ÔÔôôô Pierre Lotiiiiii !!!
ÔÔôôô
le Désert de
Pierre Loti !!!
ÔÔôôô la subliiiiime écrituuuuure de ce peintre de
Pierre Loti !!!
Envie de répéter mille fois : quel régal quel régal quel régal. A chaque page, en savourant chaque ligne comme des mignardises à la pâte d'amande qu'on vend à Tunis chez les pâtissiers les plus réputés...
On savoure, on déguste, et ça ne fait pas grossir. Nos sens sont comblés, nos oreilles, nos yeux, nos narines, seuls le toucher et le goût ne sont pas titillés par ses descriptions. Il ne se passe pas grand chose, quelques rencontres humaines, mais c'est surtout la rencontre avec les paysages qui m'a comblée de délices.
Pas forcément envie de lire la suite de son voyage en d'autres livres,
Jérusalem, la
Galilée. C'était
le désert, unique, c'était long, silencieux, mystérieux... Alors plonger dans la foule, ensuite, ne me dit rien. J'aime d'ailleurs comme il décrit sa déception - non, ce n'est pas le mot - sa nostalgie immédiate de la force intense du désert, en arrivant à bon port, Gaza en l'occurrence. L'herbe ou les champs d'orge, "l'haleine des prairies" comme il dit, signifient une terre humide, des animaux qui grouillent, le bruit des humains, de la vie. Après le purgatoire fascinant du désert, c'est presque un peu... vulgaire ? Trop facile en tous cas.
Au milieu du livre, j'ai plongé dans mon Atlas, puis dans google Map, pour voir quelques images de son voyage qui donne tellement envie. Ouf, à le lire j'aurais bien aimé tâter du Ste Catherine, mais les images de cette petite usine à touristes m'ont fait passer ça. J'ai vu les faïences et les ors, j'ai lu l'angle d'un autre siècle, tout va bien. C'est le golfe d'Akabah tel qu'il le décrit, qui m'a fascinée, cette mer sans bateaux, c'est tellement étrange. A présent, il y a quelques plages, des aménagements, bah, j'irai dans une autre vie, et ça ne pourra de toutes façons plus être en 1894...
C'est chouette, les livres. Les mots.
C'est fort hein, ce que je dis là !
Pas possible de mettre les citations dans le coin à citations. Ca fait partie de la critique du livre, ce sont des exemples de mignardises à la pâte d'amande, des petits délices à savourer en se pâmant.
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Rien de vivant nulle part : pas une bête, pas un oiseau, pas un insecte. Les mouches même font défaut. Et on est comme grisé de silence et de non-vie, tandis que passe un air salubre, irrespiré, vierge comme avant les créations.
Plus triste que le silence, cette musique bédouine qui s'élève, inopinément gémissante, et qui parait se perdre dans l'air déshabitué de bruit, avide de son comme ces sables d'ici seraient avides de rosée...
Au monastère Sainte Catherine :
Le lieu est sombre, entièrement revêtu de faïences antiques d'un bleu vert ou de mosaïques d'or, lesquelles disparaissent sous des icônes d'or et de pierreries. Des Saintes rigides, en robe de vermeil, dont le visage reste dans un effacement sombre sous leurs barbares couronnes étincelantes, nous regardent entrer.
Contrairement au golfe de Suez que fréquentent tous les navires du monde, ce golfe d'Akabah ne voit jamais passer ni une fumée ni un voile. Chemin abandonné depuis un millier d'années, il est à présent une mer perdue qui s'avance inutilement dans d'impénétrables déserts. Au-dessus de ses eaux, sur l'autre rivage, rayonne une chose invraisemblable et merveilleuse, qui est la côte de la Grande Arabie ; une chose qui est extrêmement loin et qui semble proche, tant sont nettes les dentelures de ses sommets : comme un haut mur en corail rose, finement strié de bleu, qui serait debout dans le ciel pour fermer tout l'Orient de la Terre.
Le soir vient ; les eaux immobiles du golfe sont toutes en nacre verte, avec des luisants de métal, des reflets de gorges d'oiseaux rares ; et au-dessus, les granits roses d'Arabie - mais roses d'un rose que les mots n'expriment plus - montent jusqu'au milieu d'un limpide bleu ciel vert, que traversent des petites bandes de nuages orange.
Aucune des magnificences lumineuses que mes yeux avaient vues jusqu'à ce jour sur la Terre n'approchait de celle-ci...
Comme l'atmosphère est déjà changée ! Ce n'est plus cet air vif et desséchant qui passait sur un monde sans vie. Non, c'est quelque chose de moins âpre peut-être, mais d'infiniment moins pur, où l'on sent comme les lourdeurs du printemps et l'haleine des prairies.
Le ciel se ternit de vapeur d'eau, la brise est molle et l'horizon s'embrume. de plus en plus, l'herbe s'étend ; en avançant, d'heure en heure nous la trouvons épaissie, et le soir, toutes les collines sont vertes.