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EAN : 9782246825722
384 pages
Grasset (16/03/2022)
3.88/5   8 notes
Résumé :
Marta perd son père à l’âge de 24 ans. Mais est-on encore orphelin à cet âge-là ? Toute la souffrance liée à cette disparition ressurgit en même temps que le dossier judiciaire de son père, quelques années après le décès de celui-ci. La narratrice savait qu’il avait fait de la prison dans les années 70 – pour un malentendu, croyait-elle, car il a fini par être innocenté.
Or elle découvre une vérité toute différente. Leonardo Barone a en effet d’abord été con... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Marta Barone a eu un père avec lequel elle a très peu vécu en famille, a eu des rapports très distancés par la suite, un père qu'elle semble avoir peu aimé. "Je ne savais pas grand chose de lui" dit-elle dans son livre qui a été nominé finaliste du prix Strega 2020 ( Goncourt italien). Ce livre a vu le jour, car ce père mort en 2011 a laissé derrière lui un grand secret de quinze ans, qui date d'avant la naissance de Marta, sa fille unique, date à laquelle Leonardo Barone avait déjà 42 ans. Cet homme à multiple vies, multi diplômé, médecine, psychologie et droit, fût accusé dans les années 70 et début 80 comme "un des membres " de la lutte armée marxistes-léniniste et fut condamné à une peine de prison. Marta de ce secret qu'elle eu vent alors qu'elle était encore très jeune, a reconstruit un passé librement inspiré de ses divers recherches et documents, dans la mesure où l'histoire est désormais sujette à des difformités vu le passage du temps et la subjectivité impossible à éviter ( "Tu sais qu'il y aura au moins une centaine de versions divers de ton père selon qui en parlera "). le pire c'est que plus elle approfondit ses recherches plus tout lui semble devenir confus et opaque. Et de ce passé singulier surgit dans la tête de Marta un personnage autonome qui reste totalement étranger à l'image du père qu'elle a connu. C'est pour cette raison, qu'elle nommera ce nouveau personnage, L.B. Dénoncé par un ex-ami de ses années militants, L.B. était-il un médecin humaniste innocent qui a simplement opéré un homme sans savoir qu'il était un des terroristes d'extrême gauche du mouvement armé "Prima Linia", qui fût blessé suite à un assaut où mourut " accidentellement " un garçon de dix-huit ans ? Ou cet homme, militant d'extrême gauche appelé par un ami terroriste à la rescousse savait exactement qui il opérait ? Où est la frontière entre humanité et criminalité ? Difficile d'en juger, surtout que l'histoire n'est pas objective dû à la distorsion de la mémoire.

Superbement bien écrit un livre intense où se croisent deux courants narratifs , le premier celle de l'écrivaine qui essaie de comprendre ses propres origines, retrouver sa place dans la vie à travers celle de son père,et de faire le deuil d'un homme difficile qu'elle n'a pas vraiment connu et qu'elle a mal aimé. le deuxième à travers recherches et documents , celui du climat politique et social incandescent de l'Italie des années 70 et début 80, auquel L.B. a activement participé bien que uniquement pacifiquement, essayant d'aider un prolétariat vivant et travaillant dans des conditions inhumaines . Une poursuite d'idéal, beau mais utopique, où l'hystérie du pouvoir et l'avidité matérielle de l'homme laissa très vite la place à la supercherie du siècle, et pas seulement en Italie ( Rien qu'à voir des intellectuels français qui ont soutenu le régime de Staline un des plus grands bourreaux de l'Histoire ). Ce qu'ils appelaient révolution pour l'égalité entre les hommes n'était qu'une autre forme du fascisme, encore plus oppressante Leur chef de l'époque le clown Brandirali passa d'ailleurs par la suite de l'autre côté, à droite. "Nous étions ignorants et c'était notre propre choix de le rester. La vérité n'avait pas grande importance. On avait besoin de mythologie , une lumière idéale à suivre" en disaient les ex-militants de "Solo per Popolo"pour se justifier. Mais le pire pour Marta Barone sera de ne pas comprendre le choix irrationnel de son père. Comment un homme aussi intelligent, un médecin à l'avenir brillant qui vénérait les études pût tout abandonner pour suivre un mouvement qui se révélera très vite oppressif, violent et destructeur ? Et malheureusement il n'est plus là pour y répondre.
Un livre très intéressant que j'espère attirera si non déjà fait, l'attention d'un éditeur français, car il vaut vraiment la peine d'être traduit et lu.

"Leonardo a eu la Vie qu'il voulait. Finalement il a toujours été là où il voulait être.
Il a continué à pratiquer la démocratie quand cela n'importait plus à personne, plus rien n'importait à plus personne ...Il a eu une vie brève, inachevée. Mais une vie que les anglais appellerait " a decent life ".





*"E sai anche che ci saranno almeno cento versioni diverse di tuo padre a seconda di chi parlerà.”
**“Sai… Leonardo ha avuto la vita che voleva. È sempre stato dove voleva, in fin dei conti. Ha continuato a praticare la democrazia quando della democrazia non fregava più niente a nessuno, quando non fregava più niente di niente a nessuno. La sua è stata una vita breve, da certi punti di vista, incompiuta. Ma è stata quella che in inglese chiamerebbero a decent life. Non mi viene in mente una traduzione che renda esattamente l'idea. Mi sembra che sia questo quello che conta.”
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Marta Barone, l'auteure, a 24 ans lorsque son père Leonardo, la soixantaine, meurt d'un cancer en 2011. du passé de celui-ci avant sa naissance, Marta ne sait pas grand-chose, hormis qu'il a fait de la prison à la fin des années 70 mais qu'il a fini par être innocenté, en telle sorte que la jeune femme n'y avait jamais accordé beaucoup d'importance ni d'attention. Mais au décès de Leonardo, elle trouve par hasard une copie du pourvoi en cassation rédigé par l'avocat de son père en 1982, qui a permis de l'innocenter. C'est à cette occasion que Marta apprend que son père avait été condamné pour participation à une organisation terroriste, en l'occurrence Prima Linea, groupe armé d'extrême-gauche, actif en même temps que les Brigades Rouges, pendant les années de plomb en Italie.

Mais qu'entend-on par « participation », dans le contexte socio-politique de violence et de radicalisation de ces années-là ? C'est la première question d'une longue série pour Marta, qui décide de mener l'enquête, interrogeant proches et témoins, fouillant les archives des journaux, scrutant d'anciennes photos, dans l'espoir de trouver des informations qui lui permettraient de comprendre cet homme insaisissable et de reconstituer tout un pan de sa personnalité, dont elle ignorait tout.

Au fil de ses recherches, elle découvre que son père, dans cette « vie d'avant », était engagé politiquement côté extrême gauche, mais qu'il avait toujours refusé de participer à la lutte armée. L'homme était un idéaliste, pétri d'humanité, imprégné de l'utopie de l'égalité entre les hommes, qui s'est toujours tenu aux côtés (ou parmi) des ouvriers des grandes usines, exploités dans des conditions de travail et de vie épouvantables. Profondément déçu ensuite par les dérives du communisme, éprouvé par son emprisonnement, il n'avait jamais parlé de toute cela avec sa fille, d'autant plus que leurs relations, rarement complices et souvent distantes, ont toujours été compliquées.

A travers le portrait de son père, Marta Barone retrace aussi cette période sanglante de l'histoire italienne récente (d'une violence inouïe dont je n'avais pas idée). C'est aussi sa propre histoire qu'elle (ré)appréhende, elle qui pensait jusque là qu'elle s'était construite en dehors de celle de son père. Mais ces racines qu'elle explore, aussi irrémédiablement perdues et subjectivement reconstituées soient-elles, sont autant celles du père que celles de la fille.

Sur les thèmes de la mémoire, la perte, la transmission, la quête des origines et l'engagement, Marta Barone raconte avec beaucoup de talent, de pudeur et de sensibilité l'histoire d'un homme ancrée dans celle d'un pays, à l'époque de la splendeur rêvée puis de la décadence bien réelle du communisme. Un livre très intéressant et très émouvant.

En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.
#Citéengloutie #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Des années de plomb en Italie, les Français ont le vague souvenir de l'assassinat d'Aldo Moro et de l'attentat de la gare de Bologne. Elles furent encore plus sanglantes qu'on l'imagine.
Le père de l'autrice a fréquenté les activistes de Prima Linea, une branche armée d'extrême gauche qui tentait d'exister dans l'ombre des Brigades Rouges. Mais au fond, que signifie « fréquenter » ? C'est l'enjeu de l'enquête menée par Marta Barone : comment son père a pu participer à cette folie ? de quoi s'est-il rendu coupable à une époque où tout était radicalisé, promis au crime ? Était-il au mauvais endroit au mauvais moment ?
Étudier le passé de son père l'amène à comprendre ce que représentait le parti communiste pour ces ouvriers qui vivaient dans l'espoir d'un jour meilleur. La désillusion fut grande (« Nous pensions que le parti était un moyen, alors que c'était une machine stupide qui nous broyait à notre insu »), le parti allant jusqu'à influencer le domaine sacré de l'intime (p198).
Le communisme offrait une autre Église, une alternative prolétarienne à la sphère des Bourgeois. « On éprouvait le besoin d'adhérer à quelque chose qui vaille la peine d'être défendu. Les jeunes fascistes, les jeunes communistes… (…) Leur dégoût des valeurs institutionnelles et des règles se ressemblaient » - p149 et p150 « Nous avions besoin d'une mythologie ».
C'est un des enseignements de ce livre : nous avons abandonné la foi et les idées au profit de la carte bleue. Ce que nous avons gagné en paix, nous l'avons perdu en convictions.
Même s'il a quelques longueurs (l'errance, les culs-de-sac), ce livre est un formidable document sur une époque violente et passionnée. le dernier chapitre, au pied du volcan, m'a beaucoup émue.
Bilan : 🌹🌹
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Le jour où son père décède d'un cancer, Marta se rend compte, suite à diverses révélations qui vont suivre, qu'elle ne connaît finalement que peu celui-ci. C'est parce qu'elle veut connaître le véritable Leonardo Barone, l'homme aux engagements politiques qui a été arrêté et emprisonné à la fin des années 1970 parce qu'ayant soigné un membre blessé par balle de la Prima Linea, groupe terroriste actif pendant les Années de Plomb, en même temps que les Brigades Rouges, qu'elle débute ce récit. En effet, la jeune femme ne connaît pas, au moment du décès de son père, les raisons de cette arrestation et de cet emprisonnement.

Petit à petit, au fil de ses recherches, de ses rencontres avec l'entourage de Leonardo, elle retrace l'histoire d'un homme qui lui était finalement étranger, d'un homme profondément humain, particulièrement changé par la prison, qui tenait surtout à rendre le monde plus juste en rejoignant dans sa jeunesse un parti d'extrême gauche, parti qui dérivera vers la lutte armée avec la Prima Linea, ce qu'il refusera. Ainsi, la cité engloutie, c'est notamment celle de ce passé paternel, qui va profondément changer, aussi, la jeune femme, obsédée par cette quête identitaire qu'elle va faire progressivement sienne.

Mais plus encore qu'un récit qui raconte le père, c'est également un récit qui raconte l'Italie des Années de Plomb, ce qui a précédé, ce qui a permis de les faire advenir, ce qui a mené à la chute de partis qui souhaitaient avant tout donner une existence plus digne au prolétariat. C'est de fait un récit passionnant, vraiment émouvant.

Je remercie les éditions Grasset et NetGalley de m'avoir permis de découvrir ce récit, qui mêle ingénieusement histoire de soi et Histoire de l'Italie, pour raconter avec beaucoup de lucidité et de réflexion une de ses périodes troubles.
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Marta Barone retrace l'histoire de son père et de l'Italie des années de "plomb".
Elle aborde son récit par le procès de ce père qui aboutira à un emprisonnement suivi finalement par la reconnaissance de son innocence.
A partir de cette période sombre et floue dans l'histoire de son pays, elle décide d'enquêter.
Père militant de gauche, voir d'extrême gauche, il est pour la non-violence.
Nous reste pourtant en mémoire les assassins, les nombreux morts au nom d'une cause sociale légitime qui bascule dans une violence inouïe.
A travers son histoire personnelle et familiale dans ce pays de révolution, M.B. découvre d'autres facettes, d'autres visions, d'autres esprits qui semblent effacés de la mémoire collective.
L'engagement et la position de son père est avant tout d'être proche d'un prolétariat qui souffre dans les usines et l' "usine" Fiat en l'occurrence , très demandeuse de main d'oeuvre.
Travailleurs exploités, soumis à une cadence infernale dans les chaînes de production et qui vivent dans une précarité insupportable.
Marta Barone à partir du procès de son père veut essentiellement parler de l'engagement des résistants face à un monde économique qui broie les salariés. On connait la chanson.
Elle consulte les archives, les dires des proches de cette époque et choisi l'autofiction, sa meilleure façon de témoigner.
Le père de l'auteure est devenu une sorte de personnage fantôme.
Après des contacts de filiation assez âpres, des rapports distanciés entre père et fille, des non-dits incontournables, c'est avec tendresse qu'elle découvre un jeune homme investi, solitaire, militant animé par l'espoir d'une révolution sociale sans basculer dans la violence.
Il faut s'installer dans cette narration, cette non-fiction pour replonger dans ce temps de l'Histoire italienne des années 70 et début des années 80.
D'autres pays européens ont connu ce bouleversement sanglant et réprimé.
Ce livre est avant tout un devoir de mémoire, celui d'une transmission et d'une recherche de vérité, une recherche des origines.


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critiques presse (1)
LaCroix
17 avril 2022
« On », ce sont les militants animés par l’espoir d’une révolution sociale qui, pour leur part, ont refusé de basculer dans la violence armée. Telle est la « cité engloutie » dont Marta Barone cherche les traces dans ce récit autobiographique à l’écriture très travaillée.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Nelle vacanze agostane, il periodo consecutivo più lungo che passavo con lui, andavamo per tre o quattro settimane nella casa delle vacanze di Dora, in Calabria, e non c’era quasi mai tregua. Tre settimane, quando hai nove anni, sono infinite. La disperazione che provavo era infinita. E fu allora che scoprii che il dolore dei bambini non interessa quasi a nessuno: la maggior parte della gente lo considera irrilevante, un accidente trascurabile, o proprio non lo vede. E più soffrivo, più lui si infuriava. Non era giusto che io fossi triste quando ero insieme a lui.
Pendant les vacances d'août, la période consécutive la plus longue que je passais avec lui, on allait passer trois quatre semaines dans la maison de Dora en Calabre, et il n'y avait presque jamais de trêve. Trois semaines quand tu es enfant sont interminables . Le désespoir que j'éprouvais était sans limite. Et c'est là que je découvris que la douleur des enfants n'intéressait personne: la majorité des adultes la considère comme sans importance, un incident trascurable, ou simplement ils ne s'en aperçoivent même pas. Et plus je souffrais, plus il s'énervait. Ce n'était pas juste que je souffris quand j'étais avec lui.
( Les parents sont séparés, elle passe les vacances avec son père).
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Valérie* disse all’improvviso, come riprendendo il discorso: “In un certo senso tutta la nostra esistenza è una traduzione tra quello che cerchiamo di dire e quello che poi riusciamo a dire davvero.”
Valérie dit à l'improviste, comme pour reprendre le propos:" Dans un certain sens, toute notre existence est une traduction entre ce que nous cherchons à dire et ce que nous en réussissons finalement à exprimer."

*Valérie Zenatti. L'écrivaine franco-israélienne.
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“Sono tre i grandi peccati dell’umanità: la mistificazione, l’invidia e la rimozione di quello di cui ci si vergogna.”
Les grands péchés de l'humanité sont au nombre de trois : la mystification , la jalousie et la suppression de ce dont on a honte.
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Valérie déclara soudain, comme si elle reprenait le fil de notre conversation: "D'une certaine façon, toute notre existence est une traduction entre ce que nous essayons de dire et ce que nous parvenons à dire vraiment."
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Vidéo de Marta Barone
Marta perd son père à l'âge de 24 ans. Mais est-on encore orphelin à cet âge-là ? Toute la souffrance liée à cette disparition ressurgit en même temps que le dossier judiciaire de son père, quelques années après le décès de celui-ci. La narratrice savait qu'il avait fait de la prison dans les années 70 – pour un malentendu, croyait-elle, car il a fini par être innocenté. Or elle découvre une vérité toute différente. Leonardo Barone a en effet d'abord été condamné pour participation à une organisation terroriste. Pourquoi ne lui a-t-il rien dit ? A-t-il participé à la lutte armée auprès d'un groupe d'extrême gauche lors des années de plomb ? À partir de cette révélation initiale, Marta n'a d'autre choix que d'enquêter pour tenter de comprendre ce qui s'est joué à ce moment-là, à Turin et dans toute l'Italie, afin de connaître ce père qui semble s'être toujours dérobé. C'est finalement le portrait d'un homme qui se dessine, sans concession, et à travers lui, celui d'une période trouble de l'histoire italienne. Qui étaient ces militants communistes ? En quoi croyaient-ils ? Comment ont-ils vécu ? Que reste-t-il de leur combat, une génération plus tard ? Pour répondre à ces questions, Marta Barone compose un texte intelligent et subtil, empreint d'une grande humanité, qui raconte aussi la rencontre d'une fille avec son père. Un récit incandescent sur l'engagement et la transmission.
Traduit de l'italien par Nathalie Bauer En savoir plus : https://bit.ly/3O1cxAF
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