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EAN : 9782070233809
182 pages
Gallimard (13/03/1981)
3.58/5   19 notes
Résumé :

Après avoir maudit la ville, la grande pétrifiée, le narrateur va consulter Mme de Rosalba, oracle des Batignolles. Elle lui annonce qu'il a du vague à l'âme, et il s'appellera désormais Vagualame. Mme de Rosalba lui prédit qu'il se mariera avec une rousse qui accouchera d'un enfant bleu et qu'il rencontrera la demi-mondaine Yolande, qui connaît Mimi Patata, l'étoile des Folies-Bergère, et ses deux amants ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« Etes vous fous ? » est un roman surréaliste, publié (1929) par René Crevel (1981, Gallimard, L'Imaginaire 182 p.).
On y fait connaissance de Mme de Rosalba, oracle des Batignolles, chez qui Pierre va consulter. Elle lui annonce qu'il a du vague à l'âme, et il s'appellera désormais Vagualame. Problème, comment critiquer un roman surréaliste sans en citer des morceaux.
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René Crevel (1900-1935) est un poète écrivain français, dadaïste puis surréaliste. Son père se suicide alors qu'il n'a que 14 ans. Sa mère l'oblige à regarder le corps pendu dans le salon familial. Après son service militaire, il fait la connaissance d'André Breton en 1921 et rejoint les surréalistes, entraînant le groupe dans les expériences des « sommeils forcés ». Crevel impressionne par la qualité de son éloquence au point que Breton regrettera que les séances n'aient pu être enregistrées. « Nous aurions eu un document inappréciable, quelque chose comme le « spectre sensible » de Crevel ».
Exclu du mouvement en octobre 1925, il rejoint Tristan Tzara et dada. La légende dit que Tzara avait trouvé le mot dada dans le dictionnaire au hasard. Faut-il se fier, pour cela au témoignage de Hans Arp. « Cela se passait au « Restaurant Terrasse » à Zurich et je portais une brioche dans la narine gauche ».
Il participe comme acteur à la pièce de Tzara « Coeur à gaz » dans un costume dessiné par Sonia Delaunay. Pour elle, il écrit « Les Robes de Sonia Delaunay », cité dans « Poésies Complètes » (2009, Flammarion, 1470 p.) dans lequel il exalte le talent de l'artiste pour renouer avec les surréalistes. « L'Ange a glissé sa main / dans la corbeille l'oeil des fruits / Il arrête les roues des autos / et le gyroscope vertigineux du coeur humain ».
Fidèle d'André Breton, il essaye de rapprocher surréalistes et communistes, dont il est exclu en 1933. Ceux-ci, en se déclarant « négativistes », affirment : « Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire dans le progrès. Nous ne nous occupons, avec amusement, que de l'aujourd'hui. Nous voulons être des mystiques du détail, des taraudeurs et des clairvoyants, des anti-conceptionnistes et des râleurs littéraires. Nous voulons supprimer le désir pour toute forme de beauté, de culture, de poésie, pour tout raffinement intellectuel, toute forme de goût, socialisme, altruisme et synonymisme ». C'est à partir de ce texte que se définit la position spécifique de dada.
A 35 ans, « Il se suicida parce qu'il avait peur de la démence, il se suicida parce qu'il tenait le monde pour dément ». Ce qui fait dire à Philippe Soupault. « Né révolté comme d'autres naissent avec les yeux bleus ».

Mme de Rosalba prédit à Pierre qu'il se mariera avec une rousse qui accouchera d'un enfant bleu et qu'il rencontrera la demi-mondaine Yolande, qui connaît Mimi Patata, l'étoile des Folies-Bergère, et ses deux amants jumeaux. En sortant de chez la voyante, Vagualame est pris d'un malaise. Il part se soigner en Suisse. Au sana, allongé, il rêve que Yolande a été la dangereuse espionne Myrto-Myrta, fusillée mais ressuscitée.
« L'homme fuit la chambre du piteux réveil, et, dans la rue, il constate l'alliance de la ville et du jour (15 octobre), le plus équivoque parmi les trente et un d'une famille entre le ziste et le zeste ». Avec en prime, « la belle insolence des marchandes de mimosas. Afin de mieux narguer les gerbes chétives que ces bohémiennes essaient de vendre, à l'orée des métros, se tord le zinc agressif d'une végétation nymphomaniaque, et les gitanes n'osent plus remuer un cil, alors qu'elles ont toujours passé, fort justement, du reste, pour connaître dans ses moindres subtilités l'art de faire de l'oeil et aussi bien avec les narines que la bouche ou les anneaux qui leur servent de pendants d'oreilles ». Bel observateur du genre humain.
Quant à la dame, en remettant les épisodes en place, on découvre son riche passé, plein de misères. « Fille de dompteurs, elle n'a jamais eu froid aux yeux et sait comment s'y prendre avec les fauves et les amoureux ». « Depuis le temps déjà lointain que, dans les foires, sous le nom de Mme Rachel, au seuil d'une roulotte, charlatane, elle déployait son bel éventail de tarots ». Installée par la suite en banlieue, la voilà « Mme de Rosalba, sorcière en chambre, oracle des Batignolles, elle voue un mépris rétrospectif aux lions, ces rapins démodés à cravates Lavallière, qui n'ont même pas eu le nez de commander un petit trumeau à Lautrec, du temps qu'il brossait, à Neuneu, de grands panneaux pour la Goulue ». de fille de dompteur aux fauves et au fauvisme, voilà une dame qui a de la race.
S'ensuit une série de calembours sur les monuments du 6eme arrondissement. « Panthéon (Pan parce que la donzelle, férue d'antiquité, ne déteste pas, non plus, un petit air de flûte et se réjouit fort de ce qui claque : gifles, tir à la carabine, jeux de mots et de mitrailleuses, coups de fusil et de canon ; théon explicable par la seule faute du scribe, qui, avec le même nombre de signes, moins de prétentions et plus de vraisemblance, eût tout bonnement inscrit téton à son registre), sur un bas-ventre qui a juste ce qu'il faut d'obélisque pour jouer les hermaphrodites et s'appelle lui aussi d'un nom composé (d'abord trois lettres, chacune au sommet du triangle où se tapit ce qui de la femme est le plus apprécié mais le plus calomnié, puis le substantif corde, comme si cette coquette entendait qu'on se pendît au sien), sur son coeur en forme de Palais-Royal, son nombril qui lui sert de fosse aux ours, ses bras, ses jambes, parfumés au goudron, elle a imprimé le tatouage négatif et glacial de la monnaie du pape ».
Elle poursuit néanmoins ses prédictions quant à l'avenir de celui qui sera Vagualame. Tout s'enchaine assez vite « D'abord un mariage avec une rousse. […]. Voyage de noces en Italie. À Venise la rouquine s'aperçoit qu'elle est enceinte. Neuf mois plus tard elle accouche d'un enfant bleu. […] Hélas ! ce poupon excentrique meurt de jeunesse, à l'âge de trois minutes ».
« le lendemain, c'était la Suisse ». Et « Quatre semaines plus tard, le calendrier annonçait la naissance du printemps. Qui l'eût cru ? La neige s'obstinait à tout couvrir d'une même céruse ». Vagualame va en sana. « le pays, ni ville, ni village. Un rucher à malades. Sur leurs balcons-alvéoles, des créatures vivent dans un silence, une immobilité, à croire qu'elles ont perdu même leurs destins. Mais, après le temps disciplinaire de chaise longue à la fin des matinées, on a droit à une heure de gramophone ». le bon air des montagnes accompagné de l'air des Alpages.
Et la découverte de nouveaux personnages. « Fruits, chaises, bateaux, continents, mers, flaques de soleil, gifles de pluie, la goitreuse dégoitrée, Mimi Patata et ses twins, Le Prince de Galles et ses broderies, Rosalba et ses prédictions, Yolande et le fakir, le taureau d'appartement et le rat, toute cette mosaïque, dont ta vie elle-même n'est qu'un point, ne valent que si, hors de leurs frontières, de leurs contours habituels, un écho les ressuscite, métamorphosés, supérieurs à soi-même ».
C'est là aussi qu'on entend « La chanson terrible du Grand Babbu « Tout le monde y pue / Y sent la charogne / Y a qu'mon doux Jésus / Qui sente l'eau d'Cologne / Gnac gnac gnac mon doux sauveur / Qu'a la bonne odeur ». Chanson quasi immortelle qui sera reprise par la suite et par Pierre Dac et Francis Blanche dans « Signé Furax Malheurs aux Babus» (1971, Edition Spéciale, 249 p.).
Le tout avant de partir à la recherche de Dame de la Mer dont il n'a pas oublié que le beau-père était spécialiste de la chirurgie faciale. Chez ce rafistoleur des visages, de l'Institut Sexuel du Dr Optimus Cerf-Mayer. La mère de Dame de la Mer, « Frau Dr Herzog, avec sa figure à moitié réparée, sert de sert de preuve vivante : Avant. Après. […] de face, mi-virginale, mi-flétrie, on croirait qu'une ligne verticale lui passe par le milieu du front, du nez, des lèvres, du menton, pour séparer jeunesse et flétrissure d'un trait non moins idéal, mais aussi net que l'équateur entre les deux hémisphères de notre globe.
Le départ qui clôt l'ultime séquence se lit comme un « Retour ». de substitution en substitution, l'homme recouvre son identité, redevient René Crevel. Il retourne à Paris, dans la chambre même que l'homme a fuit. L'annonce de la fin du récit, la « résolution » et la « délivrance » au-delà desquelles la fabulation n'a plus de raison d'être, s'expriment par « Mais tu es moi. Je suis toi. On est le même ». Ce qui présuppose l'interrogation : « Qui suis-je ? »
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C'est un livre inclassable qui se donne des allures de roman, mais qui est tellement excentrique et décousu que j'avoue ne pas y avoir compris grand-chose, même si cela ne m'a pas dérangée au point de l'abandonner, du fait de son écriture poétique et surréaliste.

Le héros, ou plutôt anti-héros ou même simple porte-parole de l'auteur, Vagualame, se réveille un jour dans la Ville, et se lance dans une étrange aventure après avoir consulté Mme Rosalba, une voyante de faubourg. Il semble plus courir derrière son avenir qu'aller à la rencontre de son destin, d'autant plus qu'il est tuberculeux, et doit aller se soigner dans un sanatorium en Suisse, pour commencer.

Sur ses pas, nous faisons connaissance avec des personnages plus rocambolesques et baroques les uns que les autres : l'étrange, sadique et sulfureuse Yolande, morte-vivante, qui voyage avec un fakir desséché, un taureau et un rat de 50 kg, ainsi que sa petite cour, dont Le Prince de Galles et sa dentelle. Les récits s'imbriquent, car souvent un personnage raconte son histoire, complètement échevelée, puis on a du mal à revenir au présent et discerner la réalité. Vagualame au fil de ces rencontres arrive à Berlin, dans un étrange Institut sexuel, et la rencontre avec sa promise ne se passe pas tout à fait comme prévu...

Il ne faut pas espérer suivre un fil directeur dans ce texte, et je suis sûre que je l'aurais plus apprécié quand j'étais jeune. Les élucubrations de Vagualame m'ont laissée de marbre, à aucun moment je ne me suis intéressée à "l'histoire" (y avait-il même une histoire ?), mais... C'est un mais de taille : l'écriture est vraiment belle, les formules souvent percutantes, les décors empreints de beauté mélancolique, on devine l'âme tourmentée et désabusée de l'auteur, on se laisse malgré tout entraîner. Je me suis souvent fait la remarque au fil de ma lecture que les interrogations sur le genre, ainsi que le rejet du sexisme dans la société, ne datent pas d'hier, ce qui confère au roman un caractère singulièrement moderne, tout en relativisant la modernité des questionnements d'aujourd'hui.
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Oubliez Nadja.
Le vrai grand roman surréaliste est cette courte merveille de René Crevel. L'histoire va à toute vitesse, pas le temps d'essayer de comprendre. Les images s'enchainent follement, les inventions farfelues et quelques grivoiseries aussi. On baigne dans un autre monde, bien plus poétique. Il y est aussi question d'amours, beaucoup d'amours : fleur bleue ou érotique, vache ou sublime, intéressé ou grotesque...
Je ne sais pas dire précisément pourquoi, mais ce livre m'a toujours semblé un très proche parent de l'Ecume des jours.
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Surréalisme intellectualisant ou intellectualisme surréaliste?

Bienvenue dans le monde fou de René Crevel!

Vagualame est allé consulter Mme Rosalba (oracle des Batignolles), qui le rebaptise après qu'il lui ait avoué son « vague à l'âme » et lui annonce qu'il croisera sur sa route Yolande (mi-mondaine mi-morte qui ne quitte jamais son fakir momifié ou son rat de 50 kg) et son ennemie Mimi Patata,étoile des Folies-Bergères qui a une passion avouée pour les jumeaux. Mais Vagualame doit aussi rencontrer une jeune fille rousse avec qui il se mariera et aura un enfant bleu. A la sortie de cet entretien, Vagualame est pris de malaise et part se soigner dans un sanatorium en Suisse.
C'est ici que les choses se corsent. Vagualame finit par rencontrer Yolande et cie. Rêve ou réalité? Nous ne le saurons jamais. En tous cas, le narrateur se déplace parmi tous ces personnages comme dans un rêve, fait les rencontres les plus improbables, toujours à la recherche de sa rousse qui lui fera un enfant bleu...

L'histoire est digne d'un écrivain surréaliste: souvent incompréhensible au premier abord, à la limite entre rêve et réalité.
Le style lui aussi est surréaliste. Certains passages sont des superbes images poétiques, qui donnent l'impression de survoler les pages comme de magnifiques paysages oniriques. Malheureusement, Crevel tend à vouloir « intellectualiser » à tout prix certaines de ces images. On tombe alors de son petit nuage, ramené à la dure réalité: René Crevel veut faire passer des messages, et ça se voit!

Résultat: entre relecture de nombreux passages (quand on décroche de l'histoire à la page 13, c'est inquiétant!) et ruptures d'images poétiques, l'ensemble est plutôt inégal. le sentiment qu'on en garde est plutôt celui d'un étal de bouquiniste dans lequel se trouvent quelques perles rares au milieu de livres de bien moindre qualité...
Lien : http://www.critiqueslibres.c..
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Comment vous parler de Crevel ? Crevel, c'est le jeune homme qui parle à notre adolescence , aux heures les plus sombres , et transmute cette immense mélancolie en décors chatoyants. Crevel, c'est le garçon perdu dont le père s'est suicidé, et qui finira par faire de même, persuadé qu'il est - persuadé qu'on l'a - d'être fou, dévoyé, décadent. Crevel, c'est juste un ange dans une époque de merde. Un jeune homme qui lutte pour être lui-même dans un monde étriqué, mesquin, cruel, un monde peuplé de vieilles bourgeoises implacables et de gigolos affolants, de jeunes amies tristes et de curés blafards.
Crevel, c'est Pierre, le personnage de ce livre. Pierre qui aime tout et n'importe qui, pourvu que cela l'éloigne de sa mère, des préjugés de sa caste, et de Ratapoilopolis, le monde où son suicidé de père a fini par trouver refuge.
C'est un livre pur et grave que celui-ci, sous son apparente gaité, et je vous le confie comme un grand et lourd secret.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Or, docteur, je vous le demande, l’esprit révolutionnaire, la force libératrice d’une science que vous prétendez servir, mais dont, en réalité, vous vous servez, en quelle infecte boulette vont la métamorphoser vos mains, dont l’une est paresse et l’autre imbécillité ? Et pourquoi faut-il que, la très haute parole, un nain prétende s’en saisir, se croie plus grand qu’elle ?
- Monsieur, interrompit le médecin, une science ne vaut que par qui l’applique. Si donc vous blâmez ma manière, continuez à vous passer de la psychanalyse. Empêtrez-vous dans vos complexes jusqu’au jour où…
- Quoi ? des menaces ? Mais si j’avais des complexes, ils me seraient trop précieux pour que j’acceptasse d’en être jamais vidé. Les plus dignes parmi les hommes n’ont point à nourrir de leurs aveux, de leur moelle, leurs frères inférieurs. Et que ferais-tu, psychanalyste, de tout ce que tu m’aurais pris ? Tu dois être plein à craquer de tous les médiocres secrets extorqués à tes clients. Voleur, semblable aux autres dont nul ne sait user de ce qu’il a dérobé, c’est toujours la même brocante, le même recel à l’ombre du temple, d’où le nommé Jésus chassa les marchands. Mais il fallait commencer par raser le temple lui-même, le palais des supplices que l’humanité masochiste mit des siècles et des siècles à se construire. On ne connaissait pas la dynamite, vous récriez-vous, du temps du Nazaréen. Belle excuse. La vérité, hommes, la vérité, nous, la vérité, moi, la vérité c’est qu’il n’y a point assez de phosphore, point assez de rouge colère dans le sang de nos coeurs. Mains trop courtes (tiens, je t’offre encore deux fois cinq phallus, psychanalyste), mes mains que j’aurais voulues palmes de lumière, leurs dix doigts, leur double anémie boursouflée, n’a pas même tenté de déchirer le carton-pâte des faux remparts qui m’encerclent. Je vis encagé, comme les petits camarades, captif et victime trop souvent orgueilleuse de l’individualisme bluffeur qui oppose les créatures les unes aux autres pour la vaine joie des psychologues, romanciers mondains et l’espèce multiforme des amateurs de potins et de ragots. Le Salut n’est nulle-part, ne sera nulle-part, tant qu’on le croira pour quelques-uns et non pour tous. Le vieux savant de Vienne qui a montré aux hommes les silhouettes nues que dérobaient, pour la plus funeste confusion, les draperies compliquées des ancestraux et vains fantômes, son admirable parole n’aura d’effective valeur que le jour où la foule, la tourbe, la canaille, comme vous dites, après en avoir dépossédé les snobs et l’égrillarde théorie des rationalistes conservateurs qui singent l’audace, cette foule, cette tourbe, cette canaille s’affirmeront assez agressives, assez inexorables pour s’en pourvoir envers et contre tous, car même la connaissance est au prix du sang, et qui veut l’acquérir doit, après avoir dénoncé des mythes tels que celui de l’instruction pour tous et mille autres de la même farine, mettre hors d’état de nuire ceux qui, ayant dispensé de faux bienfaits, n’ont voulu paraître enseigner qu’afin de mieux celer les plus essentielles des hypothèses libératrices.
N’emmaillotez donc plus les enfants de fausse humilité ou ne vous étonnez plus qu’ils souhaitent, adultes, le retour dans le sein maternel, l’oubli d’un monde où tout leur est contrainte.
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Aussi, cette fille de la fille aînée de l’Église, sur une poitrine asymétrique dont elle a baptisé un sein, et encore le droit, Sacré Cœur (à noter, entre parenthèses, que les enfants de cinq ans trouvent des syllabes à la fois autrement exactes et mystérieuses pour l’état civil de leurs doigts de pieds), l’autre Panthéon (Pan parce que la donzelle, férue d’antiquité, ne déteste pas, non plus, un petit air de flûte et se réjouit fort de ce qui claque : gifles, tir à la carabine, jeux de mots et de mitrailleuses, coups de fusil et de canon ; théon explicable par la seule faute du scribe, qui, avec le même nombre de signes, moins de prétentions et plus de vraisemblance, eût tout bonnement inscrit téton à son registre), sur un bas-ventre qui a juste ce qu’il faut d’obélisque pour jouer les hermaphrodites et s’appelle lui aussi d’un nom composé (d’abord trois lettres, chacune au sommet du triangle où se tapit ce qui de la femme est le plus apprécié mais le plus calomnié, puis le substantif corde, comme si cette coquette entendait qu’on se pendît au sien), sur son cœur en forme de Palais-Royal, son nombril qui lui sert de fosse aux ours, ses bras, ses jambes, parfumées au goudron, elle a imprimé le tatouage négatif et glacial de la monnaie-du-pape.
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Une seconde, s’il vous plaît. Oubliez ma présence. Je vous écoute.
- Inutile, docteur. Je ne n’ai jamais rien pu dire, même de fort composé, à qui n’était point dans le champ de mon regard. Le subconscient n’est point petite fille autruche. Une présence lui arracherait peut-être, son secret. Une embuscade, jamais. Iriez-vous de gaieté de cœur dans une rue déserte et mal famée, la nuit, si vous étiez sûr que, derrière la palissade des terrains vagues, d’invisibles crapules sont là qui guettent votre passage ? Si, de tous les hommes, le plus grand nombre se complaît à songer au suicide, fort peu s’y résignent, mais nul se laisse assassiner. Donc, docteur, j’évite les impasses où, le couteau sous la gorge, il me faudrait vider mon sac. Et puis après tout, pourquoi ne jouerions-nous point franc-jeu ? Je sais à quoi m’en tenir et que je suis affligé non du classique complexe d’Oedipe, mais du simplexe anti-Oedipe. Au fond, au fin fond du coeur, entre les pavés de l’arrière-cour, pas même assez de terre pour le chiendent de l’obsession. Voilà pourquoi je ne sais comment passer le temps. Je n’ai jamais désiré ma mère. J’ai tout juste levé les jupes d’une fille de cuisine, à la campagne, quand j’avais quatre ans. Or, malheur à l’homme qui n’a pas voulu coucher avec sa mère. Ceux qui souffrent du complexe d’Oedipe ne sont point les malades, puisqu’ils forment la quasi-totalité. Au contraire, pauvre isolé, atteint du simplexe anti-Oedipe, je pourrais, paraphrasant sainte Thérèse, hurler à tous les échos, que je souffre de ne point souffrir.
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"Cette nuit, j'ai rêvé de toi, j'ai pleuré."
Encore!... La Femme, la Ville, toutes, elles ont donc le même refrain aux lèvres?
[...]
Il éclate:
"Tu as pleuré, la femme, tu as rêvé.
"Les larmes, tes larmes, les larmes.
"Tu aimes le faste et l'étiquette. Vas-y donc d'une présentation.
"Vagualame...
"Les larmes, le rêve.
"Les larmes, un orphelinat de nombrils, une pépinière de cœurs en pain d'épice, un déluge de sourires sans dents."
Toutes ces faces de carême se lèvent pour voir le rêve, moulé dans un maillot à losanges de feu et de glace, au-dessus de leurs cheveux salés, sauter d'arbre en arbre, et si joyeusement souple qu'il n'est pas même possible d'imaginer d'os à son corps. Mais les piesgrièches s'exaspèrent. Elles tirent à la courte paille pour savoir qui, par son pied de flamme, saisira l'incroyable voltigeur.

"Le sort tomba sur la plus vieille."
(Air connu.)
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Mais si le bel esprit du Café du Commerce, dans n’importe quelle ville de notre chère France qui a la tête solide et sait à quoi s’en tenir, pouvait prétendre que notre héros méritait bien de s’appeler Vagualame, le non bel esprit du Café du Pas Commerce, dans n’importe quelle petite ville d’un pays idéal qui n’a pas la tête solide et ne sait pas à quoi s’en tenir, répondra que, sous ce désordre, il y avait une franchise en vrac et qui valait mieux que n’importe quel mensonge tiré au cordeau, ce qui, d’ailleurs, n’empêchera point le non bel esprit de déplorer que ce scaphandrier des plus profondes bonnes intentions ait souhaité qu’une rivière l’engloutît.
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