Ce petit roman a tout d'un petit charme enfantin, du titre au regard très sourire d'Adelise par lequel on découvre ce petit monde créole de la Martinique. Mais ce regard contraste simplement avec la dureté de l'histoire de cette petite, de la vie à la Martinique. A travers le récit et les descriptions,
Raphaël Confiant fait connaître la vie en Martinique, les cultures, les traditions, du vaudou au carnaval, la culture du conte oral…
Ecrit d'abord en créole, le style de
Raphaël Confiant est loin de l'académisme français, se lie à la chair (caractéristique de la négritude de Fanon et
Césaire), au corps et à cette culture, aussi bien dans le lexique que dans la syntaxe et les expressions. de plus, la structure du récit est elle-même tiraillée, bien que globalement chronologique, avec au début une alternance entre le personnage se rendant à Fort de France et son enfance, mais surtout une alternance entre un point de vue assez proche de l'intériorité d'Adelise et un point de vue plus reculé.
Dans toute sa simplicité de paysanne, de pauvre sans éducation, le personnage d'Adelise demeure touchant, plein d'humanité, de chair, attachant même dans sa bêtise, ses erreurs. de même, les autres personnages sont peu jugés par l'auteur, à l'image du pourtant lâche Féfé, vivant au collet de Philomène mais touchant par son attachement à la culture créole. Grâce à ce regard souriant, bienveillant sur ses personnages, Confiant parle de la misère, de la violence, de l'injustice, sans pathos ni bons sentiments faciles, sans grands discours.
Ce lourd passé, ces origines, qui nous sont racontées avant le départ d'Adelise pour la métropole, le pays rêvé, sont comme un symbole du passé que « traînent » les Antillais. Roman d'apprentissage et de vie d'une jeune fille, ce
Mamzelle Libellule est aussi un roman « engagé » socialement, montrant en arrière-plan les manifestations, les troubles sociaux, les inégalités, l'assujettissement de l'île au gouvernement central de la France. On comprend ce besoin d'affirmer l'identité d'une région, d'une culture, en réaction à cette situation qui broie les hommes et femmes du pays, qui ici ne sont que d'anciens paysans partis car sans avenir, cette situation où seule la culture créole devient richesse.
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