardiesse et la beauté mais aussi la fascination pour le mal et la noirceur de l’âme humaine.

Franck Sharko :
- Franck : du latin Francus, qui signifie « homme libre », et aussi (surtout ?) le même prénom que l’auteur.
- Sharko : c’est shark, le « requin » en anglais, mais aussi un homophone de Charcot, médecin neurologue français ayant notamment travaillé sur l’hypnose et l’hystérie auquel le personnage fait lui-même référence dans Le Syndrome [E], « Monsieur Sharko… ça lui faisait bizarre, depuis que « Sharko » était devenu le nom d’une forme avancée d’atrophie musculaire – la maladie de Charcot. Comme si tous les maux du monde étaient de sa faute. » (chap.3).
Là encore on retrouve plusieurs traits de caractère du personnage : un homme libre, assez peu soucieux de son image, un peu sauvage et difficile à approcher, ultra-sensible au sang et plus largement à la violence du monde.

Quand j'ai créé Franck Sharko, j'imaginais un flic dur, aguerri, au physique imposant, pas le genre de type que l'on va voir pour lui demander l'heure dans la rue. Il me fallait donc une identité sèche, rude, dont la prononciation elle-même accroche la langue. Peu de voyelles, un peu façon germanique. Le prénom monosyllabique empêche les diminutifs, je n'ai pas cherché loin : "Franck" collait bien, c'était mon prénom et je me suis dit pourquoi pas ? Pour "Sharko", j'ai pensé à "shark", le "requin" en anglais, car Sharko est un vrai prédateur, un requin de la rue qui ne lâche jamais sa proie.

Avant l'écriture du Syndrome [E], jamais je n'avais eu en tête l'idée de les faire se rencontrer !
J'avais écrit deux histoires avec Franck, idem avec Lucie, ces personnages me plaisaient et je comptais bien poursuivre leurs aventures, mais dans des livres séparés. Le syndrome était un vrai polar, je voulais reprendre l'un de ces personnages, mais lequel ? Henebelle ? Sharko ? Les lecteurs aimaient beaucoup les deux, ils me réclamaient soit l’un, soit l’autre, et c’était quasiment du 50/50 !
Un jour, discutant avec l'un d'eux, il m'a dit : "pourquoi vous ne les rassemblez pas ?" Et là, ça a fait tilt : mais oui, bien sûr !

Enfant, j'avais des copains jumeaux, ils me fascinaient. Ils jouaient de leur ressemblance incroyable pour nous faire des tours, ça m'avait marqué. Il y a également de vrais jumeaux dans ma famille, ils avaient quelques années au moment où j'ai écrit La Chambre des morts, et moi qui étais jeune père d'un garçon à l'époque, je me suis rendu compte de la difficulté de leurs parents pour les élever. J'étais en train de créer le personnage de Lucie, et cette période de ma vie m'a donné l'idée de la rendre maman de jumelles qui complexifieraient plus encore son existence.

J'accorde toujours de l'importance aux noms de mes personnages principaux, car autant qu'un caractère, un physique ou un comportement, un nom fait partie de l'image que le lecteur va se constituer du héros.