HORMIS LES LÈVRES OÙ MOURIR…
Extrait 2
— En équilibre entre deux branches hautes d’un arbre,
j’ai vu, oui, un livre inachevé dont les sept cahiers étaient
cousus par les très fines brindilles jaunes d’un signe.
— Que dit ce livre ?
— Le tourment d’un récit.
— Qui l’a écrit ?
— Une voix perdue.
— Quelle est la première phrase du livre ?
— Celle survivante d’une blessure.
— Et la dernière phrase du livre ?
— Celle d’une énième répétition bégayée de la première ?
— Tel, sûr hélas de ce qu’il avait vu, le choucas replia
ses ailes et se jeta dans le vide ?
— Oui, telle la luciole qui sans cesse va vient d’un côté
l’autre du chemin.
— Quel est le tracé du chemin ?
— Une ligne de fuite.
— Où conduit-elle ?
— Aux tremblants pétales du coquelicot.
— Tel le signet virevoltant dans la nuit ?
— Tel, oui, le visage qui s’efface à contre-jour de la
lumière d’une lampe — condamnée à brûler.
— Tel votre visage ?
—Tel votre visage, oui.
Ah forêt
Ah forêt-de-hêtres
Ah hache dans l’écor-
ce
HORMIS LES LÈVRES OÙ MOURIR…
Extrait 1
Hormis les lèvres où mourir.
Hormis le seuil
(et sa pierre bafouée).
Hormis la porte
(et ses vitres de verre
— caillassées dans la nuit).
À la lisière de la forêt de hêtres, un inaudible dialogue :
— Avez-vous vu le choucas tirer les feuillets du pierrier ?
— En équilibre entre deux branches hautes d’un arbre,
j’ai vu, oui, un livre inachevé dont les sept cahiers étaient
cousus par les très fines brindilles jaunes d’un signe.
…