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EAN : 9782907913041
Le Passeur (01/01/1990)
3.83/5   36 notes
Résumé :
Louis et sa compagne, Pauline, découvrent au Croisic, l'histoire tragique Cambremer, pêcheur breton, père d'un fils unique que sa femme et lui ont trop gâté. Ce fils dépravé, se ruine, vole ses parents et injurie sa mère. Ne pouvant supporter le déshonneur de l'existence de ce fils, Cambremer le tue un soir. Depuis, il fait pénitence loin des hommes sur un rocher entre Batz et Le Croisic.
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
On a probablement tort de considérer Maupassant comme le maître absolu de la nouvelle au XIXème et comme l'héritier de Flaubert. Quand on y regarde de près, c'est Balzac qui est source de tout.

On oublie souvent — et combien trop — qu'Honoré de Balzac a lui aussi écrit des nouvelles, des belles, des fortes, notamment régionalistes comme celle qui nous occupe aujourd'hui, spécialité à laquelle Maupassant s'attèlera bien plus tard. (À ce titre, j'en profite pour signaler que dans les journaux dans lesquels paraissaient ses nouvelles, Guy de Maupassant avouait clairement de quel maître il se réclamait en signant souvent du pseudonyme Maufrigneuse, le nom d'un des personnages de la Comédie Humaine.)

Balzac nous concocte donc avec son Drame Au Bord de la Mer une nouvelle " à la Maupassant ", avant même que celui-ci n'ait vu le jour. Il nous fait débarquer au Croisic, qui, loin encore de jouir des bénéfices du tourisme balnéaire ou côtier, n'est encore à ce moment-là qu'une bourgade peu engageante, les pieds englués dans les marais salants de Guérande.

Un petit couple d'amoureux (parisiens ?), venus mouiller à l'occasion leurs beaux souliers vernis auprès des bas peuples des rivages, histoire de humer l'air du large pendant quelques heures avant de s'en retourner dans les tourbillons de la vie citadine, tombent sur un pêcheur à pied d'allure misérable.

Lui achetant grassement son homard et son araignée de mer, ils se concilient ses services en qualité de guide pour l'exploration de cette petite tranche de littoral. Celui-ci leur explique les meilleurs chemins, tant à marée haute qu'à marée basse, ainsi que...
... que cette espèce de grotte où l'on aperçoit un triste hère.

S'ils veulent rejoindre le Croisic, le plus court sentier passe devant la grotte, mais, s'ils n'y voient pas d'inconvénient, lui fera un détour pour éviter la grotte de l'ermite. Pourquoi diable cet homme inspire-t-il tant de crainte au pêcheur ? Est-il un voyou, un malfrat, un gredin, un bagnard oublié ?

Cela ne semble pas être le cas. le couple réclame des explications et le pêcheur en donne, plus que je ne saurais le faire moi-même car je considère comme un grand danger pour votre santé littéraire de vous en avouer beaucoup plus sur le passé houleux de l'ermite.

Sachez seulement qu'il peut y être question d'éducation et dont le thème me rappelle un peu celui de la nouvelle L'Orphelin de Maupassant dans le recueil le Père Milon Et Autres Nouvelles.

Bref une petite nouvelle sympa, sans trop d'ambition, qui pourrait aussi, à la rigueur, exhaler des parfums de Simenon. Mais ceci n'est qu'un avis, une simple trame... au bord de la mer, secouée par les embruns de vos esprits affûtés, c'est-à-dire bien peu de chose.
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Dans un village paisible du Croisic deux touristes sont émus devant la beauté du paysage. Ces amoureux, dont les pensées s'entremêlent à merveille, rencontrent un pêcheur breton, pauvre et solitaire. Il va leur conter une histoire," à la façon des gens du peuple...récit aussi aigrement incisif que l'est un coup de hache", qui va rompre le calme et le charme de leur journée.

Cette nouvelle nous emmène en balade vers cette belle région du Croisic, de Batz et de Guérande.
Le paysage offre de jolis contrastes :

" à la fois immense, sans être désert ; il est monotone, sans être fatigant ; il n'a que trois éléments ; il est varié "

Tout comme la description du marin breton :

"Ce pêcheur, ce marin, ce Breton grossier était sublime par un sentiment inconnu. Mais ces yeux avaient-ils pleuré ? Cette main de statue ébauchée avait-elle frappé ? Ce front rude, empreint de probité farouche, et sur lequel la force avait néanmoins laissé les vestiges de cette douceur qui est l'apanage de toute force vraie, ce front sillonné de rides, était-il en harmonie avec un grand coeur. Pourquoi cet homme dans le granit ? Pourquoi ce granit dans cet homme ? Où était l'homme, où était le granit ?"

Sublime rencontre entre deux amants et deux marins, qui se ressemblent chacun à sa façon, car ils se fondent dans le paysage.

"Ce pays n'est beau que pour les grandes âmes ; les gens sans coeur n'y vivraient pas ; il ne peut être habité que par des poètes et des bernicles".


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Autant que la mer cache beaucoup de secret, autant qu'il est dangereux de voir un homme silencieux, vague, rêveur, impassible au bord de la mer tel est l'homme que rencontre notre narrateur et sa femme, Cambremer, un homme dont la mer a avalé une partie de son histoire et aussi une partie de lui-même mais la mer ne saura cracher son secret, ni son tragique passé....
Une nouvelle qui est aussi toute une vie car Balzac passe en revue de différentes vies de famille de l'époque, le sacrifice familial, l'amour maternel qui n'a pas de limites, l'amour paternel qui parfois peut devenir un poignard pour amener à l'ordre parfois il surgit bien tard que la soif l'ordre est vite transformé à une soif de crime...
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Ici, Balzac nous offre un excellent, un sublime cas de conscience. Une production de la meilleure littérature qui existe. le narrateur, qui est nul autre que Louis Lambert (!), écrit l'histoire d'une véritable tragédie familiale qu'un pêcheur lui a raconté. Par ce fait, les malheurs propres du pêcheur semblent devenir anodins et même dérisoires comparativement à ceux de la famille. On est porté à complètement oublier son drame à lui, qu'il vit avec son père.

Le cas de conscience se pose de la façon suivante : Un mal est parfois nécessaire pour empêcher un plus grand mal. Célèbre questionnement : le mal est-il dans l'acte-même ou dans les effets de l'acte? Enfin, c'est de la sorte que je le vois. Ce qui me fait penser à Sartre lorsqu'il écrit : «la violence, sous quelque forme qu'elle se manifeste, est un échec. Mais c'est un échec inévitable parce que nous sommes dans un univers de violence ; et s'il est vrai que le recours à la violence contre la violence risque de la perpétuer, il est vrai aussi que c'est l'unique moyen de la faire cesser», dans Situations, II. Ce qui est encore plus frappant ici c'est qu'un père tue son fils pour l'empêcher de causer plus de tort. À moins que ce ne soit pour le châtier du déshonneur qu'il a déjà causé à sa famille? Je pense que les deux questions sont bonnes. le père a-t-il peur aussi pour sa vie? Sans aucun doute qu'un enfant qui vole le bien de ses parents et poignarde sa mère et qui ose mentir ensuite pourrait commettre le plus irréparable des crimes sans un pli sur la conscience. Je crois avoir lu quelque part qu'à l'époque de la Rome antique un père avait droit de vie ou de mort sur sa progéniture. Je ne sais à quel niveau l'on pourrait rattacher cette information à l'histoire des Cambremer. Il reste que la tragédie est toute là : si le père ne fait rien, sachant son fils irrécupérable, il s'expose lui-même à un grand malheur et l'honneur de ses ancêtres risque d'être entachée pour l'éternité.

On reste toujours dans le domaine du possible, de l'hypothèse, c'est cela la littérature. le mal déjà commis par le fils pèse lourd dans la balance du père. Pour se préserver du futur nous jugeons le présent.

Seul le créateur a tous les pouvoirs.

Louis, à la fin du récit du pêcheur, écrit que ce dernier, en bon représentant du peuple, n'a offert aucunes réflexions lors de sa narration. Et Louis aussi en dit très peu. le paysage semble marqué par une quelconque malédiction, décor parfait pour une tragédie. Il parle de «crime nécessaire», mais aussi d'expiation. Ce qui invite à croire que le crime a parfois une raison d'être et que même justifié un crime reste un crime et qu'il ne saurait se passer de repentir. Je ne sais pas si l'on pourrait voir cette nouvelle comme un argument contre les éthiques déontologiques, mais elle malmène certainement les impératifs kantiens. le questionnement reste entier, très peu nous est donné pour effacer tous les doutes. Une chose est sûre, cette nouvelle nous offre à réfléchir! Il s'agit maintenant au lecteur d'en juger.
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Plus je lis les nouvellesDe Balzac, et plus je l'apprécie, moi qui avais du mal à entrer dans certains romans.
En effet, avant que la Normandie ne prenne une grande place dans la littérature et la peinture du XIXème siècle et du début du XXème, avec Maupassant et son analyse des moeurs des paysans cauchois, avant Maurice Leblanc et ses descriptions picturales des falaises d'Etretat, il y eut Balzac et les pêcheurs bretons. En quelques pages puissantes, il fait surgir un drame intimiste, tout en livrant des descriptions poétiques impressionnistes avant l'heure des paysages, mêlant le ciel, la mer et le sable.
Si le spectacle de la nature est sublime, le coeur des hommes lui est redoutable. Les relations parents/enfants semblent vouées à l'échec, ou du moins à la souffrance. Entre maladie, handicap, amour maternel non réciproque et infanticide, Balzac pourrait sombrer dans le mélodrame, mais non, le paysage permet de s'élever au tragique.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
(N. B. : j'ai choisi de partager cet extrait non tant pour la tension qu'il recèle ou un quelconque bon mot qui serait contenu à l'intérieur, que pour la diversité et la maestria dans le maniement des temps verbaux. Il n'y a pas à dire, la langue écrite au XIXème siècle, c'est quelque chose.)

Nous entendîmes le pas pressé de notre guide ; il s’était endimanché. Nous lui adressâmes quelques paroles insignifiantes ; il crut voir que nos dispositions d’âme avaient changé ; et avec cette réserve que donne le malheur, il garda le silence. Quoique nous nous pressassions de temps en temps la main pour nous avertir de la mutualité de nos idées et de nos impressions, nous marchâmes pendant une demi-heure en silence, soit que nous fussions accablés par la chaleur qui s’élançait en ondées brillantes du milieu des sables, soit que la difficulté de la marche employât notre attention. Nous allions en nous tenant par la main, comme deux enfants : nous n’eussions pas fait douze pas si nous nous étions donné le bras. Le chemin qui mène au bourg de Batz n’était pas tracé ; il suffisait d’un coup de vent pour effacer les marques que laissaient les pieds de chevaux ou les jantes de charrette ; mais l’œil exercé de notre guide reconnaissait à quelques fientes de bestiaux, à quelques parcelles de crottin, ce chemin qui tantôt descendait vers la mer, tantôt remontait vers les terres au gré des pentes, ou pour tourner des roches.
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Les jeunes gens ont presque tous un compas avec lequel ils se plaisent à mesurer l’avenir ; quand leur volonté s’accorde avec la hardiesse de l’angle qu’ils ouvrent, le monde est à eux. Mais ce phénomène de la vie morale n’a lieu qu’à un certain âge. Cet âge, qui pour tous les hommes se trouve entre vingt-deux et vingt-huit ans, est celui des grandes pensées, l’âge des conceptions premières, parce qu’il est l’âge des immenses désirs, l’âge où l’on ne doute de rien : qui dit doute, dit impuissance. Après cet âge rapide comme une semaison, vient celui de l’exécution. Il est en quelque sorte deux jeunesses, la jeunesse durant laquelle on croit, la jeunesse pendant laquelle on agit.
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Nous fîmes quelques pas en silence, mesurant tous deux la profondeur muette de cette vie inconnue, admirant la noblesse de ce dévouement qui s’ignorait lui-même ; la force de cette faiblesse nous étonna ; cette insoucieuse générosité nous rapetissa. Je voyais ce pauvre être tout instinctif rivé sur ce rocher comme un galérien l’est à son boulet, y guettant depuis vingt ans des coquillages pour gagner sa vie, et soutenu dans sa patience par un seul sentiment. Combien d’heures consumées au coin d’une grève ! Combien d’espérances renversées par un grain, par un changement de temps !
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– Combien ce silence est beau, me dit-elle, et comme la profondeur en est étendue par le retour égal du frémissement de la mer sur cette plage ! [...]

Ce paysage, qui n’a que trois couleurs tranchées, le jaune brillant des sables, l’azur du ciel et le vert uni de la mer, est grand sans être sauvage ; il est immense, sans être désert ; il est monotone, sans être fatigant ; il n’a que trois éléments ; il est varié. [...]

– L’excessive chaleur du midi jette à ces trois expressions de l’infini une couleur dévorante, reprit Pauline en riant. Je conçois ici les poésies et les passions de l’Orient.
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Jacques se mit à beugler, parce que la figure de Cambremer était tortillée d’une singulière manière. La mère était roide comme une rame.
- Si tu cries, si tu bouges, si tu ne te tiens pas comme un mât sur ton escabeau, dit Pierre en l’ajustant avec son fusil, je te tue comme un chien.
Le fils devint muet comme un poisson ; la mère n’a "rin" dit.
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