Par un matin d'avril, sur un chemin de randonnée, se tiennent deux femmes prés d'un homme en pleurs, elles ne manifestent aucune émotion, s'éloignent .....
d'un pas tranquille......
Esther , muette et traductrice,":les mots , je les ballotte d'une langue à l'autre, je les tripote, je les pelote jusqu'à leur faire exprimer tout leur sens et le son le plus juste....mais ce plaisir ne passe pas par la bouche.Jamais...."assiste à cette scène,:témoin involontaire, elle ne peut l'oublier et va tout faire pour connaître la cause du chagrin de cet homme, elle se retrouvera un soir face à celui qui l'a bouleversée et tentera de le comprendre...
"Que sait - on des peines des autres?"La souffrance, la douleur de l'autre restent indicibles"Chacun porte un iceberg en soi"....
La question est posée et tout est dit.
Anne Bragance, avec son talent habituel développe son récit autour des rapports humains, de la communication, ou plutôt du manque de celle- ci....
Articulé autour d'une poignée de personnes, deux soeurs jumelles dont Esther,un frère et une soeur , deux mères veuves, un barman, dont la vie et les sentiments sont compliqués,par leur inaptitude commune à crever le silence pour comprendre l'autre, l'intrigue évolue sous forme de petits chapitres qui leur sont dédiés, autour de leur différence...
S'en dégagent les thèmes de l'homosexualité,du mutisme, du renfermement sur soi, de la gémellité, de l'absence d'amour maternel, de la solitude extrême, de la kleptomanie ou encore de la folie....
Le langage est une faculté nécessaire à l'homme pour établir un lien entre lui et l'autre....l'auteur alterne les"je" des narrateurs successifs , elle donne au lecteur le sentiment d'être un confident privilégié et le pousse à poursuivre sa lecture.
L'épanouissement ne nait que lorsque le dialogue est établi, l'auteur explore l'âme humaine jusqu'à faire affleurer l'indicible et dresse un tableau de l'amour à différents degrés, l'éveil du sentiment chez Esther, la passion destructrice de Nicolas,l'amour fraternel, qu'il soit possessif, ,complice, admiratif, et enfin l'amour maternel absent, l'amour filial non reçu......
Ce roman exprime l'extrême difficulté d'exprimer ses sentiments , du silence naissent la frustration, l'incommunicabilité, la haine, le mépris ,l'illusion, la peur de l'autre......
"Ce qui s'exprime entre deux êtres n'est jamais que l'infime partie, la partie accessible de ce formidable iceberg que chacun porte en soi".