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EAN : 9782709671866
250 pages
J.-C. Lattès (12/04/2023)
4.11/5   9 notes
Résumé :
« I’m sorry. I’m Russian. » À la chute de l’URSS, c’est ainsi que les Russes exprimaient avec ironie le sentiment d’appartenir à un peuple de perdants.
Vladimir Poutine a décidé de pallier cette humiliation et restaurer la « grandeur russe ». Il a rédigé un roman national fait de succès et de triomphes, nourri par un désir de revanche. Tant et si bien que la guerre déclenchée contre l’Ukraine le 24 février 2022 a été accueillie avec enthousiasme par une... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Un livre enquête, un livre témoignage, un livre coup de poing, un livre coup de coeur que nous livrent Veronika Dorman et Ksenia Bolchakova.

Ces deux journalistes franco-russes nées chez les Soviets peu avant la chute du mur de Berlin, émigrées en France, formées à l'école de la République, restent partagées, presque "écartelées" entre leur francité et leur russité.

Diplômées, elles ont ressenti "l'appel de la terre... de la "matrie" et ont rejoint Moscou dans les années 2005/2010, travaillant quelques années comme correspondantes de presse pour des médias français, retrouvant leurs racines, portant un regard bienveillant mais jamais complaisant sur le pays de Poutine.

Le divorce, et lorsqu'on a beaucoup aimé "l'autre", la déception, la "trahison", pour reprendre un mot beaucoup repris ces jours-ci, la rupture qui s'ensuit est toujours un profond déchirement.
Ce divorce est intervenu lors de la réélection "bidonnée" de Poutine en 2012, après que, pour une fois, les Russes, ceux des grands centres urbains, ceux de la classe moyenne, les Russes "éduqués" aient dit non dans la rue au "roque" de Poutine-Medvedev et que s'en soit suivi une répression policière violente, une mise au pas de la justice pour museler l'opposition, une énième modification de la constitution, une "autocratisation" du régime, dont la verticalité a fait de son président un ersatz de tsar endoctrinant comme jamais son peuple et sa jeunesse, militarisant une société pour la conduire à plébisciter l'annexion de la Crimée, à la préparer à envisager celle du Donbass et à ce triste 24 février 2022, date et évènement qui ont changé le cours de l'Histoire contemporaine.

"Nous nous sommes réveillées le 24 février 2022 avec la nausée.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, les chars russes ont déferlé sur l'Ukraine, un pays libre et souverain, tandis que des bombes tombaient du ciel.
L'impensable était en train d'advenir, la guerre qui ne devait pas avoir lieu éclatait au coeur du continent européen. Et l'agresseur était la Russie. Notre Russie...
Le 24 février, notre langue maternelle est devenue celle de la guerre, du mensonge et de la réécriture de l'histoire. Car en cette nuit funeste, la Russie a muté. Celle que nous pensions connaître a disparu, celle à venir est inimaginable."

Retournées en France, le coeur hémiplégique, Veronika Dorman et Ksenia Bolchakova ont néanmoins décidé après l'invasion russe de retourner, sans accréditations, dans "leur" pays, pour tenter de mieux le comprendre.
Elles y ont fait une enquête de terrain qui leur a permis de mettre à jour tous les rouages de la mécanique d'embrigadement, d'asservissement, de "zombification" d'un peuple à un régime clanique dominé par un dictateur sanguinaire.

Grâce à des chapitres explicites, les deux auteures nous montrent ce qu'est la réécriture de l'Histoire par le régime, réécriture passant par celle des manuels scolaires, entraînant le patriotisme à l'école dès le plus jeune âge, patriotisme "enseigné" par des enseignants à la solde du pouvoir, par des organisations comme la "Younarmia"...embrigadement et militarisation de la jeunesse, par des "grandes messes" célébrant la Grande Guerre Patriotique que le régime n'hésite pas à assimiler à la dénazification de l'Ukraine - pour commencer -, juxtaposant les héros de la Seconde Guerre mondiale à ceux de " l'opération spéciale"...
Dans ce pays où la violence est consubstantielle à l'histoire et au système russes, Veronika Dorman et Ksenia Bolchakova nous la font toucher du doigt à travers une fillette de dix ans dénoncée aux autorités par sa directrice d'école pour ne pas avoir assisté aux "discussions sur les choses importantes" ( pseudo instruction civique pour éviter de dire propagande ), mais surtout pour avoir osé prendre parti pour l'Ukraine via un de ses dessins... fillette qui va être embarquée avec sa maman dans les locaux du FSB, lequel va les soumettre à un interrogatoire avant de perquisitionner l'appartement familial et placer ses membres sous haute surveillance.
À travers une professeure de mathématiques refusant de se soumettre à la mascarade de ces "discussions sur les choses importantes", admonestée par sa proviseure, boycottée par ses collègues, blâmée par sa direction avant d'être licenciée.
À travers la mère éplorée d'un jeune conscrit de dix-huit ans, retrouvé mystérieusement pendu après avoir subi les sévices de deux gradés dans le cadre de la "dedovchtchina = la loi des aînés = le bizutage...
À travers la justice, qui n'est plus qu'une parodie... la télévision... qui est pour la psychologue Natalia Markovitch l'instrument qui a généré ce qu'elle appelle "la psychose de masse induite" dont souffre selon elle le peuple russe.

Ce ne sont là que quelques exemples pris au hasard de ma mémoire ; il y en a d'autres.

Ce livre est terriblement touchant, dérangeant, interpellant, édifiant.

Il faut savoir, pour ceux qui l'ignorent, qu'un documentaire est couplé avec ce livre.
Après l'avoir fini, je me suis précipité pour le visionner en streaming sur la 5 et YouTube. Il dure environ une heure trente... il est recommandé de ne pas lire l'un sans voir l'autre et vice-versa.

Une immersion dans l'étouffoir orwellien de la "poutinie"...

En conclusion, ces mots du père de Ksenia Bolchakova, journaliste et poète, mots qui introduisent et clôturent l'oeuvre.

"C'est étrange
Que ce pays et c'est bien là le problème
Soit mon pays"
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Pas celle des villes dont le pouvoir fait sa vitrine, comme l'olympique Sotchi ou l'extrême-orientale Vladivostok, mais celle des quartiers dortoirs de Tver et de Perm, des régions isolées, des villes-usines à moitié à l'abandon et des villages fantômes, des territoires de survie qui ne sont toujours pas reliés au réseau de gaz, sans eau courante ni toilettes modernes. Où, souvent, misère matérielle et obsession patriotique vont de pair, où le complexe d'infériorité et de nullité mute en chauvinisme et rend vulnérable à toutes les manipulations politiques et mentales. Reste que la violence est partout dans la société russe, bâtie sur des rapports de domination et de soumission, dans toutes les sphères de la vie, au sein des familles et des écoles, entre l'homme et la femme, l'élève et l'enseignant, le patron et le subordonné, dans les hôpitaux, les casernes, les prisons… Entre l'Etat et le peuple. Ni Poutine ni son système ne sont aux origines de cette violence et de ces rapports de force. Ils en sont le produit. Mais ils ont su en réclamer le monopole absolu tout en le nourrissant grassement.
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En 2016, une étape supplémentaire est franchie dans la militarisation de l'enfance. Sous l'égide du ministère de la Défense, le "Mouvement social militaro-patriotique panrusse Younarmia" voit le jour. Younarmia, littéralement "l'armée des jeunes", ressemble à première vue à une organisation de scouts à thème militaire, offrant des activités variées : sports extrêmes, camping, séjours dans toute la Russie. En sept ans d'existence, elle est devenue bien plus que cela : une armée de gamins fanatisés, physiquement surentraînés, revendiquant 1'240'000 membres. Le socle de l'endoctrinement d'une nation.
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Nous avions regardé, à l'époque, parcourues par un frisson d'angoisse, des reportages sur ces "leçons" diffusées dans toutes les écoles. Les séquences n'étaient pas sans nous rappeler les deux minutes de haine de la dystopie 1984 de George Orwell. Les gens devaient se rassembler tous les jours dans une grande salle, regarder une vidéo de "l'ennemi de la patrie" et exprimer violemment les "bonnes" émotions au bon moment. Ceux qui n'y parvenaient pas, considérés eux-mêmes comme des ennemis de la société, étaient pris en charge par des services spéciaux.
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Mais un dictateur qui reste au pouvoir durant plus de vingt ans finit presque toujours par perdre le rapport à la réalité.
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Invitées : Ksenia Bolchakova et Veronika Dorman, journalistes • Comment le Kremlin a endoctriné la population russe • Les Russes sous Poutine : le documentaire choc • Voyage au coeur de la Russie de Poutine
“Un peuple qui marche au pas”, un documentaire accompagné d'un livre du même titre et qui est signé Ksenia Bolchakova et Veronika Dorman, journalistes franco-russes.
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