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Hélène Prouteau (Traducteur)
EAN : 9782259192897
359 pages
Plon (30/11/-1)
3.77/5   11 notes
Résumé :

« Le pire, c'étaient les Stukas. Je les entendais à des kilomètres de distance, pareils à un gros essaim d'abeilles qui se dirigeait droit sur nous dans le ciel sans fin du désert. Tandis que le bourdonnement se rapprochait, mon coeur battait la chamade... » Originaire de Grande-Bretagne, Susan Travers a connu une destinée sans équivalent : une enfance dorée, la grande vie entre châteaux et hôte... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique

Article Libération : Les légions dangereuses. 22 février 2001

Par NIVELLE Pascale


Qu'est-ce que le Boudin venait donc faire dans un endroit pareil? Quand le clairon a attaqué l'hymne de la Légion, la maison de retraite de Savigny-sur-Orge a sursauté. Dans le salon, un général et quelques officiers voûtés par l'arthrite, avec képis blancs et décorations. Ils n'avaient pas l'air de plaisanter, en accrochant la Légion d'honneur au col de tweed de madame Schlegelmich, pensionnaire du premier étage. Ce jour de 1996, on découvrit que cette délicieuse Anglaise parfois un peu autoritaire, toujours prête a offrir un chocolate, avait été, dans une autre vie, l'adjudant-chef Susan Travers. La seule femme enrôlée dans la Légion, rescapée de Bir Hakeim. Une héroïne de la dernière guerre, «chauffeur du général Koenig pendant les campagnes de Syrie et Lybie, légionnaire en Indochine ensuite», disait la citation. On comprit que les décorations accrochées dans son petit studio n'étaient pas celles du mari légionnaire, Nicholas Schlegelmich, emporté par les maladies coloniales. Mais, goodness gracious, on ne savait pas tout encore.

Susan attendait qu'ils soient tous morts. Son mari, le maréchal Koenig, sa femme, les derniers de Bir Hakeim. Raconter toute l'histoire avant aurait déplu à «Pierre» (Marie-Pierre Koenig, vainqueur du maréchal Rommel à Bir Hakeim, commandant en chef des troupes françaises en Allemagne, deux fois ministre de la Guerre). Tout le monde au panthéon, l'adjudant-chef ouvre la boîte de ses souvenirs (1), et livre ce qui manquait à la sèche citation: l'amour, le sexe, l'aventure. Et peu importe le «shocking»! Assise toute droite, jambes écartées, la jupe remontée sur les genoux, l'air d'un colonel de l'armée des Indes sur un champ de manoeuvres, elle fait juste «Ah, ah!». D'une voix de basse, avec un petit sourire très content de soi.

Son histoire commence dans le fog britannique, avant guerre. Francis, le père, officier dans la Royal Navy, est un taciturne qui ne connaît qu'une devise, celle de la famille Travers:Ê«Sans peur ni timidité». Sa femme, de dix-huit ans sa cadette, cultive une flegmatique mélancolie. Susan s'ennuie. Chez elle, en pension surtout, où l'on tente d'en faire une «dame accomplie». Elle n'y fait rien, sauf «penser aux hommes», préoccupation essentielle des jeunes filles de bonne famille. Plus tard, les Travers et leurs labradors vivent à Cannes. le climat de la Riviera est bénéfique pour les bronches du capitaine de vaisseau, pas pour la chasteté de sa fille. Grande, longue, sportive, Susan attend l'homme, le vrai, sans s'interroger sur un autre destin. Et elle le trouve, à Vienne, en Hongrie, sur les courts de tennis ou dans les bals cannois. Amoureuse chaque fois, déçue quand il est trop tard: «J'étais la proie des hommes âgés et des autres, se souvient-elle, ils me promettaient le ciel, et se révélaient peu excitants.» A 30 ans, elle s'ennuie encore.

L'été 1939, Susan est chez une amie, «dans un château charmant», joue au baccarat et flirte avec un jeune homme. Elle veut s'engager, conduire des ambulances de la Croix-Rouge. Sous les ordres de supérieures plus revêches encore que des surveillantes de collège anglais, elle est envoyée en Finlande, Norvège, Suède, faire des lits et soigner des engelures. En juillet 1940, elle atterrit chez les Français libres à Londres, et obtient de partir pour l'Afrique, comme infirmière. Interdit de sympathiser avec les hommes, dit le règlement. En route pour la Corne de l'Afrique, elle tombe amoureuse de Dimitri Amilakvari, prince russe si beau dans son uniforme de commandant de la Légion étrangère française. Quelques mois plus tard, c'est au volant d'une Humber qu'elle transporte la 13e demi-brigade de la Légion étrangère (DBLE) vers l'Erythrée.

En Syrie, le regard bleu-gris et la petite moustache gaullienne du nouveau commandant des Français libres d'Afrique, Marie-Pierre Koenig, lui font oublier son légionnaire russe. «Adjudant Travers, vous serez mon nouveau chauffeur», ordonne Koenig, le 17 juin 1941. Chauffeur et maîtresse, aussi, pendant deux ans. En Syrie, à Beyrouth, en Palestine, en Lybie... Il l'appelle la Miss, elle lui renvoie du «colonel», puis du «général». «Il y avait chez lui beaucoup de choses qui me rappelaient mon père», dit-elle. Au Liban, en pleine lune de miel, elle promet: «Là où vous irez, j'irai aussi.» Ce sera Bir Hakeim, avant-poste dans le désert lybien. Seule femme parmi quatre mille hommes, Susan campe dans un demi-souterrain pendant des mois en attendant Rommel, le «Renard du désert», aux cotés du «Vieux lapin», alias Koenig. En juin, c'est le siège, un déluge de feu tombe des Stukas. le 10, par une nuit sans lune, «Pierre» décide de franchir la ligne dans son plus bel uniforme: «A moi la Légion!» Susan le conduit à la bataille, dans une Ford exténuée. Koenig à l'arrière, lui donnant ses ordres à coups de pied dans le dos, Amilakvari, le prince russe, en navigateur à ses cotés. Elle avance entre les balles, les mines, les obus. le lendemain, ils sont sortis du «chaudron». Rommel est battu. «Félicitations, la Miss», dit Koenig.

Après? «C'est fini», dit tristement Susan Travers. Dimitri Amilakvari meurt à El Alamein, la bataille suivante. Et Koenig prend le large: la radio de l'Axe, en Italie, a révélé que le général avait emmené sa maîtresse à Bir Hakeim. Cela ne plaît ni aux Anglais, ni à madame Koenig, aussitôt venue rejoindre son époux en Egypte. Susan doit s'effacer. Encore quelques rendez-vous clandestins, amers, et «Pierre» part à Alger avec un chauffeur à moustache: «Je n'eus même pas droit à un adieu, écrit-elle, je regardais la voiture disparaître, furieuse d'une fin aussi lamentable.» Elle suit la Légion dans la campagne d'Italie, puis dans les Vosges. le coeur n'y est plus. En mai 1945, elle regarde passer les vainqueurs, sur un trottoir de Paris, parmi lesquels Koenig, promu maréchal. Seule dans la foule, l'adjudant-chef Travers se met au garde-à-vous. De Gaulle n'a pas voulu de femmes dans le défilé.

«Comment s'est passée ta guerre?», lui demandera plus tard son père. «Bien», répondra Susan, qui n'en parlera plus jamais. Au musée des Invalides, des photos montrent Koenig et Amilakvari. le chauffeur de Bir Hakeim n'est mentionné nulle part. Elle seule sait que la silhouette floue accoudée à la portière de la Ford Unity devant le général debout, c'est elle. Mariée, finalement, avec un légionnaire, un adjudant qui n'était pas de son rang et qui n'a donc pas plu à la famille Travers, elle a suivi la 13e DBLE en Indochine. Deux enfants sont nés. Puis elle est rentrée en France, sans autre solde que celle de Nicholas Schlegelmich, n'ayant droit, elle, à aucune retraite, après sept années de service.

L'aventure était terminée depuis 1943. Jusqu'au jour où «des messieurs sont venus» à Savigny-sur-Orge, pour lui faire écrire toute l'histoire. Elle avait brûlé son journal de guerre, «pour ne froisser personne». Mais les souvenirs étaient au chaud. «Ah, ah», Susan Travers commençait à s'ennuyer.

photo ANTONIN BORGEAUD

(1) Tant que dure le jour, Plon.

Susan Travers en 10 dates:

23 septembre 1909:Naissance en Angleterre de Susan Mary Gillian Travers.

Juillet 1940:Rejoint les Forces françaises libres

à Londres.

Janvier 1942:Départ pour le désert occidental.

Mai 1943:Départ de Koenig pour Alger.

1944:Campagne d'Italie avec la 13e DBLE, promue adjudant-chef.

28 juin 1945:S'engage dans la Légion.

Avril 1947:Mariage en Indochine, en uniforme.

1970:Mort du maréchal Koenig.

1995:Mort de Nicholas Schlegelmich.

2001:Parution de ses mémoires en France.

Lien : http://www.liberation.fr/por..
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Une vie et quelle vie ! J'avoue que la “premièreˮ vie de la fille de bourges entre soirées mondaines et petits fours ne présente pas beaucoup d'intérêt, sauf pour annoncer la rupture avec la suite. J'ai été particulièrement sensible à l'épisode Bir-Hakeim. Un vieil ami et voisin qui avait participé à l'épopée m'en avait parlé et raconté la guerre dans le désert, comme en mer me disait-il, “il n'y a pas d'horizonˮ. Il avait évoqué la dame-chauffeur, avec un regard amusé et vaguement égrillard, sacré Koenig. L'auteur a survécu à ces tragiques événements, perdant amis et amants. Comment vivre ensuite ? Elle a survécu au cours d'une vie de “femme au foyer et de mère de familleˮ. La banale médiocrité qui sourd de ses lignes. Les femmes de cette pointure ne sont pas… légion.
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Livre vraiment très intéressant sur la Seconde Guerre mondiale puisque son auteur, Susan Travers, était le chauffeur et la maîtresse du Général Koenig. Son récit entraîne le lecteur dans la réalité de la guerre vue de l'intérieur et sur différents théâtres d'opération, pas les plus connus.
J'ai découvert ce livre par hasard il y a quelques années et le conseille vivement: lecture marquante et enrichissante.
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Intéressant pour le témoignage pendant la deuxième guerre mondiale concernant la légion étrangère et les faits se déroulant en Afrique.
Je ne connaissait pas cet aspect de la guerre, j'ai appris plein de choses.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
J'avais oublié à quel point l'amour pouvait être délicieux
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Avant toute chose, j'ambitionnais d'être volage.
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Video de Susan Travers (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Susan Travers
https://www.laprocure.com/product/778781/buisson-marie-laure-femmes-combattantes-sept-heroines-de-notre-histoire
Femmes combattantes : sept héroïnes de notre histoire Marie-Laure Buisson Presses de la Cité
Sept destins de femmes militaires engagées dans des conflits, de la Seconde Guerre mondiale au XXIe siècle, afin de mettre en exergue le courage féminin : Susan Travers, pilote durant la bataille de Bir Hakeim, Lily Litviak qui a vécu le siège de Stalingrad, Noor Inayat Khan, recrutée par le service d'espionnage anglais, entre autres. ©Electre
>Histoire, géographie, sciences auxiliaires de l'histoire>Biographie générale et généalogie>Politiciens, économistes, juristes, enseignants (844)
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