Le Viol

Partant de notre quotidien, Daniel Bastié transporte le lecteur dans la vie qu'il arpente chaque jour pour se rendre au travail et y met en scène des personnages ordinaires (amis, voisins, inconnus, collègues). Au détour d'un immeuble naît le fantastique ou l'horreur, que ce soit une boutique de gadgets érotiques, un bureau du Ministère des Finances, une arrière-salle d'une maison classée ou un restaurant. Dès lors, la banalité chavire et les certitudes bourgeoises s'étiolent. Tout demeure stupeur ou danger et l'homme se laisse envahir par ses pulsions (lorsqu'il ne s'agit pas de pure libido !). Voilà quatre histoires qui approchent l'âme humaine dans ce qu'elle a de plus vil. Ici pas de bain de sang. Quatre récits nauséeux pour nous interroger et nous plonger dans le malaise avec une écriture qui consiste à faire briller le pâle. L'occasion de regarder dans le miroir et de pratiquer une introspection. Et si j'étais un des personnages, de quelle façon règlerais-je mes problèmes ?

Le viol est le titre de la nouvelle qui ouvre ce recueil. Une abominable histoire de harcèlement sexuel, où la victime n'est pas celle qu'on croit. S'ensuivent des nouvelles hideuses qui parlent de l'enfer mythique et d'une sordide rencontre avec Satan dans les sous-sols de Bruxelles. Une entrevue qui n'aurait jamais dû avoir lieu et qui, en fin de compte, peut être assimilée à une parabole sur la vie et une réflexion sur la mort. Il y a encore cet étrange récit raconté par Michel, un restaurateur, qui confie avoir cuisiné de la viande humaine, et l'histoire d'un homme dépassé par ses pulsions et victime de ses propres enchères. L'écriture est ici très classique, avec un style métaphorique qui convient parfaitement aux différents sujets. Heureusement, quelques traits d'humour viennent alléger le poids de récits pas spécialement écrits pour les lecteurs trop jeunes. On pense ici à Jean Ray et à Thomas Owen.