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EAN : 9789735017804
Editura Humanitas (30/11/-1)
4.08/5   37 notes
Résumé :
Pendant qu'aux États-Unis on écoute du rock'n'roll, que l'on pleure la mort de J.F.K. tout en rêvant d'une Nouvelle Frontière aux couleurs lunaires, à Bucarest le jeune Mircea crée de toutes pièces un pays imaginaire, bien plus effrayant que celui de Peter Pan. Un monde de merveilles et de cauchemars, peuplé d'extraordinaires chimères, de statues vivantes, de papillons prodigieux.
Un monde en rupture totale avec la Roumanie des années 60 et son communisme tri... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Orbitor (qui veut dire aveuglant en roumain) est une trilogie qui a été traduite en français et qui comprend, dans l'ordre : Orbitor (titre original Orbitor. Aripa Stîngă), L'Oeil en feu (titre original Orbitor. Corpul), L'Aile tatouée (titre original Orbitor. Aripa dreaptă). Une somme de plus de 1500 pages dans un style très onirique certes, mais pas que.
Pour le résumé j'appelle Mircea Cartarescu lui-même. Dans FRUMOASELE STRAINE (Les belles étrangères) à la page 199, il écrit (dans ma traduction française) : « Je sortirai une fois une édition de seulement 37 pages, réduite à l'histoire initiale, sans aucune sorte d'élucubrations, en plus richement illustrée. […] Ou, mieux encore, une édition de quelques lignes, dans laquelle on montre comment une ouvrière, Maria, met au monde des jumeaux. L'un d'entre eux, Mircea, vit à Bucarest sous le communisme, tombe sous l'emprise d'un ivrogne, Herman, qui délire de manière inintelligible de temps en temps, manque de peu d'être violé par un collègue et ensuite erre par-ci par-là jusqu'à la révolution [de 1989]. L'autre, Victor est enlevé pendant l'enfance et emmené à Amsterdam où il est élevé dans la promiscuité pour finir dans la Légion étrangère. Les deux se retrouvent à Bucarest pendant la révolution roumaine et... arrive la fin du monde. Comme dit l'autre less is more. »
Pour l'avis je partage celui d'un critique à qui Cartarescu doit beaucoup et que je traduis partiellement ici. Il s'agit de Nicolae Manolescu, Istoria critică a literaturii române (p. 1347). « Orbitor est le résultat superbe [d'un] projet paranoïaque, unique dans toute notre littérature. La construction de la trilogie est plutôt symbolique que rigoureuse. le roman est inégal et désarticulé. le troisième volume est beaucoup en dessous des deux premiers, descendant de manière vertigineuse, jusqu'à un reportage par endroit vulgaire de notre révolution de 1989. [...]

En conclusion, une oeuvre hétéroclite, mais fabuleuse dont il faut avoir lu au moins quelques pages, même au hasard.

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Un papillon de Rorschach kaléidoscopique s'anime pour rejoindre un monde imaginaire de fractales psychédéliques.

Un « fouillis arachnéen de volutes » , un tracé à peine lisible, des pattes de mouches, qu'un insecte sécrète sur une page, représentent la mort, dans son linceul, comme un cocon qui palpite.
Une lettre, un M calligraphié, ressemble à s'y méprendre à une araignée alors que la larve prise dans la toile se métamorphose en papillon de nuit, lépidoptères volant, chenilles cheminant dans l'obscurité, qu'une lumière aveuglante attire inexorablement vers elle jusqu'à ce qu'ils s'illuminent, tous, et qu'ils crépitent.

S'allument alors et brillent de milles feux les couleurs de la ville : néons, lumières artificielles d'un vert translucide, sépulcral, d'un bleu spectral, d'un jaune maladif comme la jaunisse, d'or, transmué par un processus alchimique en Orbitor. Le soleil noir de la mélancolie redevient jaune, tel un dessin enfantin innocemment dément. La lueur du soleil transperce les nuages, se diffuse dans Bucarest, ville de l'ère postmoderne et l’œil qui perce le soleil est aveuglé à force de le fixer. Cité et cécité.

L'architecture textuelle décrit des virages et crée des mirages ; la ville s'érige comme un jeu de construction où la vie est un jeu de simulation. La ville se construit, détruite ; les caryatides et les toits s'animent. Les lieux sont peuplés des cauchemars de l'enfance. Les maisons se peuplent de revenants, des esprits des ancêtres, et la ville demeure la fidèle représentante de la dernière demeure des morts : elle porte les stigmates du bombardement, tout est dévasté, c'est un cimetière, une crypte, où tout est crypté. Ces catacombes de l'imaginaire aux statues démesurées, déformées par l’éléphantiasis sont terrifiantes, horrifiques, grotesques et sublimes à la fois, parce qu'elles font frissonner de l' effroi sacré. Le corps ressent ces frissons générés par l'angoisse. Expressionnisme à l'échelle atomique, anatomique. Le corps, comme la ville, est une carte composée qui comporte une légende. Mircea, au visage asymétrique, s'exprime, crie, lorsqu'il voit et qu'il entend le cri de l'écorché à l'hôpital, de ce corps-simulacre aux organes mis en évidence, étiquetés. Le corps souffre, mais il prend plaisir à la souffrance, jusqu'au sacrifice.
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Je m'étonne qu'on ne l'ai pas encore nobellisé. Orbitor correspond à ma deuxième rencontre avec Mircea Cărtărescu et j'en reste coite, tétanisée, abasourdie de la multitude de mondes avalés ces quinze derniers jours en quelques centaines de pages.

J'avais adoré le recueil de nouvelles Pourquoi nous aimons les femmes, et j'espérais bien ne pas être déçue par ce premier volet de la fameuse trilogie de l'auteur. Dans un tout autre registre, et dans une langue on ne peut plus élaborée, Mircea Cărtărescu entraîne son lecteur dans les méandres de son enfance, de ses souvenirs, de ceux de sa mère, dans ses rêves, dans la Bucarest bombardée sous le régime nazi. La femme, à nouveau, et malgré le foisonnement de sujets abordés, reste au centre du récit, la mère, la naissance, la jeunesse, l'avant sa naissance. le sexe, l'horreur, la mort, la guerre, la torture sont décrites dans une langue quasi baudelairienne, les images insoutenables tiennent le lecteur en haleine par la seule beauté de l'écriture ; souvent jusqu'à perdre le lecteur impatient qui voudrait s'acharner à comprendre. Pour lire Mircea Cărtărescu, le lâcher prise s'impose. D'emblée, il faut accepter de ne pas tout comprendre, se laisser porter par le seul rythme des phrases pourrait suffire en soi. L'auteur navigue d'un siècle à l'autre, d'un pays à l'autre, pour revenir le plus souvent à Bucarest, parfois pour partir dans des univers totalement fantasques, prétextes pour dérouler les obsessions morbides et vivaces, mortelles et vivifiantes, improbable panaché d'images alliant le pire au meilleur, le sublime à l'abominable. Je ne sais comment vous décrire autrement cet incroyable et ingénieux récit, ce conglomérat d'histoires dont l'auteur seul maîtrise la logique, totalement décousu en apparence et étrangement cohérent.

Je me dois nécessairement au passage de saluer les prouesses du traducteur Alain Paruit pour avoir oser relever avec brio le défi de traduire ce monument de la littérature roumaine. Tout de même, je me dois de vous avertir, Orbitor n'est pas facile d'accès, j'ai voulu le lire précipitamment en cette fin d'année pour boucler le challenge variétés… Orbitor ne se prête pas à la lecture rapide, il impose le temps long, il nécessite de déguster, et de digérer chaque paragraphe. La richesse du vocabulaire m'a plus d'une fois laissée pantoise. Si je n'ai pas osé m'interrompre pour prendre un dictionnaire, si j'ai préféré laisser libre cours aux sonorités, j'ai dû plus d'une fois m'affranchir du sens des phrases et renoncer purement et simplement à la compréhension formelle du texte. Parfois avec lassitude, le plus souvent avec stupéfaction devant cet engrangement de maitrise littéraire.

Orbitor ne se résume pas pour autant à un exercice de style, la profondeur des propos de l'auteur est bien au rendez-vous, hallucinante de folie, de douleur, de chair et d'humanité.
Lien : https://synchroniciteetseren..
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Les voies de l'édition sont impénétrables.

Prenez Orbitor. D'abord publié chez Denoël avant de sortir en poche en Folio SF, on est en droit de se demander ce qu'un tel livre fabrique dans cette catégorie genrée de littérature. Orbitor, de la SF ? Je ne peux pas m'empêcher de voir là un choix très discutable et finalement assez réducteur. Certes, la littérature de genre est avant tout de la littérature - on ne me fera pas dire ce que je n'ai pas dit - mais le livre de Cărtărescu aurait certainement moins dénoté en Folio "tout court" qu'en Folio SF. Même si c'est certainement en Poésie Gallimard qu'il aurait, à mon avis, le mieux trouvé, à défaut d'un public, sa place.

J'imagine qu'il faut argumenter maintenant. Orbitor est un roman qui... non... non... Orbitor n'est pas exactement un roman. Oui, c'est un récit fictionnel en prose et donc, techniquement, c'est un roman. Mais... mais, impossible à résumer et dénué de tout fil narratif clair - je mets d'ailleurs quiconque au défi de m'en pitcher la trame - ce livre fou et illisible (c'est lui-même qui le dit) est plus un recueil d'impressions, d'images abstraites, de souvenirs énigmatiques de l'auteur et de visions fantasmée de sa mère, le tout mis bout à bout selon un ordre apparemment aléatoire. Et le caractère SF, me direz-vous. Mis à part de nombreux passages à l'imagination foisonnante et délurée, le livre n'en a aucun. Si Orbitor est de la SF, la moitié de votre bibliothèque blanche en est également.

Daté de 1996, soit bien avant son Grand Oeuvre Solénoïde, ce livre de Mircea Cărtărescu traitait déjà de thèmes similaires : obsession pour la mémoire, réflexion sur le travail d'écriture, mise en abîme de l'auteur écrivant son propre ouvrage, entre autres. de même, Orbitor est laissé à la libre interprétation du lecteur. Ce long poème en prose, qui sollicitera sacrément votre vocabulaire passif, est parsemé de papillons, de ceux qui volettent dans les pages à celui imprimé sur la peau de la mère du narrateur, autant de tâches d'encre dans lesquels, à l'image du test de Rorschach, vous pouvez voir ce que votre esprit vous autorise. Ou ne rien voir du tout. Auquel cas le mieux est encore de laisser la plume magnifique mais exigeante de l'auteur vous porter vers des horizons résolument inédits.

Et pour en revenir aux voies de l'édition, elle sont d'autant plus impénétrables qu'Orbitor est aujourd'hui épuisé, en poche comme en broché. Drôle d'idée de perdre un tel titre de son catalogue.

Retrouvez l'article sur Touchez mon blog, Monseigneur...
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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Un noir chef d'oeuvre, onirique et poétique.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/11/07/note-de-lecture-orbitor-mircea-cartarescu/
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Je savais que j’avais habité ces endroits, j’en gardais encore quelques images, mais aucun sentiment vécu, aucune émotion, rien de vrai. Ces quatre logements évoquaient pour moi les dents mal plantées dans la prothèse de ma mère, non innervées, non irriguées par les fines ramifications des veines et des artères. Du plastique, du plastique quelconque et stupide. Je soupçonnais leurs portes d’être seulement gravées sur les murs, leurs intérieurs d’être pleins, compacts comme les pralines, le tout me semblait donc d’être un grossier faux-semblant forain. Je rôdais pourtant autour avec un entêtement croissant, car ils étaient les seuls points de repère dans ma quête. Afin de reconstituer mon animal cérébral au cours de son étrange ballet à travers le temps, je tâtais les bosses de ses logements successifs, des tests successifs dans lesquels il s’était abrité après les avoir fabriqués de sa bave calcaire. La chair tendre de l’esprit avait patiemment maçonné des chambres et des toits des paysages et des faits. Puis, au fur et à mesure qu’elle grandissait, elle les avait abandonnés, desséchés et vides, pareils à ces détestables crânes jaunis de chiens jonchant les terrains vagues, ou à l’intérieur net, en caoutchouc, des têtes de poupées.
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On allait donc gratter mon enluminure pour écrire à la place, en caractères égaux et serrés, un texte impératif aussi lourd qu’une tenture. Et aujourd’hui, alors que je suis au milieu de l’arc de ma vie et que j’ai lu tous les livres, y compris ceux qui sont tatoués sur la lune et ceux qui sont écrits à la pointe de l’aiguille au coin de mes yeux, alors que j’en ai assez vu et eu, que j’ai systématiquement déréglé tous mes sens, que j’ai aimé et haï, que j’ai érigé des monuments d’airain impérissables, que j’ai attendu sous l’orme le divin enfant en mettant longtemps à comprendre que je n’étais qu’un sarcopte creusant des sillons dans sa peau de vieille lumière, alors que les anges peuplent mon cerveau tels des spirochètes, que j’ai goûté à toutes les délices du monde et qu’avril, mai et juin s’en sont allés, aujourd’hui, alors que sous l’anneau ma peau se desquame en milliers de feuilles de papier bible, aujourd’hui, en ce vivace et absurde aujourd’hui, j’essaye de mettre du désordre dans mes pensées et de lire les runes des fenêtres et des balcons pleins de linge humide de l’immeuble d’en face qui a coupé ma vie en deux, pareil au nautile qui mure chaque compartiment devenu trop petit pour lui et va se nicher dans un autre, plus grand, sur la spirale de nacre qui résume sa vie. Mais ce texte n’est pas humain et je n’arrive plus à le déchiffrer.
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Après de telles soirées, qui devenaient l’oxygène de ma vie solitaire et frustrée, après mes promenades de taupe dans le continuum réalité-hallucination-rêve comme à travers un triple royaume inextricable, je me mettais au lit et je passais presque toute la nuit à lire au hasard l’un ou l’autre des livres empilés par terre, contre le coffre. Ils arrivaient à point nommé, mystérieusement, on eût dit les pièces d’une image-puzzle, claire et pourtant incompréhensible, incomplète, une sorte de superbouquin apparu à la frontière entre les livres et mon esprit. Ma lecture était profonde comme la nuit, le silence sifflait toujours plus fort, parfois un insecte tournoyait en bourdonnant sous l’abat-jour et finissait brûlé par l’ampoule surchauffée. Je clignais des yeux de plus en plus souvent, très vite du droit, assez lourdement du gauche. Je me souvenais des soirs où je devais me fermer une paupière avec les doigts pour réussir à m’endormir. Des jours où je ne riais qu’avec une moitié de visage, alors que l’autre restait maussade, sinistre. Désormais, quand je clignais des yeux rapidement, les muscles orbiculaires de ma bouche tressaillaient désagréablement et, quand j’étais fatigué, une sueur froide suintait des pores de ma joue gauche. Je jouais à regarder l’image de ma chambre d’un seul œil. Du droit, elle paraissait lumineuse, les couleurs brillaient sagement les unes à côté des autres. Mais le gauche voyait une étrange caverne verdâtre, où les volumes mous se distendaient comme la peau des animaux aquatiques. Vers la fin de la nuit, le sens des livres s’évaporait complètement et je n’avais plus sur les bras que leurs pages poreuses, leurs signes cabalistiques et leur parfum de papier poussiéreux, le plus excitant des parfums de la terre. Mes deux hémisphères cérébraux se contractaient de plaisir dans leur scrotum d’os.
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Trecutul meu era cheia, semne tulburi îl arătau ca lizibil, trebuia să-ncep o dată marea lectură, dar nici o stelă nu se arăta ca să-mi lumineze deodată înţelegerea. Nu ştiam dacă şirurile vieţii mele (voci şi atingeri, nori şi oraşe, râsete şi pământ plin de râme) se citesc vertical sau orizontal, de la stânga sau de la dreapta, sau dacă nu cumva trebuie să merg înainte şi înapoi în boustrophedon-ul copilăriei mele, dacă e o scriere pictografică sau fonetică, dacă este o scriere... În filigranul oricărei file vedeai o ţesătură de firişoare albastre şi roşii, zvâcnind la un singur puls, irigând paragrafele... Pergamentul era viu ca pielea abia smulsă a unui martir şi mustea de cerneală şi sânge. Ce scria însă pe pielea mea, sau ce era tatuat acolo, între sfârcurile pieptului meu, era deocamdată complet obscur pentru mine.
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Que peut-on récupérer en nous? L'âme? Le corps stellaire? La conscience? Une simple tumeur les annule, un noyau épileptique trouble la mémoire, l'image des fesses d'une femme bloque ta pensée, une injustice te projette dans un pur délice paranoïaque, un cauchemar te glace le sang de la nuque au front... Et tout se passe sur un grain de sable d'une plage aux dimensions de l'univers. Où reste-t-il de la place pour la rédemption? Pourquoi serait-ce toi, fange atomique, toi et nul autre, qui recevrais le don de la vie éternelle?
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Nicolas Cavaillès lit Mircea Cărtărescu.
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