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EAN : 9782930739083
479 pages
Kantoken (24/11/2014)
3.95/5   11 notes
Résumé :
Été 1633 : le padre Benjamin, doctor angelicus, confident et ami du pape, de Galilée et de Descartes, est envoyé en mission dans sa Croatie natale.
Face au Grand Inquisiteur de Zagreb, il devra défendre la belle Jovana, insaisissable rousse de Macédoine et résoudre bien des mystères qui l'emmèneront infiniment plus loin qu'il ne croyait.
300 ans après Guillaume de Baskerville dans Le nom de la rose d'Umberto Eco, un nouveau sage franciscain mène l'enq... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Difficile de la faire courte… et pourtant :

Le titre : vous ne l'avez sûrement pas remarqué, il est ponctué d'un point « exclarrogatif », censé indiquer une question teintée d'incrédulité, ou une exclamation incertaine… « ‽ » … comme quoi…

La maison : Kantoken ( Bruxelles ), ambitieux éditeur dont vous n'avez probablement jamais entendu parler ; reliure soignée, traductions inédites d'auteurs à succès nationaux ; à suivre…

Le thème (sorcière) : on en apprend un peu plus sur le sujet que dans le livre de la célèbre Mona Chollet ; il n'aurait par contre pas trouvé sa place dans la collection éponyme des prestidigitateurs de Cambourakis.

Les influences : sans s'en cacher, l'auteur revendique sa parenté avec « Le nom de la rose » d'Umberto Eco, à la manière du « Si par une nuit d'hiver un voyageur » d'Italo Calvino… la cuisine italienne est habituellement plus digeste…

La nationalité : où il est encore question de la Macédoine, qui à l'époque de la sortie du livre (2014), n'était pas encore officiellement « du Nord » ; on notera que ce livre a bien-sûr bénéficié du soutien de son ministère de la culture ; il est là-bas un absolu « best-seller », réédité de nombreuses fois.
Je vous ai déjà parlé de Vlada Urosevic ; cette chère Bookycooky de Rumena Bužarovska et son roman chez Gallimard, le plus populaire ici pour un livre macédonien ; on parlera bientôt de Zivko Cingo, Luan Starova et Tachko Gheorghievski, ce pays, comme toute l'ex-Yougoslavie, bénéficiant d'une florissante littérature, nous parvenant toujours malgré le chat dans la gorge de son principal porte-voix : les éditions de L'Âge d'Homme.

Le résultat : net avantage de la « post-modernité », cette habitude de produire à l'avance les arguments que l'on pourrait lui opposer, pensant ainsi les désamorcer en les moquant.
Ce livre nous mâche le travail, imprimant lui-même une saine et vigoureuse auto-critique dans les dernières pages, à laquelle on ne peut qu'acquiescer (pour ceux qui sont arrivés jusque là), voici :

« On notait généralement que ce roman appartenait à la nouvelle génération des « diarrhées postmodernes risibles » qui ne comportaient pas « un point solide ». On attaqua aussi sa « composition hésitante » avec deux et même trois voix parallèles et non obligées, presque des contrefaçons musicales ; on dit qu'il y avait trop d'essayisme et de limonade littéraire sirupeuse ; qu'il y avait des incohérences dans le processus narratif, (…) ; que le roman n'était pas réussi et n'était qu'un pâle simulacre de la couche linguistique vieux-slave, etc., etc. »

La conclusion : contrairement à l'immense « Vilnius Poker », le potentiel roman national de la Macédoine n'offre rien de bien concluant, malgré quelques passages d'une belle audace, le tout restant beaucoup trop éparpillé, le tic du roman postmoderne poussé ici jusqu'à son toc…
...
P.S: "c'est du Umberto Coelho, LOL".... nous dit LaurentTreves.... pas mieux...
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Je me doutais bien que ce livre allait me surprendre, mais ce fût au-delà de mes espérances. Que ce soit dans la forme ou dans le fond, tout nous sort de notre confort, pour notre plus grand plaisir !

Deux histoires sont imbriquées l'une dans l'autre, a priori sans lien apparent : dans l'une, padre Benjamin interroge sa foi après avoir rencontré une jeune fille rousse, Jovana de Macédoine, recherchée pour sorcellerie par le Grand Inquisiteur de Zagreb, dans la Croatie du XVIIème siècle. Dans l'autre, l'auteur interpelle le lecteur pour lui éviter de tomber trop profondément dans la lecture de son histoire. Sauf que ce qui commence par une "simple" intervention de l'auteur évolue peu à peu.

Ce pavé se présente comme un cahier d'écrivain et se compose de diverses illustrations (photographies, dessins, enluminures, planches scientifiques...). Les interventions de l'auteur sont écrites en italiques pour se démarquer visuellement de la narration à proprement parler.

Tout m'a subjugué dans ce livre.
Il se dégage des deux récits une sensualité merveilleuse, parfois à la limite de l'érotisme. Je pense à deux scènes particulières (fellation et cunnilingus) qui se transforment sous la plume métaphorique de l'auteur en deux scènes très romanesques et poétiques.
Car Venko Andonovski est le maître des métaphores. La nature a la part belle : astres (la lune surtout), feu, eau, vent, escargots et agneaux, mûres noires, pierres, pain, blé... Tout est bon pour dépeindre l'être aimé.

Dans ce roman, l'auteur macédonien interroge aussi bien la foi, en montrant le fonctionnement de l'Église en cette période de grande inquisition, que l'Amour et le travail d'écriture.

Je vais m'arrêter là, espérant vous avoir donné envie de découvrir ce roman inclassable, préfacé par Milan Kundera en personne.
Faites confiance à Venko Andonovski : vous verrez qu'il vous connaît bien !
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Ce livre est un véritable ovni. Pourquoi ? Tout simplement, parce que l’écrivain prend le lecteur à témoin tout au long de l’écriture de son roman. J’explique ! Vous êtes plongé dans le roman, dans l’histoire que Venko Andonovski vous conte. Vous êtes à un moment crucial de l’histoire, à fond dedans. STOP ! Venko interrompt le lecteur et lui raconte sa vie, comment il écrit. Il s’interroge et invective le lecteur, il dévoile sa vie. Voilà pourquoi c’est un ovni. Avant de reprendre le cours de son roman. Et c’est comme ça tout au long du livre.

Et bien, moi je m'y suis bien trouvé dans ce roman. J’ai adoré l’écriture de Venko. Tout y est, le suspens, l’amour, l’horreur, la joie, les rires, les pleurs… Et d’ailleurs heureusement qu’il y a des interruptions, car il y a des scènes de tortures atroces, difficilement soutenables. Il faut dire que l’histoire tourne autour de la chasse « aux sorcières ».

Ce roman est inracontable. Bien sûr tout est lié, l’histoire et la réalité. Alors si vous voulez en savoir plus, ne passez pas à côté, ce serait vraiment dommage, vous rateriez quelque chose !

Dépêchez-vous, car c’est une petite édition et il n’y en aura pas pour tout le monde. Et encore une fois, merci à Jean-Louis, mon libraire, de m’avoir conseillé ce roman.
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Dans sa préface, Milan Kundera dit de Sorcière qu'il est un "grand roman européen" et un "roman inracontable". Il est effectivement difficile à résumer.

L'auteur macédonien Venko Andonovski parle ici d'un génocide qui a fait près d'un demi-million de victimes entre le Xème et XVIIIème siècle en Europe : les femmes qui étaient accusées de sorcellerie.

Entre deux époques, on suit Padre Benjamin en 1633 à Zagreb au temps de l'inquisition, un homme intelligent, proche du Pape et de Galilée et qui est horrifié devant les pratiques de tortures et les accusations infondées dont sont victimes des femmes innocentes. En parallèle, à notre époque et dans un autre style de narration, un homme quadragénaire qui se dit l'auteur de ce roman interagit avec humour et sincérité directement avec les lecteurs. Mais également avec une jeune étudiante en médecine qui se prête au jeu de cet homme perdu entre histoire passée et réalité.

Le roman est prenant entre ces histoires d'amour intemporelles, ces mélanges entre passé, présent, fiction et réalité, ces aventures tragiques et mystérieuses et ces passages philosophiques qui dénoncent les pratiques barbares et cruelles qui ont lieu dans toute l'Europe dans le seul but de combattre l'hérésie.

Un très bel ouvrage agrémenté de photos et schémas que j'ai pris plaisir à découvrir grâce à la maison d'édition Kantoken et à l'opération masse critique de Babelio que je remercie.
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Extraits de la préface de Milan Kundera :
L'histoire de l'art du roman approche discrètement de sa fin. Même la critique littéraire, qui occupait jadis une grande place dans tous les journaux, n'y apparaît aujourd'hui que de plus en plus rarement. Et, bien sûr, plus un pays est petit, moins ses livres sont connus à l'étranger et plus ils ont de mal à trouver un public.
La Macédoine. Parmi tous les piétons qui passent autour de moi dans la rue, combien savent ce que ce mot veut dire ? On éprouve une sorte de tristesse quand on pense à la solitude dans laquelle se trouve forcément un grand romancier de Macédoine. Et encore plus si ce romancier n'a pas écrit son roman en vue de bien le vendre, mais pour qu'il dise ce qui n'avait pas encore été dit. Tel est le cas de Venko Andonovski et de son roman, Sorcière ‽, qui, en plus, est un roman trop moderne, c'est-à-dire, dans mon jargon personnel, un roman du troisième temps.
[...] Dans Sorcière ‽, Andonovski ne veut pas seulement décrire un milieu et la vie d'un personnage, mais saisir l'insaisissable. À savoir, l'incompréhensible massacre des femmes (d'un demi-million de femmes) accusées de sorcellerie et envoyées aux flammes du bûcher. Ce qu'il raconte, ce n'est pas seulement ce massacre, mais le mystère de ce massacre, d'autant plus incroyable qu'il a pour théâtre l'Europe, cette Europe dont nous sommes habitués à admirer la rationalité, les sciences, l'esprit critique, et que nous considérons pour cela unique au monde.
Mais dans cette oeuvre superbement polyphonique où la variété des procédés narratifs étonne et ravit le lecteur, l'évocation de la sorcellerie est constamment accompagnée, enrichie par des histoires se déroulant dans la vie contemporaine, si bien que Sorcière ‽ devient un grand roman sur l'Europe. Sur le temps passé et présent de l'Europe.
Mais ça suffit. Je ne veux pas raconter ce roman irracontable. Je vous prie de le lire. Avec l'amour qu'il mérite.
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Page 111
Les hommes ont toujours menti, mentent et mentiront, mais ils croient en leurs propres mensonges. Pourquoi les hommes mentent-ils à eux-mêmes, aux autres, et s’obligent à croire à leurs propres mensonges, alors qu’ils savent que le mensonge est de la boue ? Si tu mens une seule fois, les autres mensonges suivront, malgré toi : l’un sert à justifier l’autre, à donner une auréole à la vérité. Aussi, une série de mensonges demande-t-elle un mensonge supplémentaire pour justifier et annuler le précédent. Pourquoi ?
Parce que le mensonge est une marchandise. On le vend dans un emballage 100 % vérité ou bien on l’échange contre l’honneur et la réputation sociale. Ensuite, ces images et ces mots joliment emballés servent à faire une carrière dans la société. Plus les mots et les images sont faux, plus ils ont du succès. Alors, cette galaxie d’images et de mots échappe complètement à notre contrôle : Ils se multiplient et poussent comme des champignons, de sorte qu’une image fausse en fait naître une autre, celle-ci une troisième, et c’est pareil avec les mots.

Page 112
Il est dit : seule la vérité n’a pas besoin d’ajout : elle n’a pas de queue, donc elle n’est pas le diable. Elle est la seule chose qui, si tu lui ajoutes quelque chose de superflu, diminue. Toutes les autres choses s’agrandissent, la vérité est la seule qui diminue. Voilà pourquoi celui qui aime la vérité n’arrive jamais sur un trône, il vit dans la solitude : dans un monastère, dans une grotte ou dans une bibliothèque !
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Page 36
D’ailleurs raconter des histoires n’est absolument pas une chose naïve et bénigne. Disons plutôt : maligne. Quand quelqu’un sait bien raconter, tu ne respires pas, tu ne cilles pas, tu es tout entier transformé en oreille. Tu écoutes. Les linguistes ont démontré, depuis longtemps, que dans un message oral bien organisé, qui accapare entièrement l’attention de l’auditeur, le sentiment de l’écoulement du temps disparaît. Le temps cesse : on entre dans l’intemporel. Dans les messages mal organisés (par exemple, lorsque quelqu’un oublie où il en est ou qu’il se met à bégayer), dans cet état intemporel de nirvana, le temps se faufile immédiatement, tel un intrus, et détruit ce monde paradisiaque. Tu comprends que tout était mensonge, illusion, tu te rends compte de nouveau que le temps continue de couler, et là où est le temps, là se trouve la réalité. C’est pour cela qu’il arrive, quand tu te laisses bercer par une histoire, que tu oublies le temps, l’éphémère, la fin, et que tu te frappes sur le front quand tu vois l’heure. Il est temps de dormir mais tu es pris par des mantras ou un prêche. Les narrations servent à faire passer le temps d’une façon inouïe. Elles sont une anesthésie. C’est pour cela que l’effet des narrations, surtout chez les petits enfants, est le sommeil, le rêve. C’est une petite mort – qui, heureusement, se termine avec la résurrection de l’éveil, le matin suivant.
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Je t'interromprai donc chaque fois que je remarquerai que tu t'abandonnes avec volupté, les pupilles élargies d'émotion, que tu te donnes d'une façon lubrique à ce livre, à ces lignes brodées derrière lesquelles existe et n'existe pas un monde que j'invente. Retiens bien ce JE !
D'ailleurs, raconter des histoires n'est absolument pas une chose naïve et bénigne. Disons plutôt : maligne. Quand quelqu'un sait bien raconter, tu ne respires pas, tu ne cilles pas, tu es tout entier transformé en oreille. Tu écoutes. Les linguistes ont démontré, depuis longtemps, que dans un message oral bien organisé, qui accapare entièrement l'attention de l'auditeur, le sentiment de l'écoulement du temps disparaît. Le temps cesse : on entre dans l'intemporel. (...) C'est pour cela qu'il arrive, quand tu te laisses bercer par une histoire, que tu oublies le temps, l'éphémère, la fin, et que tu te frappes sur le front quand tu vois l'heure. (...) C'est pour cela que l'effet des narrations, surtout chez les petits enfants, est le sommeil, le rêve. C'est une petite mort - qui, heureusement, se termine avec la résurrection de l'éveil, le matin suivant.
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C'est vrai, l'homme était bon : il a même rougi lorsqu'on me montrait. Et la bonté est plus importante même que le pain. Le désir et la passion ouvrent des blessures ; la bonté les lèche et les guérit. Alors soit, Jovana ! Que ton mariage se fasse. Celle qui se marie avec la bonté, même sans passion, sera protégée comme une rose. Les épines deviendront du coton : le désir est une épine, le coton la bonté humaine. Il ne peut pas te piquer, te faire du mal, faire couler ton sang.
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Padre Benjamin n'avait pas vu une telle pleine lune depuis son enfance. Et elle naissait toujours là-bas, derrière les cimes des chênes, qui, tels des couteaux s'enfonçaient dans le ventre arrondi du ciel prêt à l'accoucher : elle, agneau adorable à peine mis bas. Puis, pendant son voyage sur le ciel, les nuages la léchaient avec leurs langues et elle devenait propre, d'abord orange (où partait donc ce sang, mon Dieu, sinon dans la rougeur des nuages du lendemain au coucher du soleil ?), puis jaune comme un citron, et, à la fin, blanche comme la levure, pleine comme l'oeil nocturne qui voit tout. En quelques minutes elle fût lavée et se tenait sur la colline, éclairant le moulin comme un lieu où devait se passer quelque chose d'important.
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Videos de Venko Andonovski (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Venko Andonovski
Venko Andonovski le 3 mars 2015 à Bruxelles devant la porte de la Maison de la Bellone (XVIIème siècle) En anglais sous-titré FR
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