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EAN : 9782253941316
312 pages
Le Livre de Poche (20/09/2023)
4.28/5   9 notes
Résumé :
Depuis 1945, les Européens de l’Ouest n’ont plus vécu de guerre sur leur sol. Aujourd’hui, ils doivent se réhabituer à la tragédie. Le « moment occidental » arrive à son terme, et l’on voit apparaître un monde fondé sur le rapport de forces, dans lequel de grandes puissances ont à définir un nouvel équilibre. Tout est à réinventer… Gérard Araud propose, à partir d’exemples historiques, un véritable manifeste du réalisme en politique étrangère. Cet essai, brillant et... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
C'est un livre bref mais dense, essentiel pour ceux qui veulent, comme moi, tenter de comprendre la marche du monde. le retour d'expérience d'un de nos diplomates les plus éminents (Polytechnique, Sciences po et ENA), aujourd'hui en retraite et qui n'a pas peur de dire ce qu'il pense du monde et plus spécialement de la politique étrangère de la France.

Il ne s'agit pas d'une histoire de la diplomatie, mais de l'explication très claire de quelques moments cruciaux de la politique internationale depuis la fin de la guerre de succession d'Espagne en 1700 jusqu'à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022.

Une constante : la rivalité séculaire franco-britannique, jusqu'à la fin de l'Entente cordiale après le Brexit. Pour les Anglais, le pire cauchemar est l'apparition d'une puissance hégémonique sur le continent. Napoléon, lui, ne rêve que d'une Europe subordonnée à la France et non à l'équilibre des forces. La paix d'Amiens de 1802 n'est en fait qu'une trêve. le prétexte de la rupture sera Malte en 1803, qui inaugure 12 années de guerres que Napoléon perdra définitivement. Car c'est un mauvais négociateur qui n'a pas le sens des limites, alors que la diplomatie n'est que la recherche d'un compromis.

Après le congrès de Vienne, la France cependant n'est pas maltraitée : pas d'indemnité ni amputation de son territoire d'origine. Elle reste forte car elle fait contrepoids à la Russie qui ne cesse d'avancer vers l'ouest au point de menacer l'équilibre européen (déjà !).

La diplomatie est l'instrument de la paix, de sa recherche et de son élaboration, mais souvent les dirigeants ont la fâcheuse tendance à vouloir négocier eux-mêmes … Autre erreur funeste : se laisser entraîner dans une alliance, qui est un moyen mais ne doit pas être une contrainte, sauf en cas d'agression.

Une partie intéressante de ce livre, rarement évoquée, est la défense des clauses des traités de Versailles, « cette paix carthaginoise qui aurait nourri le ressentiment du peuple allemand. » En réalité, c'est l'apparence d'une victoire et la négation d'une défaite. Car ce ne sont pas les indemnités de guerre qui ont causé l'accession au pouvoir des nazis : en 1925, l'Allemagne a retrouvé son PIB de 1914 et au total, elle n'aura réglé que 3% de sa richesse (en comparaison, la France a réglé une indemnité représentant 30% de son PIB en 1872.)

Retour aussi sur Munich, l'asservissement de la politique étrangère de la France à celle de la Grande Bretagne, dans cette politique d'appeasement qui suscite dans les deux opinions publiques une adhésion massive, par anticommunisme essentiellement.

On termine en apothéose avec le fiasco de l'affaire de Suez en 1956, et les échecs successifs des Etats-Unis en Irak – malgré le refus de la France - en Afghanistan, la présence trop longue de notre pays au Mali.

Conclusion : le recours à la force est un instrument primitif qui permet rarement d'atteindre des objectifs politiques complexes. Imposer des valeurs à des pays qui n'en veulent pas est, la plupart du temps, impossible parce que l'histoire, la géographie et la culture définissent les limites étroites à ce qu'une société peut admettre.

Une magistrale leçon de diplomatie qui éclaire bien des zones d'ombre de l'histoire des relations internationales.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Le 28 juin 1919, dans la galerie des Glaces du château de Versailles, à l'endroit même où a été proclamé l'Empire allemand en 1871, Hermann Müller, ministre des Affaires étrangères, et Johannes Bell, ministre des Transports de la république de Weimar, signent le traité de Versailles. Une foule se presse pour assister à l'évènement ; on monte sur les chaises ; on se bouscule. La France a invité des mutilés de guerre pour rappeler l'horreur du conflit ; le train qui amène les plénipotentiaires allemands a été détourné pour traverser à petite vitesse les zones des combats qui témoignent des dévastations qu'a subies le pays. Le matin même, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont signé le traité par lequel ils accordent leur garantie à la France en cas d'agression allemande, contrepartie de la renonciation par Clemenceau à la revendication d'une séparation de la Rhénanie de l'Allemagne. Cent et un coups de canon concluent la courte cérémonie.
Le maréchal Foch, commandant en chef des forces alliées, est absent. Le 4 mai, lorsque le traité a été rendu public devant les alliés, il a protesté en réclamant de faire du Rhin la frontière entre l'Allemagne et ses voisins. En vain. Il explique au New York Times : "La prochaine fois, les Allemands ne commettront pas d'erreur. Ils envahiront le nord de la France et se saisiront des ports sur la Manche pour lancer des opérations contre l'Angleterre", en concluant : "Quand on est pas sur le Rhin, on a tout perdu."
Que l'Histoire ait prouvé, en mai-juin 1940, que Foch avait raison devrait justifier que personne aujourd'hui n'ose défendre le traité de Versailles parce qu'il n'accordait pas assez de garanties aux voisins de l'Allemagne, mais, paradoxalement, il est critiqué - et il l'a été quasiment depuis sa signature - au contraire pour avoir été trop dur.
La cause semble entendue : les alliés auraient imposé à l'Allemagne une "paix carthaginoise" qui aurait nourri le ressentiment durable de la population, affaibli la république de Weimar et ouvert la voie à Hitler. Dès 1919, Keynes s'insurge contre les clauses économiques du traité et annonce la ruine de l'Allemagne dans son best-seller Les Conséquences économiques de la paix. Que toutes ses prévisions soient démenties par le redressement rapide de l'économie allemande, qui retrouve dès 1925 le PIB de 1914 sur un territoire plus petit, n'a étrangement pas affaibli la portée de son argumentation qu'on répète encore aujourd'hui.

Chapitre VII, Le traité de Versailles, p158-159.
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Depuis 1919, les critiques n'ont pas manqué qui ont mis en cause Clemenceau, Lloyd George ou Wilson ou les trois. Chacun a eu son portrait brossé, une ou plusieurs fois, le plus souvent à charge. Ils ne se sont d'ailleurs pas épargné entre eux, chacun égratignant l'autre après une séance de négociation particulièrement difficile. Tout a été dit sur le prêcheur protestant, sûr d'avoir raison, qu'est Wilson, sur le Gallois manipulateur et sans principes qu'est Lloyd George et sur l'implacable germanophobe qu'est Clemenceau. Keynes, qui a souvent des talents d'écrivain, décrit ainsi ce dernier : " Clemenceau trônait, ganté de gris, sur son fauteuil de brocart, l'âme sèche et vide d'espérances, très vieux et très fatigué mais contemplant le spectacle d'un air cynique et presque malicieux."
Qualifier de "sèche" l'âme de Clemenceau, l'ami de Monet, l'amateur d'art, le voyageur infatigable en Asie, le dreyfusard et l'anticolonialiste, dit plus des opinions de l'auteur que de la réelle personnalité du sujet.

Chapitre VII, Le traité de Versailles, p160-161.
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le diplomate a souvent la tâche ingrate de rappeler la réalité, d'en analyser les rapports de force et de démontrer que le champ du souhaitable ne correspond pas souvent à celui des possibles. La voix du diplomate est souvent couverte par l'indignation. Quoi qu'il fasse, il n'a aucune chance lorsqu'il invoque la raison pour écarter les sentiments. Il a perdu d'avance. Il doit attendre d'être rappelé pour réparer ce qui peut l'être après le désastre qui en est l'inévitable fruit. En 1871, c'est le vieil Adolphe Thiers, qui a dénoncé l'aveuglement de la diplomatie française en 1866 et qui s'est prononcé pour demander la paix dès octobre 1870, qui doit négocier le traité ignominieux, mater la révolte de la Commune et ensuite obtenir le départ des forces d'occupation. Il n'y gagnera que le mépris de la génération de Français qui oublient qu'un million de Parisiens font cortège chapeau bas à sa dépouille mortel en 1877.

Chapitre IV, La dépêche d'Ems, p105.
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C'est la roulette parfois russe plutôt que les échecs qui offrent la meilleure métaphore des relations internationales. La première conclusion a en tirer est la prudence, la modestie et la retenue que doit manifester toute politique étrangère. Les incertitudes sont trop grandes et les risques trop élevés pour tout jouer sur un coup de dés.
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Pour caricaturer, les membres de l'Union européenne ont transféré des champs de bataille aux corridors de Bruxelles leurs querelles où elles sont résolues sur la base des rapports de force mais par le biais de procédures agréés et dans le respect de principes généraux qui défendent les intérêts majeurs de chacun.
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Vidéo de Gérard Araud
Selon les sondages, Donald Trump apparaît en tête des intentions de vote de l'électorat conservateur, quel est le bilan de sa politique étrangère ? Quelles conséquences son retour à la Maison Blanche aura-t-il sur la suite de ces conflits ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit : Gérard Araud, diplomate et ancien ambassadeur de France aux États-Unis
Visuel de la vignette : Timothy A. Clary / AFP
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