« François Pinault : artiste contemporain »
Tel est le titre original et séduisant de l'ouvrage que consacre l'écrivain et éditeur de livres d'art
José Alvarez au milliardaire français. Reprenant nombre d'articles et d'entretiens, ce livre offre peu d'informations nouvelles, mais dessine un portrait subjectif de François Pinault, des artistes de sa collection et de l'art d'aujourd'hui. Tellement subjectif qu'on ne peut que déplorer certains jugements à l'emporte-pièce sur des personnalités telles que
Daniel Buren. Son intervention sur l'architecture de la fondation
Louis Vuitton, en 2016, y est ainsi qualifiée de « spectacle d'une trop évidente complaisance », quand Beaux Art Magazine en loua au contraire la réalisation. Il en va de même pour Tino Sehgal, célébré du Guggenheim de New York au Palais de Tokyo, mais dont Alvarez compare les oeuvres à « d'affligeantes répétitions de choses vues depuis les années 1960 ». Parallèlement, le directeur des éditions du Regard y fait l'éloge d'
Anselm Kiefer –que, pour ma part, je qualifierais d'artiste pompier-, oubliant de préciser qu'il a lui-même publié des monographies du plasticien allemand. Au-delà des goûts et dégoûts de
José Alvarez, ce qui fait la saveur de ce livre, c'est la passion de ce dernier pour François Pinault et sa tentative de percer à jour le « corsaire », ce « petit Napoléon, certes, mais en aucun cas un despote véritable », en établissant des corrélations entre son enfance, ses combats de capitaine d'industrie, sa passion pour la Bretagne et sa collection.
Cette tentative se solde par un échec. On n'apprend rien de plus sur François Pinault et les considérations personnelles de l'auteur nuisent à ce portrait, à l'instar de cette analyse sur la collection du propriétaire de Christie's : « Certains artistes […] sont surreprésentés, ce qui s'explique par l'absence, selon moi, d'une personnalité forte au sein de son équipe, intransigeante et professionnelle, susceptible de conseiller François Pinault afin de mieux structurer la collection, si toutefois celui-ci est en mesure d'entendre un avis spécialisé autre que le sien. » Est-ce une candidature spontanée ? En tout cas, cet essai montre que le fondateur du
Palazzo Grassi et de la Punta della Dogana, aussi créatif soit-il, n'est pas un artiste et que seuls, peut-être, ceux qu'il fréquente régulièrement dans leurs ateliers seraient à même de faire son portrait.
Edito de
Fabrice Bousteau_ Beaux-Arts magazine Octobre 2018