Après m'être régalée avec 2 de ses romans ("
les feux de l'armure" et "
Nadejda") j'étais curieuse de voir ce que donnait
Olivier Boile dans le registre de la nouvelle. Même si je lis plus de romans que de nouvelles, le format court est un registre que j'affectionne. Je regrette d'ailleurs qu'il soit traité, en France, avec un mépris poli. L'art de la nouvelle est loin d'être aisé. Parvenir à donner vie à des personnages, à matérialiser un contexte et à construire une histoire en peu de pages ne me semble pas chose facile.
Avec ce recueil, j'ai retrouvé avec grand plaisir le style si séduisant d'
Olivier Boile. Toutes les nouvelles ici réunies, en plus d'être originales, bénéficient de son écriture à la fois fluide et élégante.
Bien sûr, comme c'est le cas avec tous les recueils de nouvelles, tous les textes ne m'ont pas séduite. Je précise que même les histoires qui ne m'ont pas plu ont d'indéniables qualités.
Je vais commencer par évoquer ces nouvelles que je n'ai pas su, pour des raisons subjectives, apprécier vraiment.
Si "D'Ur, de Memphis et de Sodome" est très original et très bien écrit, je n'ai pas réussi à me passionner pour cette histoire tout simplement parce que les rois mages ne sont pas des personnages qui m'intéressent à la base. C'est un peu le même problème avec "4 cavaliers".
Pour "la nuit tombe sur Sherwood", c'est différent. J'aime beaucoup le personnage de Robin des bois mais je n'ai pas adhéré à cette vision différente du héros légendaire même si je trouve l'intention très intéressante. Pour moi Robin des bois sera toujours un renard fantasque ou un
Errol Flynn bondissant. le fait que je n'ai pas accroché à cette nouvelle vient donc d'un sentiment très personnel et je suis convaincue que nombre de lecteurs apprécieraient cette relecture du personnage.
Si j'ai trouvé le propos du "blues de Zwarte Piet" intéressant, je ne suis pas parvenue à m'immerger dans cette histoire. Je préfère l'auteur dans le registre de l'imaginaire, je trouve qu'il maîtrise moins un registre plus "quotidien".
Pour "mon doux chevalier" c'est la forme qui m'a un peu gênée. le récit épistolaire est un registre que je n'aime pas. Je trouve que cette forme instaure une distance avec le lecteur qui m'empêche de rentrer dans le récit. Dans "mon doux chevalier" j'ai aimé les passages "narratifs" (et le dénouement, vraiment très bon et inattendu) mais chaque lettre me faisait sortir de l'histoire. Donc là encore un ressenti très personnel.
"Calafia's island" m'a déçue par la force de ses promesses. L'idée de départ est géniale, l'écriture vraiment très belle, notamment les passages érotiques ce qui est un registre, à mon avis, très casse-gueule, il faut parvenir à trouver un équilibre, ne pas tomber dans la vulgarité tout en évitant la mièvrerie, ce que l'auteur réussit très bien. J'aurais vraiment aimé adorer cette nouvelle mais elle est bien trop courte. Alors que ce personnage de reine légendaire, sensuelle amazone, était sublime, le récit est allé trop vite pour qu'elle ait eu le temps de vraiment prendre corps dans mon esprit de lectrice.
J'en viens maintenant aux nouvelles que j'ai beaucoup aimé et elles sont nombreuses. J'ai retrouvé l'humour, le sens de la formule de Boile dans beaucoup de récits. C'est le cas dans "service après-vente au Golgotha" qui est très original. Et le côté SF est bien amené, c'est une incursion très réussie.
Beaucoup d'humour également dans "Geneviève versus Attila" qui me donne envie de lire "
Medieval superheroes". Même si je ne suis pas adepte des comics de super-héros je me suis beaucoup amusée en lisant cette nouvelle.
Dans "chasse à l'homme" j'ai retrouvé avec bonheur le ton des "feux de l'armure". Cette fantasy vue du point de vue des trolls est décalée, inventive et très amusante.
"Le guide du routard infernal" fait également preuve d'un humour réjouissant tout en offrant une peinture saisissante de l'enfer.
Si
Olivier Boile maîtrise parfaitement le registre humoristique, il offre également des récits d'une grande poésie. "Mas'Ud, le fortuné" est un très beau conte oriental qui joue une belle musique et qui fait voyager. Un délice.
"Rends moi mes légions" est un très beau texte, très évocateur, qui dégage une poésie noire. Plein d'images me sont venues en tête à la lecture de ce récit.
Poésie encore avec "boire l'éternel oubli", très jolie variation sur le thème des Danaïdes, sujet, il me semble, assez peu visité.
Poésie toujours avec une autre mythologie, beaucoup plus méconnue. "Le cueilleur de morts" s'inspire de la mythologie inuit. C'est un récit poétique et émouvant qui, l'air de rien, a une portée assez universelle.
L'auteur est décidément à l'aise dans de nombreux registres. Avec "Ben et le Bunyip" il réussit une très sympathique nouvelle horrifique un peu décalée. En plus, ce texte met en scène une créature qu'on a peu l'occasion de rencontrer en littérature. Avant cette nouvelle, je n'avais rencontré le Bunyip que dans un album jeunesse datant des années 70.
"Si tous les rois de la terre" est une variation très réussie de la thématique des vampires. L'auteur parvient à renouveler ce sujet, ce qui est déjà en soi un exploit. J'ai trouvé dans ce récit tout ce que j'attends d'une nouvelle, un auteur capable de créer un univers en quelques pages. Quelle bonne idée que de faire des Maréchaux de Napoléon des vampires se délectant du sang des hommes tombés sur le champ de bataille ! En quelques pages, l'auteur donne vie aux personnages, même les secondaires. D'après les notes explicatives de l'auteur, ce récit n'a pas enthousiasmé les lecteurs de l'anthologie dans laquelle il avait été publié. Les lecteurs reprochaient à l'auteur d'étaler ses connaissances historiques. J'ai trouvé au contraire qu'il n'y avait aucune prétention. le côté historique assez prononcé ,'est pas au détriment des personnages, cet aspect vient poser le contexte de façon à rendre le récit très crédible. J'ai vraiment beaucoup aimé. Ce thème pourrait aisément faire l'objet d'un roman.
"Ne réveillez pas le cancre qui dort" permet à
Olivier Boile de se venger littérairement des profs qui lui ont laissé un mauvais souvenirs. Lire ce jeu de massacre a quelque chose de réjouissant. On a tous en mémoire un prof détesté qui nous a traumatisé. On peut même remplacer le nom du prof de la nouvelle par le nom de son propre prof haï, c'est encore plus amusant.
Après avoir évoqué ces nouvelles que j'ai beaucoup aimé, j'en arrive maintenant à mes 3 préférées, les pépites de ce recueil.
Tout d'abord "
l'esprit de l'Hellespont" qui s'inspire d'un épisode des guerres Médiques. Ce récit est superbe et propose des scènes magnifiques et d'une grande puissance évocatrice. Imaginer cet empereur perse fouetter la mer est le genre de scène qui enflamme mon imaginaire. Et voir un homme puissant redevenir tout petit face à la nature est un thème que je trouve inépuisable et toujours intéressant.
"Dame Autunnale et le pouvoir des fleurs" est mon 2ème coup de coeur de ce recueil. C'est un très beau conte qui dégage une poésie macabre, une tonalité quasi-gothique. Je verrais bien ce récit faire l'objet d'un bel album illustré (par
Benjamin Lacombe par exemple).
"Tout de suite après la pub, l'apocalypse" peut sembler de prime abord anecdotique. Pourtant, c'est le récit qui m'a le plus émue. L'idée de cette station de radio qui devient la dernière bouée avant le néant m'a profondément touchée. J'ai trouvé ça poignant, ces gens qui téléphonent à la radio pour clamer sur les ondes une dernière fois "j'ai existé". Je me suis intensément attachée à l'animateur et à la standardiste de la radio qui continuent jusqu'à la fin, jusqu'à la limite. Pour une dernière note avant la fin. La musique jusqu'au silence définitif.
Cette critique est, je m'en rends compte, très brouillon, très fouillis et j'en suis désolée. J'espère malgré tout avoir réussi à transmettre mon ressenti sur ces jolies nouvelles.
Tout lecteur amateur d'imaginaire trouvera dans ce recueil au moins un texte qui lui plaira. C'est très varié, dans les sujets, les époques, les registres. La seule constante c'est la belle écriture d'
Olivier Boile.
Challenge Multi-défis 2017 - 36 (7 - un recueil de nouvelles)