« Dans mon rapport d'impôts 2015, il y a quatorze tickets de bus aller-retour Rouyn-Montréal de déclarés. Fois deux cent quarante piasses le ticket, ça donne trois mille cent soixante piasses. Je suis travailleur autonome. Comédien ».
C'est comme ça qu'
Alexandre Castonguay nous lance sur sa piste dans
J'attends l'autobus, son premier livre solo, qui questionne les distances (réelles et symboliques) entre la « périphérie » ou les « régions » (l'Abitibi, en l'occurence), et le « centre » (Montréal, la métropole). Son prétexte, son interlocuteur, c'est un étudiant français en histoire de l'art employé comme caissier au Couche-Tard du terminus d'autobus de Montréal qu'il retrouve quand le travail l'y ramène. Il lui fait part de ses anecdotes et réflexions sur l'art, l'industrie, son métier de comédien enraciné en Abitibi, la région et ses gens, les failles entre celle-ci et la métropole. C'est parfois drôle, parfois moins, mais toujours franc, et ce récit frappe là ou ça fait mal : vis-à-vis des centres, les régions sont des « figurantes », des curiosités qu'on ne prend pas pour elles-mêmes mais selon ce que l'on a besoin d'elles. Ressources naturelles, prime d'éloignement et destinations touristiques. Or, Castonguay replace la lunette vers ce qui importe : celles et ceux qui les habitent et qui en donnent tout le sens. « Quand j'vas à Paris, c'est pour les Parisiens, pas pour la tour Eiffel ».
Rédigé dans une langue parlée (non dans le sens d'« approximative », mais dans celui de « vivante ») en phase avec la charge de vie qui traverse le récit, le livre est un vrai bonheur de lecture, et quelque chose de vivifiant à se mettre dans la tête.