Dans ce livre, le philosophe
Michel Clouscard analyse les changements économiques intervenus après la seconde Guerre mondiale, à l'initiation du plan Marshall. Il critique vertement les pontes de la "French Theory" : Deleuze,
Guattari, Foucault,
Sartre et les autres freudo-marxistes.
Il distingue trois états du capitalisme : capitalisme traditionnel nationaliste, capitalisme fasciste, néo-libéralisme. Puis il décrit ce dernier état, dans lequel "tout est permis mais rien n'est possible".
Il démontre que l'existence de la société de consommation est une illusion car le prolétariat n'a pas accès aux biens de consommation ou de confort. Il doit se contenter des biens de subsistance et d'équipement (voiture pour aller travailler, électroménager, télévision au mieux) donc dans une logique de production ou de divertissement (voire d'endoctrinement) , pas de luxe ou de confort.
Il y a donc ceux qui produisent plus qu'ils ne consomment et ceux qui consomment plus qu'ils ne produisent, et ce sont ces derniers qui, à la faveur de Mai 68, ont érigé le désir en idole suprême. La lutte sociale a été phagocytée par l'individualisme bourgeois prônant la satisfaction de tous les désirs par la consommation. Cet acte éminemment vil et méprisable qu'est la consommation est désormais perçu comme le nec plus ultra, la tendance ultime : assouvir ses moindres volontés comme s'il s'agissait d'un acte éminemment révolutionnaire.
Ainsi, et comme Clouscard le rappelait quelques années avant sa mort, le discours écologisant, moralisateur, qui consiste à prôner la rigueur et l'ascétisme après des années de frivolité est absolument déplacé puisque ce sont les classes qui portent ce discours qui ont elles-mêmes profité de cette insouciance consumériste bourgeoise à laquelle les prolétaires n'ont jamais réellement accédé, et qui sont pourtant désormais pointés du doigt comme responsable au prétexte qu'ils utiliseraient trop leur voiture, elle-même achetée pour pouvoir se rendre sur leur lieu... de production !
Néanmoins, malgré les évidentes qualités du raisonnement et le génie des nombreuses fulgurances théoriques déployées dans ce livre, on regrettera son impénétrabilité. L'emploi à outrance de vocabulaire de sociologue extrêmement abstrait ainsi que l'accumulation de sous-parties, sous-sous parties et sous-sous-sous parties rendent extrêmement obscure la pensée de Clouscard. Finalement, la partie la plus compréhensibles est l'introduction rédigée par
Aymeric Monville, spécialiste de l'auteur, qui livre là un résumé exégétique d'une clarté bien supérieure au contenu du livre en lui-même.