AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782080668394
298 pages
Flammarion (18/02/1993)
4.5/5   2 notes
Résumé :

Bleu Horizon part d'une forêt du Languedoc, plantée en 1931 et dédiée à 560 écrivains morts à la guerre de 1914. Le livre, d'abord, imite la forêt, plante des noms, trace des lignes, cherche des coïncidences et invente des prolongements.

Puis il traverse la guerre, perd ces disparus l'un après l'autre, les reprend, les réunit et revient à la forêt. Il s'achève quand elle commence, le jour de son inauguration.

De chacun des per... >Voir plus
Que lire après Bleu HorizonVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Au début, on est perdu. Tant de noms. Et pourtant si peu. Inconnus pour la plupart. Sauf deux ou trois, Pergaud, Péguy, Alain Fournier, Jean de la Ville de Mirmont grâce à Jérôme Garcin. Des bribes de vies commencent à se dessiner. A s'écrire, à s'imaginer, oui.
Et puis..

"Dans la forêt, les noms se croisent. de l'un à l'autre, on peut marcher... Les promeneurs, en passant devant les bornes, lisent les noms, se les répètent comme s'ils voulaient les retenir, parfois, inventent des histoires."

Et on comprend que comme les arbres d'une forêt, jamais complètement les mêmes, mais si ressemblants, rien ne pourrait vraiment les différencier. Les rassemblent le fait que ce sont tous des écrivains, confirmés ou non, et qu'ils sont morts pendant cette guerre.

Que sait-on d'eux? Une anthologie en cinq volumes les a rassemblés, intitulée le Hérisson.
Ils ne se sont pas connus. Ou on l'ignore. Ou deux? Qui parlaient de l'amitié:

"L'amitié, c'est comme.. réciter à deux voix un vieux poème que l'on croyait ne plus savoir, mais qui, grâce à l'effort de deux mémoires, remonte tout entier.
L'amitié, c'est comme.. font cette rivière et ces peupliers, s'accompagner, fidèlement, le plus longtemps possible
Et l'amitié, est-ce donc être réunis , une fois morts, dans la même notice nécrologique?"

Danielle Auby prête à ces hommes un peu de vie, jusque dans les circonstances de leur mort. Tout se mélange comme ils se sont mélangés au long de cette interminable guerre. Comme leurs corps souvent, ont été mélangés à la boue. Et on a eu bien du mal à en retrouver quelque chose. le fallait-il?
D'ailleurs, dans L'Illustration, Lavedan écrit:
"Quand a commencé l'oeuvre implacable et mystérieuse de retour au limon, je ne pense pas qu'il soit prudent de venir s'en mêler."
Et on s'en mêle quand même. du moins, on tente de démêler les " restes."

Et c'est là que le Hérisson paraît. Avec ses critères sélectifs. Etre mort le plus glorieusement possible ...avoir écrit des poèmes, livres, pièces, romans. Ou des articles, lettres qui portaient en germe assez visiblement les mêmes choses.
Il y eut des parrainages, chacun défendait le sien ( il est mort glorieusement le tien? Moyen, allez, on en a déjà trop, recalé! ) , et les réunions qui vont avec. Ca en faisait 560 à la fin, qui remplissaient les critères.

Il fallait se dépêcher:
"Ne trainez pas, car le vent tourne. Bientôt la mode des morts passera."

Et puis, quelque temps après, on a planté une forêt. Avec les discours qui vont avec.
Plus.. symbolique, la forêt. Et puis, plus vendeuse? Excursions organisées, restaurant, buvette..

Parce que tout lasse.
"On a trop parlé de la guerre. Des morts, on s'est trop occupé. Des noms de morts, il y en a trop partout, sur les monuments, dans les livres. Plus une seule phrase n'est possible. Tous les mots ont été utilisés, toutes les exclamations, tous les regrets, tous les temps, les irréels et les passés, tous les conditionnels. On a dit tout ce qu'on pouvait dire. Ce qui n 'a avancé personne. Les noms tombent dans l'oubli de plus haut simplement, d'avoir été soulevés, et s'y enfoncent plus profond."

Le Hérisson est devenu très rare à trouver, la forêt a brûlé en 63. Ils ont replanté, quand même, mais tout est abandonné, faute de crédits.
Ce roman lui-même n'est plus publié.

Sur la photo de couverture, tous se ressemblent. Un petit bouquet de fleurs au centre, tous sont partis la fleur au fusil. Ce ne sont que 560 . Comment imaginer , comment raconter des bribes de vie pour chaque mort de ces guerres imbéciles?
Toutes étaient différentes. Toutes se mélangent.

Très beau livre.

Commenter  J’apprécie          40
Danielle Auby amène sa réponse personnelle, à la de nécessité de la commémoration de la guerre mais aussi de la souffrance des soldats, commémoration qui se doit d'être officielle autant qu'intime. Elle mêle dans une poésie pragmatique un tourbillon de destins individuels, reflet du  magma des multitudes et de la chair à canon .

La commémoration officielle, l'Association des Ecrivains Combattants, la rend aux 560 jeunes écrivains en 1924, en publiant en cinq volumes une Anthologie des écrivains morts à la guerre , ouvrage intitulé le hérisson. Une biographie et des textes de chaque écrivain y sont réunis par un parrain.
Puis en 1930 on plante une forêt commémorative.
C'est autour de ces projets qu'est né le livre Bleu horizon.

Danielle Auby, parmi ces 560 jeunes écrivains, en choisit une cinquantaine, dont elle évoque les destins croisés. Une première partie les saisit dans leur enfance, leurs lieux, leurs éducations, parle de leurs familles et de leurs maîtres, de leurs voyages, de leurs espérances, d'une jeune femme qui passe. Ils se croisent et se recroisent, dans la réalité recréée des archives ou dans l'imaginaire de l'auteur, portraits individuels, portrait de la jeunesse d'un début de siècle. Tous des individus, aimants, aimés, portant leur projet d'écriture, un projet que la guerre va interrompre le plus souvent, ou modifier définitivement.

La deuxième partie, c'est la guerre. Les jeunes gens rangent leurs écrits dans leurs cartons, où les emmènent dans leur besace, gardent ou non leurs projets en tête, certains continuent à griffonner. Un à un, les jeunes gens se font prendre par l'horreur, par les blessures, par les gaz, par la mort. Et cette sombre énumération circonstanciée donne une image du chaos, du néant, de l'inéluctable

La troisième partie, c'est l'après. Ils sont beaucoup moins nombreux, ceux qui sont rentrés, meurtris, et on se recentre sur ces quelques uns. Il faut commémorer, rendre hommage, cicatriser, mais aussi essayer de reconstruire :"(...) fermer la douleur, éteindre, et sortir enfin."

Des monuments se dressent, des cimetières  s'organisent, des corps se rapatrient, et le hérisson s'élabore peu à peu, réunissant des témoignages vaguement élitiste sur « ces morts qui en valent la peine », souvent touchants,  mais au goût de Danielle Auby, trop hagiographiques, lisses,  émoussant les différences,  parlant du bel honneur plutôt que de l'horreur. : elle butine, peaufine, corrige, apporte sa note.

« Qui est le dernier mort ? le dernier mort de la guerre a encore, lorsqu'elle prend fin, des mois et des années à vivre. En quelle année se remet-on simplement à mourir de vieillesse ? de sa « belle mort » ? Combien d'années les germes mortels de la guerre continuent-ils à faire leur chemin dans les corps ? Comme les grenades entrées dans la terre et qu'un coup de charrue fait partir. Les gaz, combien de temps leur faut-il pour tuer à petit feu tout l'intérieur du corps d'un homme ? Les éclats d'obus, combien de voyages encore ? Et les impressions, dans les nerfs, dans la tête, combien d'années tapies ? Arrive-t' il  qu'elles se réveillent, si fort que rien n'est plus possible sinon de retourner pesamment toujours au point où elles sont venues ? Combien d'années traversent-elles les rêves des dormeurs ? Combien d'efforts doivent-ils faire pour les tenir en respect, pour les cantonner dans la maison des rêves et pour fermer à double tour la porte par laquelle elles pourraient s'épancher dans la vie ? Arrive-t-il que cette porte cède et qu'alors la pensée de tous les morts innombrables vienne occuper le monde, le recouvrir tout entier ? »


Il faut accepter de se laisser bercer dans ce cauchemar déroutant, renoncer à un récit organisé pour écouter cette histoire/Histoire chaotique  à travers les témoignages intimes, auxquels   Danielle Auby prête sa parole attentive .De la démarche de l'auteur,  on retient surtout le formidable fouillis, le tressage, les recoupements. Cela   déroute au début, mais au fil des pages, cela a une allure et un charme énorme, ce regard si personnel, cette attention familière à ses personnages, cette multiplication des points de vue, ce mélange des biographies. Tous nommés et renommés pour lutter contre l'oubli dans une obsession de l'entremêlement et de l'interrogation. Comme la forêt qui leur a rendu hommage,  elle construit son livre : quelques allées traçant des directions, et de multiples stèles plantées dans le décor pour un récit qui privilégie le grouillement, le foisonnement, le désordre, cette effroyable misère, qui anéantit les vies uniques et dissemblables de ces jeunes gens « interdits d'avenir » dans un destin commun. Avant l'abandon et l'oubli.

Commenter  J’apprécie          10


autres livres classés : première guerre mondialeVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (3) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3211 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}