AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782844854360
112 pages
Allia (05/01/2012)
3.81/5   16 notes
Résumé :
Il est une chose à propos de laquelle, il est vrai, l’idéologie creuse ne badine pas : la sécurité sociale. "Nul ne doit avoir faim ou froid ; tout contrevenant ira au camp de concentration" : cette plaisanterie qui vient de l’Allemagne d’Hitler pourrait servir d’enseigne à toutes les entrées d’établissements de l’industrie culturelle.
Que lire après KulturindustrieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Kultureindustrie ("Industrie Culturelle") a paru originellement dans La Dialectique de la Raison.
Ce chapitre, le plus important, est repris ici par les éditions Allia dans cette petite collection que tous ceux qui traînent un peu dans de bonnes librairies sont habitués à voir dans des présentoirs bien pensés et qui font toujours envie. J'avais envie de lire du Adorno, et voila-t'y-pas que je vois celui-ci (et celui de Zweig, l'Uniformisation.... critiqué un peu plus tôt) dans un de ces fameux présentoirs en carton. Bingo !
Ce n'est donc pas, normalement, un texte publié tel quel.
Mais il fait sens seul, sans problème, même s'il est bon de garder à l'esprit son origine ainsi que l'époque à laquelle il a été écrit. 1947, c'est peu de temps après la chute du régime nazi, et loin avant que la télévision ne rentre dans tous les foyers. Il est donc normal que l'un soit très présent dans les références, et la dernière, presque absente, même si les auteurs ont bien pressentis ce qui allait advenir.
Ce livre dénonce un état de fait, un processus très avancé dès la fin de la guerre, la culture de masse et ses dérives, l'abêtissement, la pruderie, l'art comme marchandise disponible pour tous et donc sans respectabilité.
Les constats sont là, mais pas les solutions, et le vocabulaire de l'époque est un peu suranné aujourd'hui, ce qui gâche/gêne un peu la lecture...

Mais c'est un grand classique de la critique du monde de la culture, alors... il vaut le coup d'être lu, à titre de repère, même si depuis de meilleurs et plus actuelles analyses ont sans doute été écrites...
Commenter  J’apprécie          180
Il s'agit d'un bilan du monde de la culture, vu par les auteurs, sous l'Allemagne Nazie. Leur bilan n'est flatteur ni pour leur pays qui s'enlise dans la propagande ni pour les Etats unis, qui dominent la production culturelle. Malgré un ancrage fort dans leur époque de nombreux constats me semblent toujours d'actualité… et c'est donc comme eux sur la part « occidentale » de cette industrie que je vais me concentrer.

Ils voient dans la culture populaire un système, s'auto-définissant comme une industrie, regroupant principalement le cinéma, la radio et la tv ; basé sur la reproductibilité technique entraînant la perte de l'aura des oeuvres d'art, muant ce dernier en culture.

Les équipes produisant les produits culturels se substituent à Dieu en fixant des rêves, et plus largement l'idéal de l'époque. de même que dans une religion, nous avons des rites et des codes qui s'inscrivent dans les populations. Ici il s'agit de la compréhension immédiate de la syntaxe de cette culture, un idiome conditionné par les limitations techniques auxquelles sont confrontés les producteurs.

La domination passe par la présentation d'une « universalité » prédéfinie, positivée et calquée sur la hiérarchie sociale. Cette hiérarchie induit un classement du soap opéra au reportage sur la musique classique : ce que les marques appliquent à la perfection entre marque de luxe et low cost, ne changeant que des détails pour permettre à chacun selon sa place d'accéder aux produits et services… sans sortir de sa condition.

L'art englobe ce principe en se constituant de deux branches : l'art sérieux auquel une minorité d'initiés a accès, duquel il faut posséder les clefs pour espérer comprendre quelque chose ; d'autre part l'art populaire, qui singe l'industrie culturelle en en reprenant les codes et auquel il suffit de s'intéresser pour pouvoir l'assimiler.

Cette main mise passe également par le rythme : tout doit être mouvement pour mimer une évolution, donner l'impression que si l'on se met en retrait ne serait ce qu'un instant on va manquer quelque chose. Les nouveautés engendrées ainsi doivent cependant rester dans le cadre établi afin de ne pas troubler le système global. le but de ces productions étant de permettre au travailleur de souffler suffisamment pour pouvoir reprendre son travail. Elles visent simplement le divertissement, c'est pourquoi elles miment le quotidien en y insufflant juste ce qu'il faut d'imaginaire pour le rendre attirant. Ainsi pour reprendre leur exemple nous pouvons penser aux dessins animés où si les protagonistes sont des animaux ils n'en sont pas moins confronté au chômage, à la violence et aux peines de coeur.

L'exhibition sur laquelle repose, dans le modèle hollywoodien, la modification est double : c'est un catalogue de consommables à porter de main pour le spectateur : du chewing gum à la voiture, de la petite secrétaire à la pin up.

Cependant pour y avoir accès il faut « être choisi », avoir la chance de faire partie des élus dont le portefeuille autorise la possession de la villa californienne et de la voiture de sport. Cette distance créée par le hasard des destins, au sens antique, force à réprimer le désir d'en faire partie. Nous sommes donc naturellement ramenés à notre vie. Il en va de même pour la sexualité omniprésente : la beauté des stars, les situations si charmantes que leur offrent leurs amours ne sont pas plus accessibles que la vie de milliardaire, si ce n'est dans les détails. Car chacun peut s'offrir un morceaux du destin de rêve en emmenant son conjoint dans les mêmes paysages, s'offrir la même tenue que l'acteur, ou encore céder à la dernière mode en matière de brushing…

La seule chose que le rire n'entache pas, ne dénigre pas, est la sécurité sociale : la société étant consciente des injustices qu'elle engendre (et qui sont nécessaires à son fonctionnement comme le disait Thoreau dans la désobéissance civile) exclut ses marginaux même dans sa culture. Il ne sont partiellement présents que part la générosité dont font preuves les héros, ils ne sont que de simples faire valoir des élus.

La culture correspond ainsi à la société qu'elle accompagne plaçant tour à tour l'individu dans le rôle du client et de l'ouvrier, le définissant par son appartenance à tel ou tel groupe social.

Si le bilan est assez sombre on se rend facilement compte qu'il s'est arrangé (un peu) depuis par l'éducation, par le développement de l'accès à l'art sérieux, et par la multiplication des courants dans la culture globale…
Commenter  J’apprécie          10
Pas de longue critique pour ce livre que je n'ai pas terminé. Les pages lues n'offrent qu'un verbiage creux et non argumenté, une succession de d'affirmations qui s'appuient sur des idées aussi stéréotypées que l'industrie de la culture à laquelle elles veulent s'attaquer. Très déçu par ce petit opus dont j'espérais qu'il m'offrirait une réflexion un peu transversale et argumentée d'une certaine partie de la production culturelle actuelle, pas une caricature d'opposition intellectuelle qui assène que tout produit culturel est sorti des ateliers de Tricatel.
Commenter  J’apprécie          40
Écrit en 1944 et pourrait décrire la culture aujourd'hui !
Enfin, je voudrais nuancer...
Est dénoncée l'emprise du capitalisme sur la culture. Et sa manière subtile de tout rendre conforme, d'étouffer dans l'oeuf tout acte de véritable rébellion. La culture industrielle : une vaste opération de dressage des masses par le biais du divertissement.
Constat qu'on peut encore accepter aujourd'hui, il me semble.
Par contre, certaines récriminations des auteurs contre telle ou telle forme d'art (jazz, films dans leur globalité) ne me paraît plus si judicieuse. On a parfois l'impression d'un "vieux" qui râle contre les nouveautés de son époque.
Il est aussi possible que je ne suis plus capable, comme l'auteur, de faire la différence entre ce que fut la culture avant son industrialisation et après. Je suis née dans ce monde-là et il m'est difficile d'expérimenter (directement ou par la médiation d'oeuvres) un autre rapport à l'art.
C'est pourtant ce que je recherche et m'applique à faire.
Commenter  J’apprécie          00


critiques presse (1)
Telerama
29 février 2012
Une critique radicale à redécouvrir, contrepoison aux dérives de la culture de masse et au formatage du divertissement.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Si l'on a, à tort ou à raison, considéré les chansons populaires comme un patrimoine culturel des couches supérieures qui a été déclassé, leurs éléments ont en tout cas pris leur forme populaire à travers un processus long et compliqué de transmission. La diffusion des chansons à la mode, en revanche, se fait en un éclair. L'expression américaine "fad", utilisée pour parler des modes surgissant comme des épidémies - c'est-à-dire lancées par des puissances économiques fortement concentrées -, définissait ce phénomène bien avant que des patrons totalitaires de la publicité aient imposé les lignes générales de ce qui est devenu la culture. Lorsque les fascistes allemands dédient un beau jour de lancer par les hauts-parleurs un terme tel que "intolérable", le lendemain, le peuple entier dira "intolérable". C'est suivant le même schéma que les nations visées par la guerre-éclair ont repris ce mot allemand dans leur langue. Les mots désignant des mesures sont finalement répétées partout, si bien qu'ils prennent un caractère pour ainsi dire familier, tout comme à l'époque du marché libre le nom d'un produit sur les lèvres de tous en faisait augmenter la vente. La répétition aveugle de mots déterminés, en se répandant rapidement, rattache la publicité au mot d'ordre totalitaire. La part d'expérience qui personnalisait les mots en les attachant aux hommes a disparu, et dans cette prompte assimilation, la langue acquiert cette froideur qu'elle n'avait jusqu'alors que sur les colonnes Morris ou dans les annonces des journaux. De nombreuses personnes emploient des mots et des expressions qu'elles ont cessé de comprendre ou qu'elles n'utilisent que parce qu'ils déclenchent des réflexes conditionnés, comme par exemple les noms de marques qui s'accrochent avec d'autant de ténacité aux objets qu'ils dénotent que leur signification linguistique est moins bien comprise.
Commenter  J’apprécie          30
S’amuser signifie toujours : ne penser à rien, oublier la souffrance même là où elle est montrée. Il s’agit, au fond, d’une forme d’impuissance. C’est effectivement une fuite, mais pas comme on le prétend, une fuite devant une triste réalité ; c’est au contraire une fuite devant la dernière volonté de résistance que cette réalité peut encore avoir laissé subsister en chacun.
Commenter  J’apprécie          170
Ce que l'on pourrait qualifier de valeur d'usage dans la réception des biens culturels est remplacé par la valeur d'échange ; au lieu de rechercher la jouissance on se contente d'assister aux manifestations "artistiques" et "d'être au courant", au lieu de chercher à devenir un connaisseur on se contente donc d'un gain de prestige. Le consommateur devient l'alibi de l'industrie du divertissement aux institutions de laquelle il ne peut échapper. Il faut avoir vu Mr. Miniver, tout comme il faut avoir chez soi Life et Time. Tout est perçu sous ce seul aspect: pouvoir servir à autre chose, même si cet autre chose est aussi vague que possible. Tout objet n'a de valeur que comme objet d'échange et n'a aucune valeur en soi. La valeur d'usage de l'art, le fait qu'il existe, est considéré comme un fétiche, et le fétiche - sa valeur sociale qui sert d'échelle de valeur objective de l'oeuvre d'art - devient la seule valeur d'usage, la seule qualité dont jouissent les consommateurs. C'est ainsi que le caractère de marchandise de l'art se désagrège, au moment même où il se réalise pleinement, où l'art est devenu une marchandise parmi d'autres, préparée, conçue comme telle, assimilée à la production industrielle, que l'on peut acquérir et échanger. Mais l'art comme type de marchandise qui vit pour être vendue et pour rester cependant invendable, devient - hypocritement - invendable dès que le profit cesse d'être seulement son intention et devient son principe même.
Commenter  J’apprécie          30
Lorsque les fascistes allemands décident un beau jour de lancer par haut-parleurs un terme tel que "intolérable", le lendemain, le peuple entier dira "intolérable". C'est suivant le même schéma que les nations visées par la guerre-éclair ont repris ce mot allemand dans leur langue. Les mots désignant des mesures sont finalement répétés partout, si bien qu'ils prennent un caractère pour ainsi dire familier, tout comme à l'époque du marché libre le nom d'un produit sur les lèvres de tous en faisait augmenter la vente. La répétition aveugle de mots déterminés, en se répandant rapidement, rattache la publicité au mot d'ordre totalitaire. La part d’expérience qui personnalisait les mots en les attachant aux hommes qui les prononçaient, a disparu, et dans cette prompte assimilation, la langue acquiert cette froideur qu'elle n'avait jusqu'alors que sur les colonnes Morris ou dans les annonces des journaux. De nombreuses personnes emploient des mots et des expressions qu'elles ont cessé de comprendre ou qu'elles n'utilisent que parce qu'ils déclenchent des réflexes conditionnés, comme par exemple les noms de marques qui s'accrochent avec d'autant plus de ténacité aux objets qu'ils dénotent que leur signification linguistique est moins bien comprise. Le ministre de l'Instruction publique parle de forces dynamiques sans comprendre ce qu'il dit, les "tubes" parlent constamment de rêverie et de rhapsodie et leur popularité est basée précisément sur la magie de l'incompréhensible ressenti comme frisson d'une vie plus exaltante. D'autres stéréotypes tels que Souvenir sont encore à peu près compris, mais ils échappent à l'expérience qui leur donnerait un sens. Ils apparaissent comme des enclaves dans le langage parlé. A la radio allemande de Flesch et d'Hitler, on les reconnaît à la prononciation affectée du speaker lorsqu'il dit "Bonsoir" ou "Les Jeunesses hitlériennes vous parlent" et même "le Führer", sur un ton imité par des millions de personnes. De telles expressions coupent le dernier lien entre une expérience sédimentaire et la langue qui au XIXème siècle exerçait son effet bénéfique bénéfique dans le dialecte. Le journaliste qui, grâce à la souplesse de son attitude, a réussi à devenir un "Schriftleiter" allemand voit les mots allemands se pétrifier sous sa plume et lui devenir étrangers. Chaque mot montre à quel point il a été avili par la "communauté de la nation" (Volksgemeinschaft) fasciste. Et naturellement une telle langue est déjà universelle et totalitaire. Il n'est plus possible de déceler dans les mots toute la violence qu'ils subissent. Le speaker à la radio n'a plus besoin de prendre un ton affecté; on n'admettrait plus que son accent le distingue de son public. Mais en échange, le langage et les gestes des auditeurs et des spectateurs sont imprégnés plus fortement qu'auparavant des schémas de l’industrie culturelle, jusque dans des nuances si fines qu'aucune méthode expérimentale n'a réussi à les expliquer jusqu'à présent. Aujourd'hui l'industrie culturelle a pris en charge la fonction civilisatrice de la démocratie des asservis et des chefs d'entreprise, qui n'avait pas non plus un sens très affiné des déviations intellectuelles. Tous sont libres de danser et de s'amuser tout comme, depuis la neutralisation historique de la religion, ils sont libres d'entrer dans une des innombrables sectes existant. Mais la liberté dans le choix de l'idéologie, qui reflète toujours la coercition économique, apparaît dans tous les secteurs comme la liberté de choisir ce qui est toujours semblable. La manière dont une jeune fille accepte un rendez-vous inévitable et s'en acquitte, le ton d'une voix au téléphone et dans la situation la plus intime, le choix des mots dans la conversation, voire toute la vie intérieure telle qu'elle est organisée par la psychanalyse vulgarisée témoigne d'une tentative faite par l'homme pour se transformer lui-même en appareil conforme jusque dans ses émotions profondes au modèle présenté par l'industrie culturelle. Les réactions les plus intimes des hommes envers eux-mêmes ont été à ce point réifiées, que l'idée de leur spécificité ne survit que dans sa forme la plus abstraite : pour eux, la personnalité ne signifie guère plus que des dents blanches, l'absence de transpiration sous les bras et la non-émotivité. Et voici le résultat du triomphe de la publicité dans l'industrie culturelle : les consommateurs sont contraints à devenir eux-mêmes ce que sont les produits culturels, tout en sachant très bien à quoi s'en tenir.
Commenter  J’apprécie          00
Le code Hays ne fait que confirmer le rituel déjà instauré par l'industrie culturelle : le supplice de Tantale. Les œuvres d'art sont ascétiques et sans pudeur, l'industrie culturelle est pornographique et prude. Elle réduit l'amour à la romance et après une telle réduction, bien des choses sont permises même le libertinage comme spécialité commerciale à petite dose, avec une étiquette signalant que le sujet est "osé". La production du sexuel en série organise automatiquement sa répression.
Commenter  J’apprécie          60

Videos de Theodor W. Adorno (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Theodor W. Adorno
Assister à l'après-midi Marxisme et École de Francfort, dans le cadre du colloque « La philosophie comme critique de la culture ? ».
- 14h : Jean-Claude Monod (CNRS-Archives Husserl) « Kulturkritik, satire, critique sociale: quelles armes pour la philosophie ? »
- 15h : Katia Genel (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/Centre Marc Bloch) « Des pathologies sociales à la santé sociale: Adorno, Habermas et Honneth »
- 16h20 : Franck Fischbach (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) « Faut-il choisir entre la critique sociale et la Kulturkritik ? »
Un colloque organisé par le centre SPH de l'Université Bordeaux Montaigne, en partenariat avec la Librairie Mollat et l'Université de Bordeaux.
+ Lire la suite
autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (48) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
440 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}