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EAN : 9782070784035
224 pages
Gallimard (05/04/2007)
3.57/5   7 notes
Résumé :
résumé du livre

A l'instar du misanthrope de Molière, Jean Clair se définit volontiers comme 'un atrabilaire amoureux'. Amoureux de la langue, de la peinture, des amours d'enfance, des amours passées... Ce livre constitue donc un journal sentimental, et pas seulement d'humeur noire. Au fil des quatre saisons d'une année, Jean Clair y a noté, avec la liberté totale que suppose la forme de journal, ses souvenirs, ses rêves, ses réactions et pensées les ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
C'est la suite de son Journal atrabilaire que nous donne Jean Clair avec Lait noir de l'aube, un titre venu d'un poème de Paul Celan, et qui condense à merveille la couleur et la matière des émotions propres aux pensées et aux réflexions d'un homme historien de l'art, ancien directeur du musée Picasso, commissaire de grandes expositions confronté aux errements de notre époque. Des pages où se mêlent " le grave et le léger, l'annotation et le savant essai, la touche et la fresque, l'esquisse et l'achevé, la maxime et l'impromptu ".
En quelques lignes ou en quelques pages, et sous un titre qui en indique le thème, c'est son intranquillité comme dirait Pessoa face à la rapide disparition d'un monde où la lecture et la méditation avaient encore leur place, c'est son désarroi face à l'humanisme mou où l'âme de notre temps s'enflasque, que décline Jean Clair. À partir de choses vues, entendues, lues, vécues, c'est une pathologie de notre époque qu'il dresse. Une société où règne l'idéologie du " festif " si décriée par feu Philippe Muray, du " spectaculaire ", du " politiquement correct ", du " culturel "... La Culture, " ce monument de savoir et de sensibilité " a fait place à l'artistisation de la société, à l'effacement de toute distinction entre art et non-art : plus de Culture mais des cultures, de la rue, des cités, des blogs, des minorités, de l'entreprise...
Amalgames hâtifs, glu doctrinale, impostures programmées, impérialisme de l'insignifiant, rien n'échappe à notre limier solitaire traquant, sous les reflets de l'actualité, ce qui couve dans les profondeurs et ce qui se prépare de ténèbres. La fête n'est que " danse autour du bûcher ", la maison moderne se conçoit autour de la cuisine et de la salle de bains " culte du ventre et du bas-ventre " ; on fait du jogging alors qu'" il n'y a que les enfants qui courent naturellement. Ou les voleurs que l'on poursuit. Un adulte qui court, court après son enfance, ou, pis encore, se sent poursuivi par elle ". On jette l'anathème sur le tabac, l'alcool, le café qui " l'a-t-on oublié ? aidaient à travailler, à produire, à s'éjouir aussi ", tandis que la publicité pervertit allégrement les genres que sont la comédie et la pastorale, le tragique et le grotesque, pour nous vendre des pots de yaourt ou un crédit auto. de la trivialité des " communicants ", à la " danse du scalp autour de l'art, ce que c'est, ce que ce n'est pas, ce que ce devrait être, ce que ce fut, ce que ce sera ", c'est à l'agonie de l'art (" qui n'a fait qu'accompagner le déclin de la foi ") que nous assistons. Époque de soldes monstres, époque où s'achève, avec le lent naufrage de la langue, une manière de nommer le monde. " Mal dire, c'est maudire ", " avoir la haine ", tant avec la norme qui disparaît, c'est la violence qui s'établit dans la société. On ne se rend pas compte que les fautes de langue sont des fautes de pensée, qu'employer " générer " à la place d'" engendrer " c'est confondre cause et effet, qu'une expression floue cache une pensée fausse, que la langue commande le rapport à autrui. le rappeler, c'est poser la question de l'enseignement, de la transmission, du rapport au savoir en ces temps où il se réduit à la technologie et aux techniques qui donnent accès au marché... Banalisation, nivellement, simulacre, dans un monde qui ne rêve aujourd'hui que d'un réel univoque et consommable.
Face à ce désarmement général de la pensée, face à ce degré zéro de la médiocrité, à ce " surmonde " d'images et à son galopant puritanisme d'apocalypse, le voyage n'est même plus une consolation : " pesants, rougeauds ", " le short ouvert sur des cuisses grasses et blanches, la grole au pied, le sac au dos " " alpinistes en terrain plat ", les touristes sont partout. Alors Jean Clair se console avec l'insondable capacité onirique de l'homme, et surtout en cultivant son amour de la lecture (Baudelaire, Pavese et Sebald, " ces deux grands errants mélancoliques ", Proust, les journaux d'après 1945 de Jünger), et son approche de l'art. Qu'il parle du dessin de Music ou du Picasso rhétoriqueur, la pertinence de ses vues est toujours passionnante. Ainsi de la morale du joujou, chez Picasso encore, qui prend un relief tout particulier lorsque le joujou à démonter est un corps de femme, " et que le peintre s'arrange pour revisser, ployer et tordre ses différentes parties de sorte à les avoir toutes sous la main, bouche, seins, fesses, sexe et anus, du même côté du corps ".
À une époque où les maîtres du temps sont des Messieurs Loyal télévisuels, et où la réflexion a fait place à la sociologie constatative, il est salvateur de partager les chasses subtiles d'un des derniers vrais humanistes. Un ouvrage écrit dans l'amour de la vie et de l'art, nourri d'attention aux rapports qu'entretissent les mots avec leur mémoire et leur imaginaire. du miroitement de l'intime au déploiement quasi musical des synesthésies, en passant par un kaléidoscope de petites aventures érudites, c'est une furtive métaphysique du temps et une thérapie par le savoir que nous donne à lire, en filigrane, Jean Clair. Très subtilement réconfortant.
(critique : http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=57265..
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Par cette vision somme toute nostalgique du monde qui l'entoure, Jean Clair s'inscrit ainsi dans la question atemporelle de la mort, réponse possible à notre fascination pour la mélancolie dans l'art.
Lien : http://ogressedeparis.canalb..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
«Le mot "acédie" a disparu des dictionnaires, même des dictionnaires de théologie. Cette forme aiguë de la mélancolie affectait surtout les anachorètes, qui, succombant à l'ennui et à la paresse, au fond des déserts, étaient la proie d'horribles tentations. L'homme moderne, condamné à vivre dans le grand désert d'hommes, connaît toujours la dépression mais non plus son nom premier. Pourtant, chez Homère, l'acedia, avec son a privatif, c'est, à l'origine, la négligence, l'oubli du soin que l'on doit aux morts, le fait de les laisser sans sépulture, l'indifférence, l'oubli de ceux qui nous ont précédés. Il en résulte de grands désordres dans la cité. Notre époque qui a chassé le mot "acédie" de ses dictionnaires et qui en a oublié le sens, est cependant, dans sa propre dénégation, une époque acédiaque.» Jean Clair.
«Le mot "acédie" a disparu des dictionnaires, même des dictionnaires de théologie. Cette forme aiguë de la mélancolie affectait surtout les anachorètes [...]. L'homme moderne, condamné à vivre dans le grand désert d'hommes, connaît toujours la dépression mais non plus son nom premier.»
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"Nous sommes entrés, insensiblement, dans une Société Anonyme composée de maquereaux et de putes..."
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Videos de Jean Clair (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Clair
Intervention de l'écrivain Jean Clair lors du colloque "Que vaut le corps humain?" le 6 décembre 2019. #bernardins#colloque#corps
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