J'invite à lire ce livre, dont je n'ai pas fini d'analyser toutes les implications, avec attention, même s'il est ardu. Cela nous permet de comprendre qu'à l'origine de la politique moderne, la biopolitique, il y a eu un sacré bémol à partir du moment où la vie même (et non plus les territoires, etc.) est devenue l'enjeu stratégique. Les processus de subjectivation en sont le limon et nous conduisent paradoxalement à la soumission et à des aberrations.
Foucault affirmait déjà que « l'État occidental moderne a intégré une quantité sans précédent de techniques d'individuation subjectives et de procédures de totalisation objectives. » Il parlait alors d'un véritable « double lien politique, constitué par l'individuation et la totalisation simultanée des structures du pouvoir moderne ». Mais il n'a pas eu le temps d'en déduire toutes les implications notamment la logique qui a conduit aux camps de concentration et aux états totalitaires. Cela constitue le projet de la présente recherche d'
Agamben.
« L'homo sacer » (« sacer » est un terme sémantiquement ambigu qui recouvre autant ce qui est saint que maudit), en deçà et au-delà de toute signification religieuse, c'est l'homme à la vie nue où s'applique le pouvoir souverain à la fois tuable et insacrifiable, mis au ban de la société dans une exclusion-inclusion.
Car le souverain est avant tout le dépositaire de l'
état d'exception et, grâce à cette structure implicite paradoxale qui remonte aux origines du pouvoir et qui présuppose une zone vide —une zone d'indifférenciation où se niche la puissance conjuguant violence et arbitraire, une sorte d'impensé dont la présence est voilée — et il peut décider à tout moment ce que bon lui semble, et surtout faire en sorte que cette vie d'homme soit réduite à la vie nue. À contrario, toute revendication, légitime ou pas, se mortifie en norme, car elle fait l'objet d'une récupération qui ne vise que notre assujettissement.
« Est sacrée à l'origine, c'est-à-dire exposée au meurtre et insacrifiable, la vie dans le ban souverain. Et la production de la vie nue devient, en ce sens, la prestation originaire de la souveraineté. »
« L'homo sacer », c'est l'Aleph de la politique, le principe premier, là d'où partent tous les possibles et où nos démocraties s'enlisent et c'est déjà ce qui a permis aux totalitarismes de tout bord de prendre leur essor...