Après - le livre noir de
Vladimir Poutine -, essai politique choral sous la direction de
Galia Ackerman et
Stéphane Courtois ( présenté ici ), - Les hommes de Poutine -, essai politique " référence " de
Catherine Belton ( en attente de présentation... pas suffisamment d'énergie pour m'y atteler... ), - Au coeur de la guerre -, livre témoignage d'Étienne de Poncins ( présenté ici ), -
Un autre monde - L'ère des dictateurs -, essai politique d'
Alain Frachon ( présenté ici ), -
Dans l'oeil du FSB -, témoignage autobiographique de
Jean-Michel Cosnuau ( présenté ici ) et - le Mage du Kremlin - le roman " pour moi " toujours très sujet à controverse de Giuliano da Empoli ( présenté ici )... à son sujet, je profite de ce petit billet pour vous recommander - Sans ciel -, la nouvelle parabolique et " visionnaire " écrite par Vladislav Sourkov...alias Natan Dubovitsky ( nom de plume de Sourkov, " le cardinal gris de Poutine " ), que vous pouvez trouver en " googlant ". C'est éclairant, édifiant... et c'est préfacé et commenté par Giuliano da Empoli lui-même... Après toutes ces lectures, j'ai terminé hier soir celle de
Raphaël Glucksmann.
Un essai politique coup de poing. Un livre intelligent, brillant, punchy, lucide, honnête, sincère, dérangeant, sourcé, clair, touchant.
Un livre et un verbe qui font mouche.
Un livre nécessaire en ces temps où le brouillard de la guerre se mêle à la confusion de nos idées tout à la fois figées et versatiles ; l'hyper labilité du monde politique ajoutée aux contradictions des infos en continu émanant des médias, des réseaux sociaux soumis aux influences les plus diverses, n'y est pas pour rien, loin s'en faut !
" Poutine fera la guerre. Je ne sais pas quand, mais il la fera. Et les Européens seront alors surpris de découvrir que cette guerre les vise aussi."
Ces mots sont ceux d'
Anna Politkovskaïa, " l'immense journaliste russe " assassinée dans le hall de son immeuble le 7 octobre 2006, jour de l'anniversaire de Poutine... " comme un cadeau fait au Tsar par ses sbires "..., mots adressés à
Raphaël Glucksmann, ami proche et admirateur de cette femme exceptionnelle " morte seule. Comme elle avait crié, seule, dans un océan de surdité et d'aveuglement pendant des années."
Et ce qui taraude RG, c'est : " Pourquoi nos gouvernants n'ont-ils pas voulu croire Anna ? Pourquoi n'ont-ils pas voulu voir ce que l'anéantissement de la Tchétchénie, le démembrement de la Géorgie ou la première invasion de l'Ukraine en 2014 annonçaient ? "
C'est à cette question que son livre tente de répondre.
" L'histoire que je veux raconter part de là : de cette incroyable cécité.
C'est l'histoire d'un continent qui s'est couché devant un tyran pour avoir la paix et se retrouve plongé dans la guerre.
C'est l'histoire de démocraties qui ont vendu à leurs ennemis la corde pour les pendre ( référence à
Lénine ).
C'est l'histoire d'élites européennes qui ont failli à leur mission par cupidité ou par naïveté, par culte du profit ou par religion du confort.
C'est l'histoire de nations qui ont laissé se diffuser en elles le poison de la corruption et du renoncement.
C'est une histoire avec laquelle il nous faut rompre sans délai."
À travers un essai décliné en III actes : la Cité corrompue, la Guerre contre nos démocraties, la Résistance, le fils du philosophe
André Glucksmann ( lui aussi comme
Anna Politkovskaïa ne s'est pas fait entendre de ses contemporains sur " la menace Poutine " ), ex-époux d'Eka Zgouladze, vice- ministre de l'Intérieur de Géorgie de 2005 à 2012, puis vice-ministre de l'Intérieur de l'Ukraine de 2014 à 2016, conseiller de
Mikheil Saakachvili, président de la Géorgie de 2009 à 2012, aujourd'hui député européen, président de la commission spéciale sur l'ingérence étrangère dans l'ensemble des processus démocratiques de l'Union Européenne ( pour bien situer RG au niveau national et international ), à travers III actes, l'essayiste détisse les fils de la toile que Poutine a tendu à un Occident " trop installé dans ses meubles et amoureux du confort que procure le renoncement à être."
J'ai déjà eu l'occasion de dire tout le mal que je pense de Vladislav Sourkov ( depuis 2014 sur la liste noire américaine des personnes faisant l'objet d'une interdiction de visa ), un des principaux idéologues de
Vladimir Poutine, et subséquemment du malaise que j'ai ressenti en lisant - le Mage du Kremlin -, donnant trop complaisamment une part trop " belle " à celui dont le CV n'est autre que celui d'une crapule, d'un criminel de guerre.
Un des mantras de ce fascite poutinien est : " L'expansion du chaos à l'extérieur permet de remédier aux tensions intérieures ".
Pour ce faire, les Russes inventent le mot de " Schröderizatsiya "... autrement dit la " Schröderisation " des élites occidentales ; parmi les plus connues Gerhard Schröder, François Fillon, MLP et
Donald Trump dont RG, après
Catherine Belton, nous explique de manière détaillée ses liens inextricables avec l'État mafieux russe... pour n'en citer que quelques-uns.
Ces élites corrompues sont les cellules malignes chargées de faire prospérer celles de la tumeur originelle au sein d'organes apparemment sains et à distance du mal initial...
Le tout dans un contexte de guerre permanent, car comme le rappelait Poutine dans une émission de télévision à un gamin russe : " les frontières de la Russie ne se terminent nulle part."
Le tout dans un système " truand-fasciste " ; mot composé qui colle parfaitement au petit voyou de Saint-Pétersbourg, devenu Kgébiste avaNt d'être le nouveau grand criminel de guerre, le grand génocidaire de cette première moitié du XXIème siècle.
Les truands sont actuellement incarnés sans aucune vergogne par Evgueni Viktorovitch Prigojine, bandit de Saint-Pétersbourg condamné en 1981 à douze ans de prison... sans que cela ne choque outre mesure un monde qui a depuis des années rangé l'outrance dans le magasin de ses normes... après tout il fut bien un jour où le ridicule cessa de tuer...Mieux encore, ils ont pignon sur rue, honneurs, richesse, gloire et respectabilité... What else ?!...
Pour terminer cette petite présentation du livre de RG, trois extraits qui illustrent ce qu'est la menace poutinienne et son régime criminel mafieux et fasciste.
" Pour les truands, il n'y a rien de trop. le truand ( ou le fasciste ) montre qu'il est capable de tout pour qu'on lui permette tout. La mise en scène de sa propre cruauté est à la base du pouvoir qu'il exerce sur les autres."
" Nous ne sommes pas une force armée classique, mais un véritable groupe criminel organisé et paramilitaire. Mes gars entrent dans des pays africains et n'y laissent rien de vivant. Maintenant ils détruisent nos ennemis en Ukraine. Votre décision de servir Wagner est un pacte avec le Diable... La Troisième Guerre mondiale a commencé et vous pouvez en être, les gars ! "( harangue de Prigojine dans la colonie pénitentiaire IK-2 le 1er août 2022 )
" Chacun doit réaliser qu'une mobilisation et une guerre mondiale à mort nous attendent. Quelqu'un perdra son emploi, un autre son entreprise, beaucoup seront mutilés, encore plus de nos compatriotes seront emportés par la mort. La guerre est notre idéologie nationale. " ( Piotr Tolstoï, vice-président de la Douma, à la veille de l'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022 )
Face à ce cancer en pleine extension métastasique, RG nous invite à " déplacer nos meubles ", à sortir de notre " confort ", à nous battre pour vaincre l'hydre fasciste russe.
Son plaidoyer écologique en fin de bouquin est à considérer.
L'hommage pudique à son père m'a tiré au moins une larme ; je ne les ai pas comptées.
Un livre d'une formidable clarté pédagogique, un livre qui donne à penser, qui interpelle, qui questionne. Un livre plus que recommandable !