Le livre « vache-qui-rit » (si-si je vous explique).
Daniel Sabre, sous-officier ayant demandé une promotion, ne peut se permettre de refuser la mission des plus étranges confiée par ses supérieurs : Conduire une mercedes de location pour servir d'escorte à une dame qu'il ne connaît pas, prénommée Marlène, en l'emmenant absolument partout où elle veut jusqu'à la fin de son périple, pour une destination et une durée inconnues - Rapports journaliers exigés. L'armée ne faisant jamais rien au hasard, c'est au compte goutte que nous apprendrons tout l'enjeu de cette étrange mission, et de son intrigante passagère…!
Bon, vous me direz : S'il ne voulait pas obtenir sa promotion, Daniel n'aurait-il pas obéi malgré tout ? N'y aurait-il pas été obligé ? N'est-ce pas ce qu'on est sensé faire à l'armée : Obéir sans (se) poser de question ?
Est-ce un bien ? Une nécessité ? ou alors un mal, un danger ?
Pour Dany, la réponse est simple : « Toute société ne fonctionne que si les gens savent ce qu'ils doivent faire. Pour cela, il faut des dirigeants. » Il s'apprête donc à supporter la compagnie et les frasques de cette bourgeoise coincée, sans lui poser de question, comme on le lui a demandé.
Sa vision provoque la colère de Marlène : « Je trouve votre désinvolture aberrante. (…) Vous n'êtes pas un gamin, vous jouissez de toutes vos facultés mentales, vous êtes bien éduqué, vous avez des valeurs, des principes, vous croyez peut-être en un dieu quelconque et pourtant vous obéissez aux ordres qu'on vous donne sans poser la moindre question. »
Pourquoi prend-elle cette question tellement à coeur ? La réponse se trouve dans l'objet même du périple, que l'auteur nous dévoile par chapitre intercalés.
Et si l'on est tenté de répondre que cela dépend, alors à partir de quand ou de quoi cela dépend-il ? Obéir à un ordre durant une manoeuvre d'exercice ou durant une guerre, n'est-ce pas la même chose ? Mieux encore, n'est-ce pas justement l'objectif, de s'entrainer à obéir aveuglément pour que cela soit bien intégré au moment le plus crucial, le plus contestable dans le même temps, peut-être ?
« C'est la règle à l'armée et croyez-moi, c'est mieux. Si tout le monde commençait à discuter ou à s'interroger sur la finalité de chaque ordre, on ne gagnerait jamais une guerre. » Tel est du moins l'opinion de notre soldat en ce début de périple. Celui-ci le fera-t-il changer d'avis ?
De nos fauteuils bien à l'abri sous nos couvertures de jugements faciles, on pourrait être tentés de répondre que l'obéissance à un chef est nécessaire pour conserver un certain ordre, mais que si, par exemple, ce chef ordonnait de brûler des innocents dans des camps, alors il serait temps de lui désobéir… Mais est-ce si simple ? Sur quel fondement ? Quel est la différence entre cet ordre et les autres actes de guerres communément admis pour gagner une guerre…?
« Gagner une guerre ? C'est votre raison d'être ? le but de votre existence ? Exterminer les milliers de russes qui envahiront bientôt l'Europe ? Tuer l'ennemi. Quelle ambition ! »
De ces questions
Paul Colize a fait un roman gigogne. Son huis clos en voiture met en abyme l'intrigue de fond objet de cet étrange voyage
: La question de principe qui va se poser entre les deux personnages reflètera celle qui s'est posée dans leur passé et qui les a amenés ici ... Entre deux révélations, le trajet finira même par s'animer un peu, même si l'on devine quand même assez vite vers quoi on s'oriente grâce à l'incrustation de flashes d'info. Un périple qui s'annonce comme une grande vadrouille mais pose les questions qui fâchent, autour d'une histoire bâtie comme un thriller et des personnages simples, mais efficaces. Merci à Spleen pour cette idée de lecture qui glisse toute seule : Idéale entre deux lectures plus consistantes.