AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782843043017
167 pages
Zulma (08/04/2005)
4.2/5   15 notes
Résumé :

Un après-midi de septembre, le courtier Delaunay, dont la réputation n'est plus à faire, propose ses services à un antiquaire. Qui lui commande les objets rares qu'il cherche pour ses meilleurs clients : tel sucrier en argent, telle tabatière du XIXe ou casquette d'officier anglais de la Grande Guerre... Et Delaunay les trouve! Toujours! C'est à n'y plus rien comprendre. A en perdre la raison. Châteaureynaud excelle ains... >Voir plus
Que lire après Le jardin dans l'îleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
L'oeuvre de Georges-Olivier Châteaureynaud est singulière, ou plutôt il convoque le singulier dans des histoires a priori ordinaires. le Jardin dans l'île n'échappe pas à cette rencontre.
« Le meilleur moment de l'amour, c'est quand on monte l'escalier" nous disait Georges Clémenceau. En matière de fantastique, la fascination, le petit frisson de sensation qui nous emporte, reconnaissons-le, c'est lorsque le quotidien, au moment où nous nous y attendons le moins, commence à basculer dans l'envers du décor et nous renverse avec.
Les dix nouvelles qui composent cet ouvrage sont plutôt courtes, chacune est constituée de quelques pages seulement, hormis la dernière, véritable note finale ostentatoire, qui scelle définitivement le texte de façon onirique. Cette dernière nouvelle occupe pas moins de quarante-quatre pages soit à elle seule plus d'un quart du livre. Se déroulant dans l'enfermement d'une forteresse dont il est impossible de s'échapper, elle m'a fait penser à l'attente absurde du Désert des Tartares de Dino Buzzati ou bien au silence magique du Rivage des Syrtes de Julien Gracq.
Nous trouvons de tout dans le jardin dans l'île, un peu comme la nouvelle intitulée le Courtier Delaunay. Ici un courtier pour antiquaires est capable de dénicher systématiquement et contre toute attente l'objet impossible à trouver. Forcément cela émerveille, puis finit par intriguer, voire agacer son client. Nous aussi...
Le Jardin dans l'île est une prose poétique et baroque, silencieuse et absurde.
Une des premières nouvelles du recueil nous décrit une vieille dame qui veut à toute force boire une dernière fois un Bordeaux millésime 1940, année de la débâcle qui lui rappelle des souvenirs d'une très grande mélancolie.
Plus loin, nous venons aussi à la rencontre d'une maison en proie aux incendies.
Plus tard, il y a cette maison de location vraiment très particulière...
Puis, il y a une autre maison, - tiens ! encore une maison, décidément -, au fond d'une île oubliée de tout, avec un jardin accroché aux branches dénudées et battues par les vents et une femme qui peint des tableaux là-bas derrière la fenêtre où une lampe bouge. Cette nouvelle a donné le titre du recueil.
Les personnages qui traversent ces histoires ont sans doute quelque chose en commun qui les relie, mais leur relation entre eux est souvent complexe. Une façon de trébucher sur leurs pas tout en se rattrapant au dernier moment comme pour donner le change. Ils sont perdus, mais dans leurs coeurs fatigués s'allume une petite flamme qui tremble, l'idée de s'agripper et de tenter une dernière fois de se relever, ou bien tout simplement de chuter, qu'importe d'ailleurs, mais dans les deux cas, si possible avec grâce.
Souvent le personnage principal de chaque nouvelle est un homme brisé, égaré dans un temps inconnu, étranger à lui-même, il est cependant élégant, de cette élégance du condamné qui fume sa dernière cigarette en regardant le bourreau droit dans les yeux. La classe, quoi ! Les femmes sont magnifiques, forcément énigmatiques et donc envoûtantes. Elles se retrouvent étrangement dans la trajectoire de ces hommes perdus et leur offrent une manière superbe de quitter ce monde absurde en regrettant un peu. Ces femmes sont donc des passeuses en quelque sorte.
Tout au long de ces textes ciselés, nous sentons comme un parfum nostalgique, une France d'ailleurs, désuète, presque surannée, mais cela donne aussi un charme infini à l'atmosphère de ces nouvelles.
Parfois, nous avons l'impression de marcher dans un rêve éveillé. Ici, l'imaginaire est fait pour déconcerter le lecteur. Il n'y a pas forcément toujours de chute aux histoires que ce recueil héberge, cela renforce encore plus l'atmosphère pesante, nous renvoyant à la question lancinante : que peut-il bien se passer après ? Á sa manière, l'auteur nous dépeint ici l'incertitude et la fragilité de nos existences précaires.
Dans les nouvelles de ce recueil, nous oscillons sans arrêt entre réel et fantastique, un peu comme si nos gestes hésitaient. Vous savez, comme lorsqu'enfant, nous marchions sur l'arête d'un mur étroit les bras déployés, cherchant l'équilibre, nos jambes tremblant un peu à chaque pas qui avance.
Je viens de refermer ce livre il y a quelques heures et je ne sais pas pourquoi je pense à cette femme qui peint des toiles là-bas dans sa maison juchée sur une île isolée de tout, battue par les vents ; je voudrais croire qu'elle m'attend.
Commenter  J’apprécie          180
Entrer dans l'univers de Georges-Olivier Châteaureynaud, c'est pousser une porte qui n'est visible qu'aux yeux des attentifs, et pénétrer un domaine dont on s'éprend très vite, onirique et mystérieux, où les démons intérieurs et les fantômes viennent vous tarauder, un monde imprégné de l'étrangeté réelle ou rêvée de l'existence, où sont si bien rendus la nostalgie des temps disparus, l'amour des objets anciens et des lieux qu'on a habité.

Dans ce recueil de dix nouvelles (toutes de belles découvertes) paru en 1989, et réédité en 2005 par Zulma, mes coups de coeur furent pour la nouvelle éponyme, «Le Jardin dans l'île», car Georges-Olivier Châteaureynaud a un don pour évoquer le charme envoûtant des femmes que l'on croise parfois, ici une artiste peintre qui vit isolée sur une ile ; et puis «L'inhabitable» dont le héros «maudit», poursuivi par des expériences malheureuses de logements impossibles, pense avoir enfin trouvé la maison de ses rêves et, euphorique, signe la location et emménage sans même la visiter ; et enfin et surtout «Le courtier Delaunay», témoignage du talent de l'auteur pour raconter une histoire construite essentiellement sur tout ce qui n'y est pas dit. Dans cette nouvelle, un antiquaire, intrigué par l'habileté de son courtier à dénicher les objets les plus improbables désirés par ses clients, n'a de cesse que de découvrir son secret.

«Sans me vanter, j'ai connu des moments difficiles. Si j'en faisais le compte, les bas, dans ma vie de locataire, l'emporteraient de beaucoup sur les hauts. Ainsi, j'ai habité quelque temps dans les flammes. Allons, j'exagère ! Il ne s'agissait que de flammèches, mais c'était tout de même agaçant. À toute heure du jour ou de la nuit, des débuts d'incendie éclataient chez moi, spontanément, ici ou là, derrière un tableau, au fond d'une penderie, sous une chaise, dans la panière à linge… Mes affaires n'étaient nulle part à l'abri. Combien de fois me suis-je retrouvé sans un sou, combien de fois ai-je du faire refaire mes papiers d'identité, parce que mon portefeuille s'était consumé avec mon pardessus, pendant mon sommeil ? A l'instant de m'habiller, je trouvais mon pantalon brûlé jusqu'aux genoux, mes chemises à demi calcinées, mes souliers racornis et cloqués, mes gants en cendres au fond du tiroir où je les serrais. Ma vie était un enfer en miniature ; je sentais perpétuellement le roussi, j'étais roussi moi-même !» (L'inhabitable)

Sous la plume de Georges-Olivier Châteaureynaud, chaque nouvelle est un nouveau rêve alors pourquoi s'arrêter de rêver ?
Commenter  J’apprécie          110
Un recueil de nouvelles entre la mélancolie onirique, le fantastique et la fable épique. La meilleure introduction à l'oeuvre de ce grand écrivain contemporain.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Sur cet astre exigu, berceau d'une seule race et d'un seul peuple, où l'humanité coïncidait avec la soumission au prince, il n'était pas de crime qui ne fût contenu en germe dans celui de se dresser contre lui.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Georges-Olivier Châteaureynaud (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Georges-Olivier Châteaureynaud
28 - Lecture de Georges-Oliver Chateaureynaud
autres livres classés : nouvellesVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (34) Voir plus




{* *}