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EAN : 9782070457403
192 pages
Gallimard (27/02/2014)
3.75/5   16 notes
Résumé :
Saviez-vous que les chats étaient des téléphones ? Que les tables lèvent le pied quand elles se retrouvent seules ? Que l'avenir de la natation sportive réside dans des piscines remplies de farine ? Et combien il est difficile de tuer l'hydre de nos obsessions et de conserver malgré tout quelque chose de soi ?

N'osant s'autoriser l'autobiographie, Julio Cortázar utilise des subterfuges. Le voici qui nous offre un tour de Lucas en cinquante saynètes. A... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans ce recueil de courts textes, le discours indirect libre règne en maître : le dialogue est survolé à un rythme effréné, sans tiret et guillemets. C'est un moyen pour Cortazar de laisser tous ses personnages fugaces envahir la voix narrative de ses mini-nouvelles. Il suggère ainsi l'effervescence de son monde intérieur, qui n'est pas assez grand pour un seul homme. Aussi décide-t-il de se dédoubler. Ce recueil ne porte donc pas sur Julio, mais sur Lucas, et pourtant c'est la même chose, nonobstant le trouble dissociatif ainsi acté.

Le résultat est aussi aléatoire que les pensées spontanées tourbillonnant dans la tête d'un écrivain. En certains cas, c'est beau, je suis emporté, et je m'incline à la fin de la valse, comme lors de cette conférence auprès d'une table, un pauvre meuble qui n'avait rien demandé et se retrouve au coeur d'une diatribe hallucinante contre les barrières dressées par le réel entre les hommes et leurs aspirations. Quelle verve !

C'est une volubilité de tous les instants. Cortazar parle sans arrêt, sur tous les sujets, avec n'importe qui, n'importe quoi, et surtout avec lui-même, puisque l'on ne peut pas démêler l'imaginaire de son inspiration autobiographique. L'un des fragments de ce recueil s'intitule d'ailleurs « Lucas, ses soliloques », et l'oppose à un interlocuteur quelque peu abstrait, dont l'identité fait tout le sel de la chute.

Ce bavardage peut devenir parfois agaçant, quand l'humour léger ne parvient pas à diluer la lourdeur de certains délires conceptuels moins inspirés, qui s'accompagnent parfois d'un étalage de références un peu pédantes (avec des textes comme le « zipper sonnet », il se rapproche ainsi dangereusement des travers dont il se moque lui-même par ailleurs dans « Texturologies », hilarante parodie du jargon universitaire et du vide que celui-ci peut parfois recouvrir). En tout cas, on ne peut certainement pas reprocher à Cortazar un manque de créativité. Lucas n'est d'ailleurs que l'un de ses alter egos, ses hydres qui ne peuvent s'empêcher de pousser et prennent parfois des formes inquiétantes lorsqu'elles menacent de dissoudre son identité : "Now shut up you distasteful Adbekunkus !", ordonne-t-il à l'une d'elles, tel un dément ordinaire (qui n'a jamais eu d'ami ou d'ennemi imaginaire ?).

Ce livre se résume donc à la singularité du regard que Cortazar porte sur le monde, malgré (grâce à ?) l'altérité qu'il porte en lui. Prendre de la distance, se considérer soi-même comme un autre, peut-être est-ce la meilleure façon de se sentir en harmonie avec la frénésie du monde (une frénésie tout aussi inarrêtable que la voix narrative de ce recueil). Et de s'autoriser à en rire.

Cela m'encourage à pousser plus avant dans la découverte des oeuvres de Lucas… de Julio… de cet autre dans lequel je me retrouve un peu.
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Je n'ai pas accroché du tout, c'était beaucoup trop absurde pour moi.
Une critique plus détaillée et d'autres sur
Lien : http://le-blog-d-elisabeth-g..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
"Lucas, ses combats contre l’hydre"

À présent qu’il devient vieux, il se rend compte qu’il n’est pas facile de la tuer.

Il est facile d’être une hydre mais pas de la tuer car s’il faut couper en effet ses nombreuses têtes (de sept à neuf selon les auteurs ou bestiaires consultables) pour la tuer, il convient cependant de lui en laisser au moins une car l’hydre c’est Lucas et ce qu’il aimerait c’est sortir de l’hydre mais demeurer en lui-même, passer du poly- au mono-céphale. Et c’est là que j’attends, dit Lucas qui jalouse Hercule de n’avoir jamais eu de tels problèmes et d’avoir pu d’un seul coup de glaive faire de son hydre une jolie fontaine d’où giclaient sept ou neuf jets de sang. Une chose est de tuer l’hydre et une autre d’être cette hydre qui ne fut autrefois que le seul Lucas, lequel voudrait bien le redevenir. Par exemple, tu lui donnes un coup sur la tête qui collectionne les disques et un autre sur celle qui pose invariablement la pipe à gauche du bureau et le verre avec les crayons-feutres à droite un peu plus en arrière.

Considérons à présent les résultats obtenus : Hum ! on a du moins gagné que ces deux têtes enlevées mettent en crise celles qui restent, lesquelles, fébrilement, pensent et pensent encore face à l’événement déplorable. Autrement dit : pour un moment au moins le besoin urgent de compléter la série des madrigaux de Gesualdo, prince de Venosa, cesse d’être obsédant (il manque à Lucas deux disques de la série parce qu’ils sont épuisés, parce qu’on ne les rééditera pas et cela lui gâche le plaisir d’avoir les autres. Meure, tranchée net, la tête qui pense ainsi, qui désire et qui sape). Par ailleurs, c’est une nouveauté inquiétante que de ne pas trouver la pipe à sa place quand on allonge la main. Profitons de cette volonté de désordre pour trancher sur-le-champ cette autre tête, amie des pièces closes, du fauteuil à côté de la lampe pour la lecture, du whisky à six heures et demie avec deux glaçons et peu de soda, des revues et des livres empilés par ordre de priorité.

Mais il est très difficile de tuer l’hydre et de revenir à Lucas, il le sent bien au milieu de la sanglante bataille. Pour commencer il est en train de la décrire sur une feuille de papier qu’il a sortie du deuxième tiroir à droite de son bureau alors qu’il y a du papier en vue de tous côtés, mais non monsieur, le rituel est celui-là et ne parlons pas de la lampe italienne réglable quatre positions cent watts, placée telle une grue au-dessus d’un bâtiment en construction et fort délicatement orientée pour que le faisceau de lumière, etc., coup fulgurant sur cette tête du scribe accroupi. Une de moins, ouf. Lucas se rapproche de lui-même, la chose ne se présente pas mal du tout.

Il n’arrivera jamais à savoir combien de têtes il lui reste encore à couper car le téléphone sonne et c’est Claudine qui propose d’aller en-vi-te-sse au cinéma parce qu’on passe un Woody Allen. Lucas, à ce qu’il semble, n’a pas coupé les têtes dans l’ordre ontologique car sa première réaction est non ; absolument pas ; Claudine gigote comme une crevette à l’autre bout du fil, Woody Allen Woody Allen, et Lucas, fillette ne me bouscule pas si tu veux obtenir quelque chose de moi, tu crois que je peux abandonner comme ça cet affrontement dégoulinant de plasma et de facteur rhésus uniquement parce que t’as une crise de Woody Woody, tâche de comprendre qu’il y a valeur et valeurs. Quand, à l’autre bout du fil, on laisse tomber l’Annapurna en forme de récepteur sur le socle, Lucas comprend qu’il lui aurait fallu d’abord couper la tête qui ordonne, respecte et hiérarchise le temps, ainsi peut-être tout se serait-il desserré soudain et alors pipe Claudine crayons-feutres Gesualdo, en séquences différentes, et Woody Allen bien sûr. Mais c’est un peu tard, mais plus de Claudine, mais plus de mots, même pour continuer à raconter la bataille puisqu’il n’y a plus de bataille, quelle tête couper puisqu’il en restera toujours une plus autoritaire, il est l’heure de répondre au courrier en retard, dans dix minutes le whisky avec ses glaçons et son soda, tellement évident qu’elles ont déjà repoussé, les têtes, qu’il ne lui a servi à rien de les couper. Dans la glace de la salle de bains, Lucas voit l’hydre au complet avec ses bouches aux brillants sourires, toutes dents dehors. Sept têtes, une par décennie et, pis encore, ce soupçon qu’il peut lui en pousser deux autres, pour satisfaire certaines autorités en matière hydrique, à condition bien sûr que la santé soit bonne.
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Il doit y avoir quelque part une poubelle où s'amoncellent des explications. Une seule chose inquiète dans un aussi juste panorama : ce qui arrivera le jour où quelqu'un pourra aussi expliquer la poubelle.
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Vidéo de Julio Cortázar
Auteur de nombreux recueils de nouvelles qui ont fait de lui le maître de la littérature fantastique, Julio Cortázar a laissé une oeuvre où les convictions côtoient l'onirisme et l'humour, s'imposant ainsi parmi les plus grands écrivains de la littérature latino-américaine moderne.
Lire Cortázar, c'est plonger dans un univers littéraire à la fois captivant et déroutant, où la réalité se mêle à l'imaginaire avec une habileté saisissante.
Tous les livres de Cortázar publiés chez Gallimard : https://www.gallimard.fr/Contributeurs/Julio-Cortazar
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