La dévotion à ste Rita m'avait beaucoup intriguée dans ma jeunesse, lorsque je suis descendue de mon Centre natal vers les rivages de la méditerranée et que j'ai découvert l'omniprésence de cette sainte dans la statuaire des églises de la région niçoise. L'austérité doloriste des représentations cachées dans la fraîcheur des chapelles contrastait d'autant plus avec le style souvent très pimpant voir un peu clinquant de la gent féminine locale épanouie sous le soleil de la Riviera.
Ste Rita, l'envers de la cagole ? Allons donc !
Pour mes yeux d'Orléanaise bercée aux Jeanne d'arc en armure c'était en tout cas le saut dans l'inconnu. D'ailleurs, j'ai réalisé qu'elles étaient contemporaines. Deux salles, deux ambiances.
Je me souviens aussi d'un ex-voto à ste Rita déposé par Yves Klein, blocs de pigments purs, bleu et rose, et de feuille d'or.
Par la suite j'ai lu pas mal de choses sur ste Rita sans être vraiment sûre que ces choses soient vraies. Par exemple, le fait qu'elle aurait été victime de violences de la part de son mari, lui même assassiné, victime d'une vendetta. Ahhh l'Italie et ses mafieux !
Rita est une des grandes figures de piété populaire, un statut qui favorise le développement de mythologies et aussi d'un certain effet barnum puisque celui qui s'est déjà attaché à une figure fantasmée y trouvera ce qu'il a envie d'y voir.
Par ailleurs je suis toujours aussi intriguée par les figures mystiques féminines et la façon dont l'église a présenté, voir exploité leur témoignage.
Ce livre trouvé à la médiathèque me semblait une bonne opportunité pour mettre au clair ma relation affectueuse mais empreinte de doutes avec cette sainte. L'auteur est historien de formation, spécialiste de l'histoire du catholicisme, il a écrit de nombreux ouvrages, se situant dans une perspective assez traditionnelle. Soyons claire, il est plus proche des médias d'extrême droite que de témoignage chrétien.
Dans ce livre, l'objectif affiché est d'être au plus près des faits historiques : le résultat est plutôt honnête même si la lecture n'est pas follement palpitante.
Yves Chiron écrit comme un prof qui donne un cours, pas comme un écrivain.
Au final on conclut que beaucoup d'inconnues planent sur la vie de ste Rita, qui a vécu il y a quasi 600 ans quand même, et après avoir lu cet ouvrage on peine à se la représenter autrement que par le mythe catholique que l'on nous a transmis. Ayant été épouse, mère, Rita conjugue ensuite vie religieuse et expérience mystique. Forcément atypique et donc fascinant.
Par contre l'histoire des violences conjugales semble relever d'une erreur d'interprétation plutôt qu'autre chose. Bon, en fait on ne sait pas grand chose.
Le propos de l'auteur permet de comprendre les sous jacents du développement de la dévotion à son égard. Certains éléments sont assez hallucinants comme ce texte rédigé au 17e siècle où l'auteur semble indiquer que Rita priait pour que ses fils trouvent la mort plutôt que de vouloir venger leur père assassiné. Ses fils vont effectivement mourir : aurait elle été exaucée ?
Évidemment on tombe à la renverse en lisant cela en 2024, tout comme les phénomènes de pénitences, stigmates ou autres organes marqués des signes de la passion peuvent sembler totalement loufoques et un tantinet angoissants.
Mais c'est le charme (?) du catholicisme que de nous proposer ce genre d'apories en termes d'exemples et de dévotion. À nous de nous en dépêtrer avec nos cultures de femmes modernes et presque libérées.
À noter que l'ouvrage a presque 25 ans et que certaines informations sont périmées. L'église ste Rita du 15eme arrondissement que j'avais eu l'occasion de visiter quand j'étais plus jeune est désormais condamnée. Un projet immobilier devait raser le site. La polémique n'avait pas manqué alors, alimentée par les réseaux sociaux type salon beige ou autre fdesouche. Je ne sais pas si les choses se sont concrétisées mais une chose est sûre, le mythe de ste Rita perdurera au folklore gallican qui s'y manifestait dans toute sa splendeur kitsch.