Un livre plein d'humanité ou le témoignage est toujours une invitation à explorer des voies thérapeutiques nouvelles et créatives.
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Heureusement, il y a un remède contre l'inquiétude : la nature. Je tiens cet amour de la nature de mon père. Il entretenait un rapport étonnant avec elle. À 6 h du matin, en entrant dans la forêt, il me disait immanquablement :
« Guy, nous entrons au paradis !
– Tu veux dire au paradis des moustiques !
– Non, au paradis sur la Terre... »
Sa présence vibrante au milieu des pierres et des arbres était un hommage vivant à la beauté de l'univers. Il ne cessait de s'extasier et de s'émerveiller de la moindre racine et de la moindre feuille. Sa présence était amoureuse et il était prêt à tout pour nous faire partager sa passion. Lorsque je suis dans la forêt, je le retrouve au détour de chaque plante et de chaque fleur. La grâce du chant des oiseaux, la saveur des petits fruits me parlent de lui.
Le spectacle de la nature se renouvelle sans cesse et il renouvelle mes énergies en même temps. Il suffit que je consente à m'ouvrir et je me retrouve instantanément à son diapason, le diapason des choses tranquilles. L'état de faiblesse que la maladie entraîne me donne rendez-vous avec ce calme-là. Je ne crois d'ailleurs pas que l'on puisse revenir à l'équilibre sans goûter à la paix intérieure, une paix que la tranquillité de la nature réveille en nous.
Plus jeune, je devenais facilement mélancolique. Comme me l'ont fait remarquer mes amis, même en entonnant des chansons exprimant une joie profonde, je garde souvent un air nostalgique. Le poète Aragon, mis en chanson par Jean Ferrat, ne dit-il pas : « Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes / N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue ? » Chez moi cette désillusion a plusieurs causes. L'aspect difficile de ma propre existence et de l'existence humaine en général me touche depuis toujours. Derrière l'effervescence que l'on reconnaît en moi, il y a aussi celui qui est las d'exister.
Assez tôt, il me semble que j'ai perdu contact avec l'enfant rieur. La recherche passionnée du sens de la souffrance humaine est une quête fort importante pour moi. La maladie a permis à deux reprises déjà que je lève une partie du voile. À chaque fois, mes conceptions de l'existence se sont élargies. Il n'en reste pas moins que je conçois comme un devoir quotidien la prise de contact avec l'enfant joyeux que je porte et qui demande à naître et renaître encore et encore. Une troisième vie m'est donnée, pour ainsi dire, et j'entends bien que son souffle soit plus léger et réjoui que tout ce qui a précédé.
Lorsque vous êtes contracté, aux prises avec vos blessures et vos peurs, soumis à votre personnage, éprouvant une tristesse qui déborde de vous, les gens n'ont pas le goût de vous approcher. Ils éprouvent de la bienveillance, et certains tenteront de briser votre bulle de chagrin par compassion. Mais personne n'en a vraiment envie, sauf ceux qui s'identifient à vous parce qu'ils éprouvent, de façon cachée ou apparente, une peine similaire à la vôtre. Si, par ailleurs, quittant votre bulle de mélancolie, vous faites l'effort de vous mettre en contact avec les aspects lumineux de votre être, et que vous vibrez de joie en mettant un sourire dans votre coeur et sur votre visage, les autres vous souriront en retour et auront le goût de s'approcher.
On n'a pas besoin d'attendre d'être malade pour vivre. David Servan-Schreiber disait que le cancer est une maladie du style de vie. C'est aussi une maladie du style de vie intérieure. Se brancher chaque jour sur des états plus expansifs où nous ne sommes pas ratatinés dans ce que nous croyons être, s'ouvrir au fait que nous sommes plus que ce que nous pensons, aux perceptions, à l'union, par des exercices corporels énergétiques, par de la méditation, tout cela permet d'entrer dans des états plus légers, plus harmonieux, plus joyeux qui sont des facteurs de santé importants. Car la maladie est toujours accompagnée d'un affaissement du taux vibratoire.
Je jubile. J'ai réussi à établir le contact. Je peux entendre ce que mon intérieur essaie de me dire. Je comprends que je ne suis pas encore arrivé dans ma vie. Je ne suis pas assis sur ma base, parvenu à ce qui me fonde. Il y a de l'amour plein mon coeur et je l'offre à la ronde; toutefois, je ne m'accorde pas le droit de m'aimer de m'apprécier. A présent la clé est dans le moteur. La machine ronronne. J'ai la permission d'exister. J'ai la permission d'être qui je suis. Je m'octroie le droit de jouir de mes talents, de mes dons, de ma présence au monde. Bien qu'ayant montré à tant de gens à s'aimer et à aimer leurs créations, je n'y suis pas parvenu moi-même. Il fallait que le contact passe par le ventre et par la racine. Une sensation d'unité profonde se répand en moi.
Guy Corneau - Physique quantique