Dans ce livre,
Bachelard essaye de développer une thèse qui correspond sans trop de surprise à son esprit philosophique général, favorable à l'anti-réalisme et à l'éristique (au sens particulier qu'il entend). En effet, de Bergson, il accepte tout, sauf la continuité de la durée, qu'il prendra plutôt pour une métaphore (sens non-péjoratif), pour un effet de superpositions temporelles dialectiques impliquant une discontinuité qui ne sera jamais véritablement compensée par les efforts psychiques d'instauration de cette continuité métaphorique.
La fonction de cet essai est donc de montrer que la durée – on parle bien de la durée elle-même, plutôt psychologique, et non du temps au sens bergsonien – est discontinue, dialectique, épaisse de superpositions. Pour
Bachelard – ce n'est pas une surprise – l'être est associé à un devenir gnoséologique et le temps s'avère être une possibilité. Sa dialectique n'est pas d'ordre logique, comme il insiste, mais d'ordre temporel : il citera d'ailleurs Dupréel, pour qui l'intervalle entre une cause A et un effet B est nécessairement temporel et pour qui il représente une possibilité probabiliste qui n'est pas elle-même d'ordre causal. Face à l'objection réaliste, qui affirme que ce n'est pas parce que l'apprentissage de la causalité est discontinu que la causalité elle-même l'est,
Bachelard a précédemment montré que l'élimination, issue d'un travail préalable sur l'expérience scientifique à concevoir et à organiser, élimine bien des accidents, de telle sorte que la réussite de l'expérience montre bien que ces détails n'ont pas d'influence causale temporelle dans ce cadre, et qu'il faut donc éliminer, pour la science, cette continuité.
Bachelard insistera ensuite sur cette fameuse superposition temporelle : les actes peuvent se prendre en puissance mathématique, par exemple il y a la (feinte)3 , qui consiste à feindre de feindre de feindre, et qui n'est pas la même chose qu'un retour à la simple feinte (justement parce qu'il s'agit d'une dialectique temporelle et non logique ;
Bachelard cite l'exemple de l'étudiant qui, pour répondre favorablement à un pari, surjoue un intérêt au cours pour que le professeur pense qu'il feint de s'y intéresser alors qu'il s'y intéresse en vérité véritablement ; dans cet exemple, il n'y a pas un simple retour à l'état de simple feinte). Et pour
Bachelard, cette troisième puissance, c'est véritablement le début de l'idéalisme et du repos, car ce sont là qu'apparaissent les problématiques propres à cette dialectique de la durée. On termine sur la rythmanalyse, comparée à la psychanalyse.
Bachelard dira que la substance ne se développe pas sous la forme du rythme mais que c'est le rythme régulier qui apparaît sous une forme d'attribut matériel déterminé.
Au final, il s'agit d'un essai classique, avec une argumentation tout à fait pertinente. L'approche est en revanche un peu trop semblable à un « catalogue », malgré une succession cohérente des chapitres.
Bachelard étudie à chaque fois une référence particulière afin de l'intégrer dans sa propre argumentation. Il loue souvent les auteurs qu'il cite. Globalement, il s'agit d'un essai très clair.