Analyse des phénomènes d'émeutes vues en particulier dans ce qu'elles préparent potentiellement à l'établissement du communisme. A 74 ans, Badiou se montre en théoricien rouge incandescent, ne voyant nul charme à la gauche radicale de
Mélenchon mais citant favorablement Marat. Pour lui, il n'existe qu'un seul problème politique : « voici deux siècles que le problème politique unique est celui-ci : comment établir dans la durée les inventions du communisme de mouvement » produites par les soulèvements historiques ?
Ecrit pendant le Printemps arabe de 2011, dans lequel l'auteur voit de grandes similitudes avec le Printemps des peuples de 1848, le livre consacre une large place au thème de l'émeute. Il montre en particulier une véritable fascination pour les rassemblements de masse sur la place Tahrir au Caire.
Au passage, prenant ses rêves pour la réalité, il ose écrire que les jeunes femmes médecins pouvaient y « dormir au milieu d'un cercle de farouches jeunes hommes » en étant « plus tranquilles qu'elles ne furent jamais », alors que des dizaines de viols ont été signalés sur cette place durant l'année 2011.
Puis il récidive : « Les peuples tunisiens et égyptiens nous disent : se soulever, construire le lieu public du communisme de mouvement, (…) tel est le réel de la politique populaire d'émancipation. »
On imagine la pleine satisfaction de Badiou qui rêve aussi de « désoccidentalisation » dans ces pays quand il a constaté l'instauration de la charia en Libye un mois après la sortie de son livre et la victoire électorale des islamistes en Tunisie, Maroc et Egypte.
L'auteur appelle d'entrée de jeu les masses opprimées au soulèvement mû par « la seule idée apte », celle d'un Communisme « revisité », « figure égalitaire et rationnelle de l'organisation collective » afin de démolir « nos valeurs » : « Patrimoine, Occident et Laïcité. L'affreux P.O.L., idéologie dominante de tous les pays qui se présentent comme civilisés. »
Dans un remarquable exercice de contorsion intellectuelle, il explique que l'émeute historique et la dictature populaire d'une minorité sont davantage légitimes que des représentants élus par une majorité pour exprimer la volonté générale parce qu'elles sont animées par « une sur-existence, intensive et subjectivée, de la vérité pré-politique. » Il recommande d'ailleurs au passage de ne pas aller voter, les élections étant vues comme une « convocation » par l'Etat auxquelles il ne faut pas se soumettre.
La pensée de Badiou confine au ridicule quand elle nie dans un raisonnement absurde l'existence de l'identité nationale – en l'occurrence celle du Français – sous prétexte qu'elle n'a pas de définition scientifique.
Ce qui revient à dire, au mépris de l'évidence et du réel, pas de différences entre cultures et ethnies. Comme si le vécu indéfinissable n'existait pas, comme si ce qui ne pouvait être défini en relief par ce qu'il est n'existait pas au moins en creux par ce qu'il n'est pas.
Pas de définition scientifique non plus de l'amour et de la haine. Ces sentiments existent-ils alors selon Badiou ?
C'est le même raisonnement malhonnête qui fait dire aujourd'hui que les Français de souche n'existent pas alors qu'ils représentaient plus de 95% de la population de l'Hexagone jusqu'à il y a un siècle.
Signe de la faiblesse de ses arguments, dès la 6e page de sa démonstration, Badiou atteint déjà le point Godwin avec les mots « aryen » et « Pétain ».
On s'étonnera qu'un intellectuel ayant autant de vécu – il avait dépassé les 31 ans en mai 68 – reste encore accroché à ses vieilles lunes.
On se réjouira quand même au passage des coups de griffes qu'il donne à BHL.
L'extrémisme de ses positions présente aussi l'intérêt de faire passer pour raisonnables certains qu'aujourd'hui encore on traite d'extrémistes pour d'autres raisons.