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L'île de Silicium, en Chine, est devenue un vaste centre de traitement des déchets. Mais rien de moderne, de propre, de sain. Ici, on travaille de manière artisanale. Et économique. C'est bien connu, « les vies humaines étaient tellement moins chères que les machines. ». Donc on accepte la pollution monstrueuse de l'environnement et les accidents et les maladies mortelles des ouvriers. Mais la proposition d'une compagnie américaine va bouleverser les équilibres.

Et c'est parti pour des tractations mettant, officiellement du moins, le bien-être des ouvriers de l'ile au centre des préoccupations. Dans cette merveilleuse société, les grandes entreprises se parent de soucis environnementaux et écologiques pour justifier leurs achats, leurs grands travaux. Une bonne dose de green washing comme on dit encore de nos jours. C'est ce que propose le représentant de la Wealth Recycle Co., Ltd, Scott Brandle, aidé de son interprète Dang Kai-zong, originaire de l'ile. Il va devoir lancer des tractations avec les représentants des trois familles influentes de l'île. Mais chacun campe sur ses positions, ne voulant pas perdre une miette de ses avantages. Même si cela semble empêcher de nets progrès dans le mode de vie de leurs concitoyens.
L'irruption d'une jeune femme, Xiaomi, va bouleverser les discussions. Cette ouvrière se trouve au centre d'un jeu de pouvoir qui était équilibré, mais va voir les forces en puissance lancer leurs troupes dans une bataille qui finira de façon grandiose, façon film catastrophe, avec combats d'une rare violence et éléments déchaînés (rien de moins qu'un typhon, excusez du peu). Autrement dit, on ne s'ennuie pas dans ce roman. Enfin si, parfois, un peu, quand Chen Qiufan se montre un peu trop didactique. On sent bien que ce roman est pour lui, outre l'occasion de distraire ses lecteurs, le moyen de faire passer un message. À propos de la pollution, de l'état du monde. Et donc, parfois, il se laisse un peu trop aller à décrire des situations pénibles de manière artificielle. le récit fait une petite pause pour laisser la place aux commentaires. Rien de bien désagréable, mais une volonté, louable, de trop bien faire.

Malgré ces réserves, L'île de Silicium est une grande claque pour ceux qui parviennent à laisser de côté, dans un recoin de leur conscience, le revers de notre société moderne : le recyclage des déchets électroniques et autres, laissé à ces pays moins développés, que nous considérons comme nos poubelles. Ici, les ouvriers et leurs familles baignent dans la pollution : l'air, la terre et l'eau sont viciés à un point inimaginable. On voit des enfants jouer au milieu d'objets meurtriers, tremper leurs pieds dans de l'eau aux reflets irisés par les composants mortels. On comprend que ces personnes n'ont d'autre choix que de risquer de raccourcir leur existence pour avoir le droit d'en avoir une. Glaçant et, hélas, miroir d'une réalité sordide. Comme le fait remarquer Gwennaël Gaffric (traducteur talentueux et infatigable de récits asiatiques, comme L'Équateur d'Einstein de Liu Cixin et la suite de ses nouvelles, Les migrants du temps que je vais bientôt lire ; ou le moins connu mais remarquable Perles de Chi Ta-wei) dans une note de fin de roman, l'auteur s'est fortement inspiré de lieux réels pour décrire son île et la ville principale du roman.

Dans L'ile de Silicium, les prothèses sont à la portée de tous (cela m'a fortement rappelé câblé de Walter Jon Williams.). Enfin, pas toutes les prothèses pour tous. Encore une fois, la meilleure et la plus efficace des technologies est réservée aux plus riches, dans les pays les plus « développés », quoi que cela veuille dire. Les plus défavorisés se voient contraints d'utiliser les rebuts des pays riches ou, pire, ces copies aux effets parfois délétères. Car on trouve des prothèses pour tout et se placer ça dans le corps est une sacrée prise de risque. Un bon produit, un produit sain, améliore considérablement votre organisme : un oeil est capable de voir au loin, mais aussi de calculer la hauteur supportable par votre organisme d'un saut depuis, un pont par exemple ; des bras peuvent vous donner une force surhumaine, une précision incroyable. Bref, le rêve (ou le cauchemar) du cyberpunk ou du transhumanisme : améliorer l'humain. Mais dans ce roman, on en découvre surtout le côté sombre. Entre l'utilisation criminelle qu'en font certains, voire monstrueuse (un personnage, complètement fou, agresse ses victimes en les torturant de façon encore plus atroce et douloureuse grâce à des prothèses) et les virus qui passent dans le corps de ceux qui utilisent des prothèses de piètre qualité, je ne suis pas particulièrement pressé de tester cette technologie.
D'autant qu'avec cette avancée de la science, vient un autre thème classique du cyberpunk : la puissance des grandes sociétés. Leur domination du monde, au détriment des états. Comme dans les Neuromancien ou Comte Zéro de William Gibson, ou dans le récent Chien 51 de Laurent Gaudé, les pays ne sont pas assez forts pour résister aux pressions financières des grosses structures. Chez Laurent Gaudé, la Grèce est vendue et démembrée. Chez Chen Qiufan, la « désintégration de l'Union européenne en était le parfait exemple, comme l'illustrait le drapeau rouge à cinq étoiles qui flottait sur les plages d'Ibiza, après son rachat par un consortium chinois. » Un bel avenir en vérité !

La maison d'édition Rivages revient donc officiellement à l'imaginaire avec le lancement de sa nouvelle collection Rivages/Imaginaire, dirigée par Valentin Baillehache. Vingt après la disparition de Rivages/Fantasy qui avait publié, entre autres, la série des Eymerich de Valerio Evangelisti (qu'il faudra que je relise, d'ailleurs). D'après Livres Hebdo, elle devrait proposer trois titres par an. Pour 2023, ce seront « des romans de l'américain Brian Evenson, du canadien Thomas Wharton et de la sud-coréenne Kim Bo-Young, star de la SF dans son pays. » Cela donne envie. Rappelons tout de même que cette maison d'édition continuait à proposer, hors collection, des ouvrages d'imaginaire, comme, récemment, Bangkok déluge de Pitchaya Sudbanthad dont j'avais bien apprécié la lecture. Mais aussi, dans sa collection Rivages/Noir, des titres comme La transparence selon Irina de Benjamin Fogel, un thriller futuriste marquant, ou le sanglant et angoissant Un bon Indien est un Indien mort, de Stephen Graham Jones.

Pour ouvrir sa nouvelle collection, la maison d'édition Rivages aurait pu tomber sur un pire roman. L'ile de Silicium offre un regard violent et lucide sur un côté honteux de notre monde à travers un récit prenant, malgré quelques sautes de rythme. Les personnages, perdus entre leurs désirs et les changements qui les assaillent, sont régulièrement tordus et essorés par les évènements. Ils possèdent une belle charge d'émotions et nous entraînent avec eux, haletants, dans ce tourbillon, jusqu'au dénouement.
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🦠Chronique🦠

« C'était toujours un dilemme de savoir s'il fallait laisser les enfants s'accrocher à leurs fantaisies ou les faire appréhender le plus tôt possible la cruauté du monde réel. »

C'est peut-être la vraie et seule question. Parce que je suis pétrifiée de savoir ce que je vais laisser à ma fille, à la génération suivante, comme éventuelle, transmission…Lui expliquer ce monde, les injustices, la suprématie des riches, le désastre écologique, le chaos ambiant, j'avoue que c'est difficile, et des fois, je préfère la laisser, avec son innocence…
Or, sur L'île de Silicium, les enfants n'ont pas cette chance…Ils marchent sur une montagne de déchets, jouent au milieu des détritus, boivent, mangent, respirent une pollution toxique…Ils ne voient pas le danger, parce que c'est leur lieu de (sur)vie. Ils n'ont d'autres échappatoires que de gâcher ainsi, leur capital vital, pour engraisser les comptes en banques des trois puissants chefs de l'île…
…« Et ainsi allait la vie des pauvres. »

« Et si elle n'était pas une anomalie? »

Xiaomi. Qu'on se le dise, c'est un personnage féminin formidable. Ma préférée. Ni tout à fait, déesse, sorcière, égérie ou nouvelle femme, cette déchetiere a tout raflé: les marées, l'horreur, la violence, l'obscurité, la dispersion, l'énergie, l'injustice, la ligne d'horizon…Et mon coeur…
Mon coeur, il en a fait des noeuds. Des noeuds d'amour, des noeuds de compassion, des noeuds d'angoisse. Cette guerrière moderne nous emmène à réfléchir aux intelligences, à l'artificiel, à la technologie, au virtuel, à l'avant-garde, à l'écologie, à la valeur d'une vie, à l'importance du réel, à la nécessité de l'unité…Vaste programme quand l'économie mondiale déglingue tout sur son passage, du transhumanisme mensonger à la pire cruauté de l'avarice, en passant par les honteux trafics humains et la mise en abîme par les drogues variées, avoir une petite nana combative sur ces terres dévastées, ça laisse comme une petite graine d'espoir…Mais les fleurs, tu savais, toi, qu'on les casse, qu'on les piétine, qu'on les détruit? Surtout si elle incarne la beauté et l'intelligence dans un même corps? Demande à Hedy…

« C'était sur ce fondement que fonctionnait le monde et Xiaomi trouvait ça fantastique. Cycle de machines grondantes et éternelles, et des humains, laborieux et indéfectibles. »

C'est peut-être ça le plus effarant. Que dans cet univers réinventé, les machines aient plus de valeurs qu'une vie humaine. Que le matériel est plus de valeur que des vies humaines. Que les prothèses aient plus de considération qu'une vie humaine. Que des morceaux de machines soient plus chers que des morceaux de chairs. Sur l'île de Silicium, les riches ne sont pas prêts de laisser leurs privilèges, leurs conforts, leurs avantages, leurs souverainetés, leurs pouvoirs, et leurs rêves de dépassement de la mort elle-même…Entre eux, ils se partagent la part du gâteau, mais tout cela au détriment de ceux, qui leur sont soumis, faute de moyens…Écoeurant. Écoeurant de savoir, comment tous ces jeux politiques et socials, empêchent la liberté de ces hommes condamnés, ces migrants empêchés, ces pauvres gens espérants…

« Il n'y a rien qui soit parfaitement propre. »

Le premier roman de Chen Qiufan va explorer toutes les saletés du monde, des détritus réels ou fictifs, des pires immondices qui gouvernent cette île, de la dégénérescence théorique et morale qui pèse sur l'humanité…Même en nettoyant, le futur semble indécrassable…
J'ai aimé l'oeil avisé de l'auteur, la pertinence de son analyse, la fiction anticipatrice et réaliste de nos lendemains…Mais peut-être plus encore, j'ai adoré qu'il aille explorer plus haut, plus grand, avec plus de coeur, cette histoire de recyclage, ramenant ainsi en nos mains, un texte vibrant, sensible et alerte. J'ai été bluffée par la densité, la profondeur et le magnétisme de sa plume. J'ai été embarquée, et même le livre refermé, mon esprit n'oublie pas. La réalité c'est que la défragmentation de mon âme ne pourrait se résoudre avec un rituel d'assemblage, je préfère encore jouer avec les marées, évoquer ces souvenirs, où dans la cacophonie du typhon, lancer cette bouteille à la mer, avec mon coup de coeur en tempête furieuse, vers vos réels…

« Son coeur, chuchota Xiaomi 1. Je m'empare de son coeur. »
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Quand un éditeur démarre une nouvelle collection consacrée à l'imaginaire, j'avoue être forcément curieuse. Quand la dite collection se propose de commencer par un roman de SF d'un auteur chinois, depuis ma rencontre avec Liu Cixin, cela ne peut que me rendre encore plus curieuse. Merci à Rivages d'avoir pensé à moi pour cette expérience.


Pour cette entrée en scène, l'éditeur a eu la belle idée d'y aller en douceur en choisissant non pas un titre de pure SF qui aurait pu nous emporter super loin comme avec le problème à trois corps, ma référence dès qu'on me parle de SF chinoise, mais plutôt en s'orientant sur ce courant de SF proche du thriller et proche de nous également : l'anticipation éco-technologique. Un choix judicieux. Avec la couverture d'Huleeb, le lecteur est de suite intriguée et se demande ce que peut cacher ce corps au coeur vide mais à la tête hypertrophiée. C'est une belle métaphore de la suite de l'histoire.

Texte publié pour la première fois de 2013, L'île de silicium est le premier roman de Chen Qiufan, auteur multi-primé depuis, qui s'est inspiré de sa propre jeunesse près de Guiyu, où se trouve la plus grande décharge de déchets électroniques du monde, pour l'écrire. Il y mélange, à l'aide d'une plume très fluide et addictive, des thématiques autour des questions du traitement des déchets, du rapport à ces emplois abrutissants, dégradants et dangereux pour la santé, de la place des femmes dans la société chinoise, mais aussi de la mafia chinoise et de la mondialisation, sans parler des expérimentations pharmaceutiques-militaires. C'est très riche.

Pourtant le texte ne paie pas de mine au début. Il est certes immersif et nous permet d'entrer très facilement dans le monde de Xiaomi, jeune ouvrière sur l'île de Silicium (île fictive), mais a des allures de récits à la Zola tant la misère est partout. A part découvrir les tensions entre les différents groupes voulant diriger l'île, on ne voit pas trop où cela peut nous mener, même quand elle découvre une drôle de prothèse. le mystère est bien gardé. Nous sommes alors plus dans un thriller écolo ou sociétal dénonçant ce reconditionnement des déchets confiés à des castes miséreuses qu'on dénigre, que dans de la SF.


Cependant le récit bascule au cours d'une scène d'une rare brutalité qui va être le point d'achoppement de tout et même de mon propre sentiment par rapport au récit, car elle va autant m'apporter la dimension futuriste que j'attendais, que me déranger par le choix bien trop facile de l'auteur d'occulter ce qu'a vraiment subi son héroïne. Est-ce pour nous provoquer qu'il balaie ainsi l'agression subie en se mettant dans la peau de ses personnages ou est-ce vraiment si peu important pour lui ? Cela me poursuivra jusqu'au bout tant je trouve ce pan occulté par la suite à tort.

Il aura donc fallu attendre la moitié du récit pour voir véritablement apparaître cette dimension science-fictionnesque que je désirais, mais vu que le mélange avec le thriller amorcé précédemment se fait fort bien, je n'ai aucun regret. J'ai aimé par la suite suivre les conséquences de ce qui est arrivé à Xiaomi, conséquences qui se mélangent avec les intrigues d'un certain grand groupe américain qui a envoyé un espion sur place, mais aussi avec les luttes de pouvoirs de mafias locales. J'ai beaucoup aimé, l'ambiance mi-mécha (comme dans les mangas) mi-fantastique, qui s'opère chez Xiaomi une fois qu'elle entre en contact avec un certain objet qui va la parasiter. Il y a des pages saisissantes qui décrivent ce qui se passe en elle, comment elle se transforme et ce qu'elle produit comme effet face aux gens en face d'elle. C'était glaçant et fascinant !

L'intégration des thématiques autour des produits de synthèse, des prothèses et des I.A. dans ce décor qui nous est pourtant familier et qui pourrait cohabiter avec nous, a rendu cela passionnant à lire. Et ce même si le récit se fait un peu trop à travers le regard des hommes, qui certes sont ceux qui définissent les drames qui se produisent, mais qui n'en sont pas les victimes au final. J'aurais donc aimé avoir encore plus le regard des Xiaomi car elles ont un petit quelque chose de Dark Angel quand elles viennent bouleverser cet ordre établi et lancer un coup dans la fourmilière en se transformant en arme surprenante.

Récit proche de nous et pourtant récit plein de surprise, en alliant thriller techno et anticipation écolo, L'île de Silicium vient percuter le lecteur tout comme il percute son héroïne. Récit lent et immersif au début, il devient tranchant et incisif dans sa seconde partie avec une course à la survie qui prend aux tripes et un traitement des déchets comme un traitement des humains qui doit questionner. Un joli choix pour démarrer une future collection d'Imaginaire, qui je l'espère continuera d'interpeler.
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Une chronique un peu particulière, aujourd'hui, si l'on peut appeler ça chronique. Car il s'agit davantage d'un retour sur une lecture abandonnée à un peu plus de la moitié du roman.

J'ai reçu ce livre dans le cadre de la Masse critique Mauvais genres de Babelio : à ce titre je remercie chaleureusement Babelio et la maison d'édition Payot-Rivages pour l'envoi du roman et leur confiance. Je suis donc d'autant plus embêtée de faire un retour de ce type. C'est bien la première fois que j'abandonne une lecture reçue en service de presse ou d'une masse critique. Et j'en suis vraiment navrée, et m'en excuse.

La lecture n'avait pourtant pas trop mal commencé. le roman se présente comme un thriller d'anticipation, et c'est ce qu'il est. Je trouvais même qu'il avait un aspect documentaire au-delà de sa nature romanesque, traitant de sujets difficiles avec un réalisme glaçant. le roman nous emmène sur une île déchetterie, là où sont recyclés tous les déchets de notre monde contemporain et aisé. La poubelle du monde riche, pourrait-on dire. C'est une peinture terrifiante qui est faite durant toute la première moitié du roman. Des conditions de travail lamentables, des humains traités comme des déchets, littéralement, donnant même lieu à un substantif : déchetier. Une écologie qui n'existe que sur le papier, des mers polluées, des sols vidés, de l'air irrespirable. Des gens qui survivent plus qu'ils ne vivent.
A ce tableau s'ajoutent deux dimensions supplémentaires : une lutte de trois clans qui ont la main mise sur l'île, et l'arrivée d'un américain soi-disant pour le compte d'une société de recyclage plus propre. Au final, ce ne seront que magouilles, argent sale et traite d'humains.
Un tableau bien sombre, très réaliste donc, avec plusieurs fils et personnages suivis dans un tout qui m'a paru quand même un peu décousu durant cette première moitié. Un peu de mal à m'y retrouver, à savoir où on allait, et quand le roman allait vraiment démarrer. Car je ne voyais venir aucun début d'intrigue, juste la sensation d'avoir une situation initiale qui s'étirait en longueur dans cette longue protase.
Malgré tout, c'était assez intéressant même si difficile, et ça se lit "facilement"; je veux dire par là, nulle difficulté dans la langue et j'ai trouvé la traduction très bien.

En revanche, arrive au milieu du roman une scène particulièrement difficile, à laquelle je ne m'attendais pas du tout. A vrai dire, je ne suis pas parvenue à m'en relever. D'abord, parce que je la trouve très longue. Ensuite, parce qu'elle m'a semblé d'une violence, d'une crasse et d'une dégueulasserie sans limites. Je n'ai pas réussi à supporter ça, et ça m'a mis mal à l'aise durablement. Et encore, c'est un euphémisme. J'ai aussi trouvé dommage (euphémisme encore) que ce type de scène concerne l'unique personnage féminin du bouquin croisé jusqu'ici. Et enfin, j'ai regretté que cette scène soit utilisée comme ressort narratif à l'intrigue.

Car enfin, le roman décolle. Enfin, la SF pointe le bout de son nez. Je déplore cependant encore une fois qu'il faille introduire une scène de ce genre sur un personnage féminin pour faire décoller un roman. N'a t-on aucune imagination ? Fallait-il vraiment en passer par là ? Je n'en suis pas convaincue et je regrette encore une fois cette représentation des femmes dans les romans, représentation que je rencontre toujours plus, comme si c'était un passage obligé. Bref, un agacement important en plus du malaise et du bouleversement qu'aura provoqués cette scène.
En attendant, enfin le roman prend de l'ampleur, avec une dimension SF au rendez-vous. J'ai eu une pensée à un moment pour un épisode de Tales from the loop, lorsqu'il y a fusion homme-machine.

Certainement que la seconde partie devait-elle être à la hauteur de mes attentes quand j'ai voulu lire ce roman. Sûrement, vu la première partie, devait-elle être vraiment explosive, imaginative, et conclure le roman dans un point d'orgue magistral.
Peut-être. Car en fait, je n'en sais rien; ma lecture s'est arrêtée quelques dizaines de pages après cette scène du milieu, ce concentré de violence pure. Je me suis donc passée de la seconde partie du roman, complètement incapable de retourner durablement dans ma lecture, incapable de séparer réalité et fiction.

J'ai longtemps hésité. Mais après discussion autour de moi, j'en ai conclu que j'avais atteint là mes limites. Je ne supporte plus du tout les violences auxquelles sont soumis les personnages féminins dans les romans. Je trouve ce côté systématique personnellement insupportable et je ne parviens plus à lire ce type de récits.
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Voici ce que nous dit l'éditeur que ce roman roman écologiste inspiré par la décharge de Guiyu en Chine, où se trouve le plus grand centre de recyclage de déchets électroniques du monde, une zone que les Nations Unies ont qualifiée de « calamité environnementale ». Un roman d'anticipation qui combine le réalisme avec l'allégorie pour présenter l'hybridité des humains et des machines.
Et en effet c'est exactement ça.
Nous allons suivre les jeux de pouvoir de trois familles chinoises qui régissent le rythme de la vie sur l'île de Silicium. Un jeu d'influence aussi avec la compagnie américaine qui leur propose un marché sensé améliorer les conditions de vie et de travail des ouvriers du monde entier qui viennent chercher une vie meilleur sur cette décharge à ciel ouvert.
Et puis arrive Xiaomi une jeune femme. Elle vient elle aussi travailler sur l'île de Silicium, au large de la Chine, où les appareils électroniques du monde entier sont envoyés en recyclage. Et un jour Xiaomi découvre au milieu des débris d'une mystérieuse prothèse. Celle-ci va bouleversait sa vie mais aussi l'équilibre précaire qui régnait sur Silicium. Et en plus des clans chinois, des entreprises étrangères s'intéresse à l'économie de Silicium. Mais les écologiste eux aussi sont sur le coup et leurs commandos écoterroristes vont eux aussi entrer dans la danse.
L'île de Silicium est un roman incroyable mais difficile d'accès. Notre auteur mêle énormément d'intrigues dans ce premier bouquins qui est pour moi à la fois une fiction mais aussi un récit d'alarme social et écologique triplé d'un livre catastrophe. Une prise de conscience salutaire en sommes.
Un roman d'anticipation offrant la vision réaliste d'une calamité environnementale dans la Chine de demain.
Un roman d'anticipation, un techno-éco-thriller à découvrir absolument.
Merci au éditions Rivages pour ce texte incroyable
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Ce roman de Chen Qiufan est extrêmement dense et interpelle sur divers sujets. Il est notamment question de l'écologie avec le traitement des déchets électroniques qui est "confié" à des pays en voie de développement, mais j'ai trouvé qu'il y avait également un thème social très important : la façon dont étaient traités les travailleurs migrants par les locaux ainsi que la mise en lumière du clivage entre riches et pauvres.

Il est aussi beaucouo question des avancées technologiques et des progrès de la science mais au détriment de l'humain.

Chen Qiufan nous montre ici un futur possible glaçant avec l'utilisation à gogo des lunettes de réalité augmentée ou de prothèses permettant d'améliorer nos sens. Finalement tout est lié au réseau et à l'internet. Et il ne reste plus beaucoup de place pour les particularités individuelles ou les petits défauts qui faisaient notre originalité.

J'ai beaucoup aimé voir que certaines croyances subsistent toujours, nous montrant toute la complexité de l'innovation et du progrès. L'auteur semble régulièrement mettre en avant cette dualité. J'ai également été intriguée par le retour régulier de l'auteur à la notion de l'âme, peut-être dernière chose qui nous distingue encore des robots.

Cette chronique est malheureusement très succinte comparée à la densité des thèmes abordés, mais je pense être parfois passée à côté de certaines notions. Une relecture sera nécessaire pour ma part.

Attention, certaines scènes décrites sont également assez sombres et même parfois dérangeante (la scène du viol par exemple).
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Les éditions Rivages lancent à leur tour une collection dédiée aux mauvais genres, Rivages Imaginaire, qui comprendra trois titres par an. le premier roman de cette collection, L'Île de Silicium du chinois Chen Qiufan, est traduit par Gwennaël Gaffric, le traducteur entre autres de Liu Cixin.

L'île de Silicium, poubelle technologique du monde moderne, concentre des tonnes de composés électroniques venant du monde entier. Les îliens ainsi que de nombreux migrants, tel Xiaomi, vivent de ces déchets, démontant, désassemblant ceux-ci pour en extraire les différents métaux et plastiques qui les composent. Loin de toutes normes environnementales, l'eau, les sols, et l'air de l'île sont hyper-pollués, rendant les conditions de travail tout simplement inhumaines.

Sur cette île, trois familles, trois clans, se partagent et se disputent le territoire et la gestion des déchets, manne financière pour toute une population. Quand Scott Brandle, un américain, arrive sur l'île avec un projet "vert" : installer une usine automatisée de traitement des déchets, promettant un recyclage plus propre et plus efficace, engendrant moins de pollution et moins d'exploitation humaine, les tensions déjà vives sur l'île ne font que s'accroitre. D'autant plus que l'Etat chinois et l'économie locale ne peuvent se satisfaire de l'implantation sans contrepartie d'une usine américaine sur leur territoire.

L'île de Silicium est un thriller dystopique, cyberpunk et écologique. Chen Qiufan s'est inspiré de la décharge de Guiyu, où se trouve le plus grand centre de recyclage de déchets électroniques du monde, pour nous délivrer son histoire. Il est l'un des premiers auteurs à parler de ce nouveau désastre écologique lié à l'utilisation massive des composés électroniques et de la difficulté à les recycler.

Outre l'aspect écologique et le cri d'alarme poussé par l'auteur, le roman met en lumière la dualité de la Chine d'aujourd'hui, à la fois enfermée dans sa culture et ses croyances ancestrales tout en étant pragmatique et moderne quand il le faut. Cette ambivalence est également ressentie dans sa relation aux occidentaux, essayant de minimiser les échanges pour sauvegarder son indépendance, tout en les augmentant pour faire tourner l'économie chinoise.

Chen Qiufan est également très critique envers une Chine à deux vitesses entre les riches au pouvoir et les pauvres au labeur, dénonçant l'exploitation de ses concitoyens et des migrants, pointant un racisme institutionnalisé. le besoin d'une plus grande liberté ressort de ses écrits et un parfum si ce n'est de révolution mais de changement au sein des nouvelles générations se fait également sentir. Mais l'auteur est surtout très acerbe envers les occidentaux et plus particulièrement les américains, ces arrivistes outranciers qui ne respectent rien.

Après un début plutôt lent où l'auteur présente quelques-uns de ses personnages, l'histoire s'accélère, devient plus addictive mais également plus confuse. Les sauts d'un personnage à l'autre, d'une scène à l'autre sans lien clair, tout comme de trop longues descriptions sans relief, nuisent à l'immersion.

Avec L'Île de Silicum, Chen Qiufan nous présente une Chine en pleine mutation et une Terre au bord d'un nouveau désastre écologique. Ce roman vaut pour la découverte d'une nouvelle plume chinoise et d'un point de vue non occidental sur une crise environnementale majeure à venir mais également pour la découverte d'un pays, de ses coutumes et de certains de ses travers.



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Par où commencer ?
Par la politesse élémentaire: merci à Babelio et aux éditions Rivages de m'avoir fait parvenir ce roman à la suite de l'opération Masse critique de mars.
Je suis très gênée car j'ai détesté ce bouquin au delà du dicible. Si je n'avais pas été liée par l'engagement moral de le lire en entier et d'en faire la critique, j'aurais abandonné au premier tiers. J'aime la science fiction, le problème n'est pas là, et j'aime encore plus l'anticipation mais là, rien de va. L'île de Silicium est un fatras de déchets et le roman L'île de Silicium est aussi un fatras de déchets littéraires. On dirait le cahier de brouillon de Qiufan Chen, un cahier où il aurait noté toutes ses idées pour les 10 romans à venir. Alors, on a pêle-mêle (et je pèse mes mots) une organisation d'activistes écologistes (genre Greenpeace), une île chinoise spécialisée dans le recyclage de déchets technologiques, ultra polluée donc, des immigrés pauvres et cantonnés aux tâches les plus ingrates et dangereuses, une société américaine de greenwashing, des mafias chinoises, des hakers anarchistes, Goldorak (appelé Mecha), un typhon, une sorcière, du fengshui, Dieu et des oursins. Et pour (essayer de) relier tout ça le personnage de Xiaomi, une gentille et jolie migrante dont l'interprète du négociateur de la société américaine tombe amoureux mais qui est aussi celle qui serait responsable de la maladie de l'enfant d'un chef de la mafia mais aussi celle qui aurait reçu le virus secret de l'armée américaine (ah oui, parce qu'il y a aussi un complot de type X-files) bref, on n'y comprend que dalle et ça dure 443 pages. Chaque page a été un calvaire. le pire, je ne sais pas si ce sont les invraisemblances ou la niaiserie. Alors 1) les migrants sont gentils alors que les locaux sont racistes et même si les locaux ont été très méchants, les migrants vont être très gentils à la fin 2) les ouvriers chinois semi esclaves ont des loisirs qui leur laissent le temps d'aller batifoler sur une plage au coucher du soleil avec un américain rencontré le jour-même 3) un ouvrier semi-esclave fait trembler les chefs mafieux en les menaçant de révéler qu'ils ne payent pas leurs impôts (là, j'avoue j'ai bien ri) 4) on peut négocier dehors quand il y a un typhon 5) le traducteur, embauché pour une négociation importantissime peut sécher les réunions sans que son boss s'en formalise. Rien, rien, rien n'est crédible. Quand je pense qu'il a fallu couper des arbres pour faire ça, j'ai envie de pleurer.
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Lors des Utopiales, j'ai assisté à l'event de lancement de la nouvelle collection imaginaire des Editions Rivages avec le 1er roman : L'île de Silicium de Qiufan Chen. L'auteur et son traducteur, Gwennaël Gaffric, étaient présents et ce fut un super moment ! Je remercie une nouvelle fois Céline et la maison d'édition pour m'avoir permise d'y assister et de repartir avec un exemplaire de l'ouvrage. Céline et moi avions tellement hâte de le lire que nous l'avons commencé rapidement après notre retour !

Milieu du 21ème siècle, l'île de Silicium, située au large de la Chine, est l'endroit où les appareils électroniques du monde entier sont envoyés au recyclage. Des milliers de migrants sont attirés sur cette île aux conditions de vie effroyables par la promesse d'une vie meilleure. Mais ces "déchetiers" demeurent à la merci de puissants chefs de clan. Nous allons rencontrer Scott, consultant pour une société américaine spécialisée dans le recyclage, Kai-zong, son traducteur, natif de l'île dont les parents se sont expatriés aux USA, et Xaomi, une jeune déchetière.

Ce roman est d'une richesse et d'une densité incroyable ! Les sujets abordés sont tellement variés et profonds : écologie, politique (internationale et locale), économie, traitement des migrants, expérimentations scientifiques… Ces thématiques sont abordées avec justesse et efficacité, ça en est parfois même glaçant Et les évolutions technologiques sont toutes plus originales les unes que les autres ! Les personnages sont bien développés et je n'ai pu m'empêcher de m'attacher à eux, même à certains dans le camp des "méchants".

La plume est d'une efficacité effroyable, impossible de lâcher cet ouvrage et je souligne également la qualité de la traduction dont je ne doutais pas un seul instant puisque Gwennaël Gaffric est également le traducteur de Liu Cixin (Le problème à trois corps, toi-même tu sais !). Et j'ai adoré la fin proposée.

Bref, une excellente lecture, marquante, que je vous conseille, si tant est toutefois que vous ayez un petit bagage en SF d'anticipation car encore une fois, c'est un ouvrage dense !
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Sous la bannière de « l'économie circulaire », la compagnie transférait ses déchets – et la pollution qui en résultait – à l'étranger, dans des pays en voie de développement, officiellement pour les aider à créer des parcs industriels et développer des chaînes de production, mais surtout pour bénéficier d'une offre inépuisable de main-d'oeuvre bon marché et, enfin, pour racheter, sous contrat, les précieuses terres rares. Cela revenait à acheter au prix de légumes des ressources plus chères que l'or. "
Sur les plages, dans les ruelles, entre les mains des enfants, il y a des déchets partout sur l'île de Silicium, une île-dépotoir où viennent s'échouer les déchets électroniques de toute la planète afin d'être traités. Pollution irréversible, prothèses et transhumanisme, luttes de pouvoir entre familles mafieuses, conflits d'intérêt entre compagnies étrangères, masses silencieuses de travailleurs désespérés et autres migrants anonymes qui en paient le prix: toutes ces thématiques rendent ce techno-thriller écologiste passionnant dans sa réflexion sur le rapport de forces inégal entre les intérêts financiers de quelques uns face à la vie humaine et aux ressources naturelles que l'on épuise sans vergogne.
Au coeur de ce roman d'anticipation aux tendances cyber-punks, Chen Qiufan raconte l'histoire d'une jeune femme Xiaomi, déchetière tendance no-future qui subit dans son corps et son âme (ou ce qu'il en reste) toutes les conséquences du chaos né de cette « île d'ordures ». Un récit haletant, hyper-violent, militant surtout, qui m'a embrouillée parfois, mais qui a le mérite de donner à réfléchir sur l'état de notre planète, du point de vue d'un auteur chinois. Et rien que ça, ça vaut le détour !
Recommandé par Liu Cixin (et par moi;))
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