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Gianfranco Contini (Préfacier, etc.)Patrice Dyerval Angelini (Traducteur)
EAN : 9782070326624
373 pages
Gallimard (06/09/1991)
4.08/5   19 notes
Résumé :
La quasi-totalité des trois premiers recueils et, pour les quatre derniers, un choix représentatif des idées, de la vie et de la personnalité de Montale âgé
Que lire après Poèmes choisis, 1916-1980Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Montale était génois, originaire des Cinque Terre. Un des plus grands poètes italiens..

J'ai rencontré sa poésie pour la première fois sur le mur du petit port de Porto Venere, ( je viens d'en retrouver la trace grâce à une photo et corrige mon précédent écrit..) :

Là fuoresce il Tritone
dai fluttiche lambiscono
le soglie d'un cristiano
tempio, ed ogni ora prossima
è antica. Ogni dubiezza
si conduce per mano
come una fanciuletta amica.

Là non è chi si guardi
o stia di sè in ascolto.
Quivi sei alle origini
e decidere è stolto:
ripartirai più tardi
per assumere un volto.

En traduction:
Là surgit le Triton
des flots qui lèchent
les marches d'un temple
chrétien, et chaque heure à venir
est ancienne. Toute incertitude
se conduit par la main
comme une fillette amie.

Là nul qui se regarde
ou se tienne à l'écoute de soi.
Ici tu es aux sources
et décider n'a pas de sens:
tu repartiras plus tard
pour prendre un visage.

Sur ces Cinque Terre, presque plus marines que terrestres, il a écrit aussi:
"Le voyage prend fin sur cette plage
que harcèlent les flots patients.
Rien ne dévoile, sinon des fumées paresseuses,
le rivage que tissent de conques
les vents bénins: et rarement se montre
dans la bonace muette
entre les îles d'air migratrices
la Capraia ou la Corse échineuse."

J'ai d'abord aimé, donc, le marin, le poète aigu et âpre de Ossi di sepia -os de seiche- qui avait pour la poésie les mêmes exigences méticuleuses et presque prosaïques qu'un Ponge, cherchant la forme exacte, la formule parfaite qui puisse convenir à son exigence de pureté:

"N'exige pas de nous la formule qui puisse t'ouvrir des mondes,
mais quelque syllabe difforme, sèche comme une branche;
Aujourd'hui nous ne pouvons que te dire ceci:
ce que nous ne sommes PAS, ce que nous ne voulons PAS" (c'est moi qui souligne, il n'y a pas d'italique..)

J'ai aimé ses refus, ses pudeurs, et jusqu'à son désespoir de jeune poète intransigeant:

"Le voyage prend fin ici:
dans les soucis mesquins qui divisent
l'âme qui ne sait plus émettre un cri.
A présent les minutes sont égales et fixes
comme les tours de roue de la pompe.
Un tour: une montée d'eau qui résonne.
Un autre, nouvelle eau, parfois un grincement."

Puis j'ai découvert "Occasioni", un recueil plus ouvert, plus tolérant, moins absolu- plus mûr, mais encore marin, encore déchiré -on ne se raccommode pas si vite avec la vie!

J'ai vu le poète engagé quand éclate la guerre et le nazisme (page 156), le poète voyageur épris de traces antiques - la regrettée Palmyre, la Syrie sans bourreaux- l'ami de Rimbaud, De Villiers...et rit franchement en retrouvant sous sa plume les accents railleurs d'un Horace dans les Satura - titre du recueil en hommage limpide au poète latin :

"Écouter était ta seule façon de voir,
La note de téléphone s'est réduite à bien peu."

Ou encore , nettement plus caustique et vitriolé:

"Toutes les religions du Dieu unique
n'en font qu'une: seuls varient cuisiniers et cuissons."

Un des plus grands poètes italiens, un des plus variés aussi: les Poèmes Choisis édités par Gallimard permettent d'aller faire une croisière dans les cinque terre de Montale..

Petites criques solitaires, récifs épineux, plages dorées, coquillages sensuels, oursins piquants..

Tout y est: un joli périple, que je vous recommande!






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Publié en 1991, ce recueil d'Eugenio Montale regroupe un choix de textes couvrant l'ensemble de la carrière du grand poète italien.
La poésie chez Montale est principalement un moyen d'approcher la condition existentielle de l'homme moderne, une forme d'absolu restant, pour le poète, toujours à discerner, à définir. Dans cette recherche poétique, il n'y a pas d'élévation stylistique ou spirituelle, le poète ne peut dire ce que l'homme n'est pas et ne serait être. Ainsi, il reste toujours dans les poèmes d'Eugenio Montale une part d'indéfini.

Reste le témoignage de la vie, des expériences vécues, celles des rencontres, des voyages, des amours, etc. pour donner sa valeur symbolique et historique et revêtir de beauté, de dignité, la vie des hommes sans rien oublier de leur faiblesse, de leur finitude.

C'est une recherche constante et très personnelle dans l'oeuvre d'Eugenio Montale. Il y a toujours chez lui une quête de sens, un besoin de morale mais sans intention moralisatrice (Montale s'est toujours défié des théories philosophiques, religieuses et idéologiques) qui rend sa poésie très attachante. Oeuvre riche en visions, en couleurs, en paysages, en souvenirs nichés dans l'intime, les textes de Montale, écrits sur des thèmes très variés, résonnent toujours avec subtilité et intelligence sur la sensibilité du lecteur. Une poésie touchante.
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Les 3 étoiles ne reflètent que mon ressenti. Ce n'est absolument pas objectif. Mais j'arrête pour l'instant cette lecture. J'ai parcouru ces poésies, à la recherche d'un sens que je ne trouve pas. Je crois que Montale, comme Ungaretti et Luzi, entre autres, font partie de ce qu'on appelle le courant « hermétique ». Hermétique en tout cas pour moi. Je me suis accroché à certains poèmes, certains vers qui me parlent un peu plus mais, qui me laissent assez froid. Peut-être n'est-ce pas le bon moment ?
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Très beau recueil de poèmes d'Eugenio Montale, un auteur que je ne connaissais pas et que j'ai découvert grâce à ces "poèmes choisis".
Considéré comme l'un des plus grands poètes italiens contemporains, son oeuvre ou du moins certains de ses textes se doivent, à mon humble avis, d'être connus, ne serait-ce que pour avoir un aperçu de son incroyable talent. C'était un homme très en avance sur son temps puisque durant sa jeunesse et même après, il a eu assez de recul pour comprendre les horribles évènements qui étaient en train de se tramer en Italie et a toujours refusé d'adhérer au parti fasciste. Cela s'en ressent d'ailleurs dans ses écrits puisque Montale nous parle non seulement d'amour bien sûr mais aussi de la guerre, du temps qui s' écoule, de notre raison d'exister et de bien d'autres sujets encore. A découvrir !
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Un poème d'Eugenio Montale

Morgane
Je ne puis imaginer que ta jeunesse
se soit prolongée
si longtemps (et quel temps !).
On m'avait accusé
d'abandonner le troupeau
comme si je me sentais
illustre, ex gregis, que sais-je encore.
Or je m'étais contenté de dire
revenons à nos moutons (foin des brebis)
mais la foule pensa
que la disgrâce d'appartenir à un multiple
était signe d'âme déformée
et de coeur sans pitié.
Hélas fille adorée, ma véritable
Reine de la Nuit, ma Cordélie,
ma Brunehilde, mon hirondelle de l'aube,
ma baby-sitter si mon cerveau s'égare,
mon épée mon bouclier,
hélas comme se perdent les pistes
que traçaient sous nos pas
les Mânes qui nous ont veillés, les plus atroces
qui aient jamais été gardiens de deux humains.
On a écrit et dit que la foi nous manquait.
Peut-être en avons-nous eu un succédané.
La foi est autre chose. Ainsi disait-on mais
il n'est pas dit que le dit soit bien sûr.
Peut-être aurait suffi celle en la Catastrophe,
mais non pour toi qui du giron des Dieux
sortais pour y faire retour.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Dans l’inhumain (Nel disumano, 1976)


Il n’y a rien d’agréable
à te savoir sous terre même si l’endroit
peut ressembler à l’Ile des Morts
avec un soupçon de Renaissance.
Cela n’a rien d’agréable d’y penser
mais le pire est de voir. Quelques cyprès,
des tombes de second ordre avec des fleurs artificielles,
dehors un bout de parking pour d’improbables
voitures et cars. Mais je sais que ces morts
habitaient à deux pas, toi
tu as fait exception. J’ai horreur
de songer que là-dedans quelques os
et deux ou trois babioles furent tout ce qu’on croyait
être toi et l’étaient peut-être, atroce à dire.
Sans doute dans ta hâte à t’en aller croyais-tu
que le premier parti trouve la meilleure place.
Mais quelle place et où ? On persiste à penser
avec une tête humaine alors qu’on entre
dans l’inhumain.

*

Nel disumano

Non è piacevole
saperti sottoterra anche se il luogo
può somigliare a un’Isola dei Morti
con un sospetto di Rinascimento.
Non è piacevole a pensarsi ma
il peggio è nel vedere. Qualche cipresso
tombe di second’ordine con fiori finti,
fuori un po’ di parcheggio per improbabili
automezzi. Ma so che questi morti
abitavano qui a due passi, tu
sei stata un’eccezione. Mi fa orrore
che quello che c’è lì dentro, quattro ossa
e un paio di gingilli, fu creduto il tutto
di te e magari lo era, atroce a dirsi.
Forse partendo in fretta hai creduto
che chi si muove prima trova il posto migliore.
Ma quale posto e dove? Si continua
a pensare con teste umane quando si entra
nel disumano.

4 février 1976
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Toute la foi que j’ai en toi (Ho tanta fede in te, 1980)


Toute la foi que j’ai en toi
durera
(Je t’ai un jour dit cette sottise)
Jusqu’à l’éclair d’outre-monde détruisant
L’immense dépotoir où nous vivons
Lors nous nous trouverons en je ne sais quel lieu
Si dire lieu a un sens quand l’espace
Manque, discutant tel vers controversé
Du divin poème.

Je le sais, au-delà du visible du tangible
Point de vie possible mais l’outre-vie
Est peut être l’autre face de la mort
Cachée en nous au long de tant d’années.

Toute la foi que j’ai en moi
Tu l’as ranimée sans le vouloir
Sans le savoir car ici-bas
Chaque débris de vie contient une trappe
Dont nous ne savons rien et qui peut être
Nous attendait égarés incapables
De lui donner sens.

Toute la foi que j’ai me brûle ; certes
En me voyant on me croira de cendre
Sans s’apercevoir de ma renaissance.

*

Ho tanta fede in te che durerà
(è la sciocchezza che ti dissi un giorno)
finché un lampo d’oltremondo distrugga
quell’immenso cascame in cui viviamo.
Ci troveremo allora in non so che punto
se ha un senso dire punto dove non è spazio
a discutere qualche verso controverso
del divino poema.

So che oltre il visibile e il tangibile
non è vita possibile ma l’oltrevita
è forse l’altra faccia della morte
che portammo rinchiusa in noi per anni e anni.

Ho tanta fede in me
e l’hai riaccesa tu senza volerlo
senza saperlo perché in ogni rottame
della vita di qui è un trabocchetto
di cui nulla sappiamo ed era forse
in attesa di noi spersi e incapaci
di dargli un senso.

Ho tanta fede che mi brucia; certo
chi mi vedrà dirà è un uomo di cenere
senz’accorgersi ch’era una rinascita.
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J’ai descendu, en te donnant le bras (Ho sceso, dandoti il braccio,)

J’ai descendu, en te donnant le bras, plus d’un million d’escaliers,
et maintenant que tu n’es plus là c’est le vide à chaque marche.
Même ainsi notre long voyage a été court.
Le mien dure encore, et je n’ai plus besoin
des correspondances, des réservations,
des embûches, des déboires de qui croit
que la réalité est celle qu’on voit.

J’ai descendu des millions d’escaliers en te donnant le bras,
et non parce que quatre yeux y voient sans doute mieux.
C’est avec toi que je les ai descendus, sachant que, de nous deux,
les seules vraies pupilles, malgré leur épais voile,
c’étaient les tiennes.

*

Ho sceso, dandoti il braccio, almeno un milione di scale
e ora che non ci sei è il vuoto ad ogni gradino.
Anche così è stato breve il nostro lungo viaggio.
Il mio dura tuttora, nè più mi occorrono
le coincidenze, le prenotazioni,
le trappole, gli scorni di chi crede
che la realtà sia quella che si vede.

Ho sceso milioni di scale dandoti il braccio
non già perché con quattr’occhi forse si vede di più.
Con te le ho scese perché sapevo che di noi due
le sole vere pupille, sebbene tanto offuscate,
erano le tue.

20 novembre 1967
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DANS L'INHUMAIN

Il n'y a rien d'agréable
à te savoir sous terre même si l'endroit peut ressembler à l'Île des Morts avec un soupçon de Renaissance.
Cela n'a rien d'agréable d'y penser mais le pire est de voir. Quelques cyprès, des tombes de second ordre avec des fleurs artificielles, dehors un bout de parking pour d'improbables voitures et cars. Mais je sais que ces morts habitaient à deux pas, toi tu as fait exception. J'ai horreur de songer que là-dedans quelques os et deux ou trois babioles furent tout ce qu'on croyait être toi et l'étaient peut-être, atroce à dire. Sans doute dans ta hâte à t'en aller croyais-tu que le premier parti trouve la meilleure place. Mais quelle place et où? On persiste à penser avec une tête humaine alors qu'on entre dans l'inhumain.

(Extrait de "Cahier de poésie 1973-1977)
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ÉLÉGIE

Ne bouge pas.
Si tu bouges tu le brises.
Comme une grande bulle de cristal
mince
ce soir, est le monde :
il gonfle il gonfle il monte.

Qui d'entre nous
croyait en épier le rythme et le souffle?

Mieux vaut ne pas bouger.
C'est un bleu d'eau profonde
qui nous enveloppe,
en lui
pullulent formes images arabesques.
Ici pas de lune pour nous :
c'est plus loin qu'elle doit s'arrêter :
les confins du visible en écument.

Fleurs d'ombre
jamais vues, imaginées,
Vergers emprisonnés
par deux murs,
parfums entre les doigts des potagers !
Nuit sombre,
crées-tu des fantômes
ou berces-tu
dans tes bras un monde ?

Ne bouge pas.
Comme une bulle immense,
tout gonfle, tout monte.
Et toute cette fausse réalité
explosera
peut-être.
Nous, nous resterons peut-être.
Nous peut-être.
Ne bouge pas.
Si tu bouges tu le brises.

Tu pleures ?

(extrait de "Autres vers et poésies éparses") Pp. 299-300
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