«
La Tombe du croisé » n'est pas le plus connu des romans de
Cronin, pourtant il mérite largement qu'on s'intéresse à lui, surtout par l'originalité de son sujet : ici
Cronin nous raconte le parcours d'un jeune homme qui, pour satisfaire sa passion, se met sa famille à dos, se trouve confronté à des difficultés sans nombre, et finit par trouver l'amour. J'entends d'ici les plus acerbes d'entre vous : « Bah ! c'est le canevas de la plupart de ses livres, il suffit de remplacer le mot « passion » par « vocation médicale » et le tour est joué ! » C'est pas faux comme dirait Perceval, mais en l'occurrence, la « passion » de Stephen Desmonde, c'est la peinture, et pas n'importe laquelle, celle qui hante les barbouilleurs encore peu ou mal connus de ce début de XXème siècle, les Picasso, Chagall, Soutine, Modigliani etc. qui formeront ce que l'on appelle « L'école de Paris ». La peinture n'est pas tout à fait une nouveauté chez
Cronin, rappelez-vous «
La Dame aux oeillets », dont l'action se passait autour d'une galerie d'art.
Stephen Desmonde est le fils du pasteur de la paroisse de Stillwater. le révérend (on dit aussi recteur) a pour lui des idées bien précises : il le voit prendre sa suite à la paroisse. Stephen, qui vient de finir ses études à Oxford, ne l'entend pas de cette oreille, sa passion c'est la peinture, et son rêve à lui c'est de vivre de son art. Stephen n'est pas le mauvais bougre, pour faire plaisir à son père il accepte de faire un stage de théologie à la Mission de Londres. Mais l'exemple que donne les prêtres, hypocrites, imbus d'eux- mêmes, peu charitables, bref peu chrétiens, le dégoûte à jamais de la prêtrise. Il part à Paris où il rencontre des compatriotes et des étrangers qui ont la même passion que lui. Son père lui a accordé une année sabbatique après quoi il devra retourner en Angleterre. Au bout de ce délai, il revient à Stillwater, mais un critique qui a examiné ses oeuvres le condamne cruellement. Ulcéré, Stephen se fâche avec sa famille et repart pour la France. D'autres aventures l'attendent : précepteur chez une épicière nymphomane, il échappe de justesse à une fausse accusation de viol, puis il se lie avec un autre peintre, du genre illuminé, avec qui il fait une virée en Espagne, enfin c'est la guerre de 14… Retourné en Angleterre, c'est pour y apprendre la mort de son frère, mort au champ d'honneur. Sa soeur lui trouve un contrat : une série de peintures pour le Mémorial à la Grande Guerre. Mais les tableaux que peint Stephen sont jugés offensants pour le patriotisme et la religion. Stephen vit alors en reclus, peignant pour lui-même. Il retrouve en même temps l'amour de jenny, une petite bonne qu'il avait connue à la Mission, bien des années avant.
Un
Cronin comme on les aime : un héros volontaire et décidé (téméraire même, parfois), des bons sentiments (mais pas trop), et une critique virulente des mentalités bien-pensantes, réactionnaires, cul-bénis, des personnages hauts en couleurs. Pour nous français, une belle escapade dans la province (Bretagne ou Normandie, sans doute) et surtout dans la capitale.
Et le croisé dans tout ça, me direz-vous ? C'est un ancêtre des Desmonde, enterré dans la petite église de Stillwater. Avant de partir aux Croisades, lui aussi était passé par Paris. La première scène du roman (présentation du recteur Desmonde) prend place dans cette église, devant cette statue : c'est le point de départ du roman.
Comme toujours, chez
Cronin, l'émotion va de pair avec la critique sociale ; le style, avec le temps, ne se démode pas mais prend cette belle patine que les années qui passent donnent aux belles choses…