Oeuvre singulière que
Mes animaux sauvages, journal intime de l'auteur, de son arrivée à San Francisco à 20 ans, à la fin des années 70, à 1996. Et quand je dis "intime", je pourrai dire "sexuel" surtout, car ce sont ses (nombreuses) aventures charnelles que Bentley couche sur le papier, sa quête d'intimité. Comme dans d'autres récits déjà lus de ce type, sur ces lieux et cette époque, on retrouve une insouciance, une sorte d'âge d'or symbolique (un peu fantasmé) d'une liberté sexuelle pré-Sida. Ce qui ressort, c'est surtout que l'auteur n'est jamais dans un questionnement moral sur sa sexualité ; pas de jugement, pas de "mais pourquoi je vis comme ça?", pas même de revendication de son droit à vivre sa sexualité comme il l'entend. Il la décrit sans entrave. Rafraîchissant !
Pourtant, ça risque à un moment d'atteindre la saturation. L'auteur n'ayant pas vraiment un style littéraire exceptionnel (c'est bien écrit, mais on ne le lit pas pour la richesse de la langue), aux alentours du tiers du bouquin, je me suis vraiment demandé si ça valait la peine de continuer, si 100 pages n'étaient pas suffisantes. Heureusement, j'ai poursuivi un peu.
Arrivé à la moitié, sans perdre l'ardeur de son contenu et toujours sans verser dans la morale, Bentley prenant de l'âge, la séduction est plus compliquée, le besoin de compagnon plus présent. Arrivent les années Sida. La maladie est là sans être là. Il ne la décrit pas, ne la raconte pas dans ces détails cliniques, dans la peur qu'elle pourrait insinuer dans les corps, mais elle devient une présence invisible, qui ressurgit dans les longues périodes de journal sans entrées, dans une phrase lapidaire annonçant un décès... Ça vous prend par surprise comme une gifle. C'est subtil et extrêmement poignant.
Au final, un livre fort, qui m'a plu. Je regrette sa tardive parution en français (aux USA, en 2002, ici en 2021!) A la sortie des années 90, son propos devait résonner encore plus fort.
A lire, pour ceux et celles qui ne craignent pas de lire beaucoup de scènes de cul, très crues, et qui sont prêt.e.s à laisser sa chance à l'intégralité du bouquin.