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EAN : 9782021459784
208 pages
Seuil (07/10/2021)
3.84/5   86 notes
Résumé :
Ora Lee Beckworth était loin de se douter que son quotidien basculerait durant l’été 1976. À Mayville, dans le sud de la Floride, le racisme a la peau dure. Alors qu’Ora engage un vagabond afro-américain que les enfants du coin surnomment M. Pécan, son entourage s’en inquiète. Surtout Blanche, sa gouvernante, elle-même afro-américaine. Car s’il est alcoolique, il n’en demeure pas moins doux et gentil notamment avec les filles de Blanche.

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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
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J'ai choisi ce petit roman reçu lors d'une masse critique privilégiée pour son résumé qui a attiré mon attention et pour sa superbe couverture qui résume à elle toute seule l'ambiance de l'histoire.

L'histoire est très simple, elle nous raconte l'histoire d'un homme accusé de meurtre, sans aucune preuve, sur la seule base de ses origines ethniques.
Le roman aborde les thèmes du racisme, de l'amitié, des préjugés, de la justice, des dilemmes moraux et soulève de nombreuses questions sur les valeurs et leurs implications morales.

*
Aidée de sa gouvernante noire, Blanche Lowery, mère célibataire de cinq enfants, Ora Lee Beckworth, sans enfant et veuve depuis un peu moins d'un an, mène une vie très confortable et agréable.
Lorsqu'Ora Lee engage, durant l'été 1976, Eldred Mims, un sans-abri afro-américain surnommé "Mr. Pecan" pour entretenir son jardin, la suspicion et le racisme prennent de l'ampleur jusqu'à ce que le fils du chef de la police, Skipper Kornegay, soit retrouvé assassiné près du camp où vit le vieil homme.
Eldred Mims est arrêté et accusé du meurtre.

Ora Lee connaît le meurtrier. Pourtant, elle va décider de se taire et même de mentir pour protéger ceux qu'elle aime.
« On a tous fait ce qu'on pensait être bien et maintenant il faut vivre avec. »

Aujourd'hui, vingt-cinq ans plus tard, à l'âge de 82 ans, la vieille dame souhaite alléger sa conscience avant de mourir, en révélant la vérité sur cette triste affaire.
En racontant son histoire, la narratrice brosse le portrait d'une petite ville de Floride où les tensions raciales, la discrimination ethnique, la méfiance et la suspicion font rage à la fin des années 1970.
Mais c'est surtout l'histoire d'une belle amitié avec Blanche et ses enfants, une histoire qui dépasse les préjugés liés à la couleur de la peau.

*
Le personnage d'Ora Lee est plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. Malgré ses défauts, sa voix est bienveillante, affectueuse, généreuse et digne de confiance.

Au fur et à mesure que l'histoire progresse, la narratrice évolue, se remet en question, posant un regard franc et honnête sur son attitude et ses décisions de l'époque. Elle acquiert une certaine lucidité, entrevoit les personnes différemment, au delà des apparences, non pas en fonction de la couleur de leur peau ou de leur position sociale.
Ainsi, en dévoilant les dessous de ce crime, Ora Lee apprend beaucoup sur elle-même. Blanche l'y a beaucoup aidée. Pourtant, malgré leur longue et solide amitié, beaucoup de choses resteront implicites entre les deux femmes, créant un tissu de secrets et de mensonges.
*
Confrontée à ses erreurs passées, la narratrice a pris conscience que chaque mensonge appelait à de nouveaux mensonges afin que le premier ne soit pas découvert. Et surtout, qu'il fallait en accepter les conséquences et y faire face.

« Un mensonge en appelle une ribambelle d'autres. Non seulement on doit le répéter jour après jour, mais on est obligé de l'embellir, si bien qu'on finit soi-même par perdre de vue la vérité. J'ai menti chaque jour, chaque heure, chaque instant, le remords se révélant aussi suffocant qu'une couverture de laine en plein été. »

*
Un autre thème est abordé, mais peut-être trop succinctement, c'est celui de la discrimination sexuelle et de la place des femmes dans la société américaine, cantonnées dans leur rôle de femme au foyer, de mère attentive, d'épouse dévouée et obéissante.

« J'avais eu une bonne vie et Walter m'avait gâtée d'un point de vue matériel. C'est juste que leurs questions me faisaient réfléchir au tour qu'aurait pris mon existence si je l'avais consacrée à mon propre épanouissement plutôt qu'à celui de l'homme que j'avais épousé. »

*
Cassie Dandridge Selleck a écrit une histoire intéressante, douce amère, les personnages sont attachants, mais j'avoue qu'en ce qui me concerne, ce récit manque de profondeur psychologique et émotionnelle.
Le dernier secret révélé dans les dernières pages, même s'il m'a surpris, ne m'a également pas convaincue et n'apporte rien à l'intrigue.
L'auteure a pris le parti de faire témoigner uniquement Ora Lee, une femme âgée qui n'a plus tous les détails en tête. J'aurais aimé entendre d'autres voix afin de varier et multiplier les points de vue, en particulier celles de Blanche et d'Eldred Mims, mais aussi celles de Skipper Kornegay, l'adolescent assassiné ou de Dovey Kincaid, la voisine, stéréotype de la femme étroite d'esprit, raciste et médisante.

*
Je referme ce petit roman avec une petite réserve et le sentiment d'être passée un peu à côté de ce roman. Bien entendu, ce n'est que mon point de vue, il n'engage que moi et je vous encourage à vous faire votre propre avis en lisant les autres commentaires et surtout en le lisant.

Je remercie infiniment toute l'équipe Babelio et les éditions Seuil qui m'ont permis de découvrir ce roman de la rentrée littéraire 2021. Merci pour votre confiance et j'espère que vous ne m'en voudrez pas trop de mon honnêteté.
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Je tiens à remercier Babelio et notamment Pierre Krause et bien évidemment les éditions du Seuil pour ce roman, à paraître le 07 octobre prochain. Il y a toujours un plaisir particulier à découvrir un peu avant l'heure un roman !
Étonnament, bien que j'aie quelques critiques à formuler, j'ai beaucoup à dire sur ce roman ! Je suis désolée pour tant de longueurs!

• ✏ Cassie Dandridge Selleck fait le choix narratif du journal intime, tenu par Miss Ora Lee Beckworth, dans lequel cette dernière expose, une vingtaine d'années après, des faits survenus durant l'été 1976.

1976, Sud de la Floride. Miss Ora est une dame blanche d'une cinquantaine d'années, dame du Sud, avec l'éducation et les manières de son époque mais dans un pays rongé par la ségrégation. Sur le ton de la confidence via son journal intime, Miss Ora tient à témoigner d'événements passés. Elle tient à livrer enfin une vérité dont elle serait seule détentrice:
"De tous les détails que je m'applique à vous livrer pour soulager ma conscience avant de mourir, certains resteront enfouis dans les mémoires de ceux qui étaient présents. (P.91)
On sent bien que Miss Ora porte une culpabilité qui la pousse à se confier avant de quitter cette vie : "Blanche avait raison. Un mensonge en appelle une ribambelle d'autres. Non seulement on doit le répéter jour après jour , mais on est obligé de l'embellir, si bien qu'on finit soi-même par perdre de vue la vérité. J'ai menti chaque jour , chaque heure , chaque instant , le remord se révélant aussi suffocant qu'une couverture en laine en plein été. de cette oppression constante , ni la fraîcheur d'un thé glacé ni le souffle tiède du ventilateur n'ont jamais pu me soulager. (P92)

En 1976, récemment veuve et depuis isolée socialement, sans enfant, ses principales relations sont celles entretenues avec sa domestique noire. Chaque famille blanche respectable adhère au Rotary Club et a sa domestique noire... Ironiquement, la bonne de Miss Ora se nomme Blanche ! Cette femme dure à la tâche, femme de peu de mots mais empreinte de sagesse et d'affection pour Miss Ora, élève seule ses enfants depuis le décès de son époux.

•✏ le résumé contingente le sujet de ce roman au choix de Miss Ora d'engager un vieil homme afro-américain, M.Pecan, à son service, et aux événements tragiques survenus en cet été 1976, en établissant un lien de causalité direct. Or, une fois le livre lu et refermé, j'ai reconsulté ce résumé et n'ai pas trouvé qu'il reflétait réellement l'histoire qui m'avait été contée.
Bien sûr, il y a un contexte ségrégationniste et en effet, Miss Ora engage à son service M.Pecan, mais il ne constitue pas pour moi cet élément déclencheur annoncé dans le résumé.

•✏ À mon sens, il est surtout question de l'amitié entre deux femmes que la société voudrait considérer comme différentes, voire aux antipodes l'une de l'autre.
Ces deux héroïnes, veuves, touchées différemment, mais touchées malgré tout, par les épreuves de la vie, partagent une amitié qui ne dit pas son nom, dans une Amérique des années 70 où les relations interraciales ne peuvent qu'attirer les problèmes.

Une amitié se tisse pourtant entre elles :
- "Tu as une domestique remarquable"
- " C'est plutôt une amie, dis-je. Mon amie" (P.149)
Tout pourrait séparer ces deux femmes : l'une est noire dans une Amérique ségrégationniste, élevant seule ses cinq enfants, elle doit travailler pour subvenir aux besoins de sa famille, et on peut supposer que son instruction scolaire fut en lien avec sa condition de femme de couleur : mince.
L'autre est blanche, issue d'une famille aisée très insérée socialement, et a pu faire des études supérieures, mais du fait de son mariage, n'aura pas de carrière professionnelle car dans les mentalités de l'époque, une femme mariée de son rang ne travaille pas : elle s'occupe des besoins de son époux et organise la maisonnée et les invitations. du fait de son statut d'épouse, sa façon de vivre était toute tracée. Malgré son souhait, elle n'a pas pu avoir d'enfant et s'investit dans les oeuvres caritatives de sa communauté.
Elles ne vont même pas dans la même église, puisque n'appartenant pas à la même communauté, et empilent les dissemblances, mais ont pourtant un point commun qui, de façon informelle, va constituer le terreau de leur lien:
elles sont relayées inexorablement au second rang.
Peu importe leur couleur de peau, leur instruction, leur éducation ou leur statut social : elles sont femmes. Avec bien sûr cette différence fondamentale qu'une femme blanche a bien moins de risque de se faire agresser sexuellement, ce qui, dans le cas d'une femme de couleur n'est même pas considéré comme réprésensible...
Et puis, à leur façon, elles mènent chacune un combat ardu.

• ✏ D'autre part, ce qui m'a le plus marquée, c'est l'attitude de Miss Ora, pleine de bonne volonté, mais si maladroite... car s'il est sage de commencer à se changer soi-même pour initier un changement global des mentalités, il est judicieux de réfléchir à la portée de ses actes.

En effet, Miss Ora en souhaitant aider aura concouru à aggraver une situation déjà délicate. Elle tente alors d'atténuer son sentiment de culpabilité en choyant la famille de Blanche mais, finalement en tentant de se racheter une conscience, n'aggrave t-elle pas encore un peu plus les tensions ?
Tout comme, en n'écoutant que son bon coeur et en ne considérant pas les règles qui régissent la société à cette époque, Miss Ora n'envenime t-elle pas la situation ? "Et puis l'expérience m'avait appris combien mon intervention intempestive pouvait entraîner des conséquences désastreuses." (P.198)

La ségrégation est un tel fléau grignotant les mentalités et enfermant chacun dans un rôle prédéterminé selon sa couleur, qu'un individu seul face à ce phénomène, même s'il croit bien faire, jette un pavé dans la mare à chacune de ses actions qu'il pense pourtant généreuse. Et les pavés jetés dans les mares ne peuvent que créer du remou. Ce récit dépeint avec une fatalité douloureuse un pays clivé : "Et puis, dans cette ville, les gens croient qu'à ce qu'ils veulent bien croire. Les Blancs d'un côté, les Noirs de l'autre, y'aura jamais de terrain commun." (P.183)

😢 J'ai été émue par la métamorphose de Miss Ora, papillon trop longtemps maintenu en chrysalide par son rôle d'épouse, corsetée dans une société très hiérarchisée par les appartenances à des communautés, elles-mêmes catégorisés par des adhésions à des clubs ou organismes ("Club des femmes junior", "Chaîne de prières des Femmes baptistes"...). Malgré son côté moralisateur et bon samaritain à outrance, cette femme est touchante et elle incarne ce paradoxe de vouloir changer un système injuste sans s'apercevoir qu'elle est elle-même imprégnée de préjugés: comme il est difficile de faire accepter aux autres de nouvelles représentations quand on ne sait pas s'émanciper soi-même des schémas de pensée dans lesquels on a été "moulé" de longues années durant. Toute généreuse et humaniste que se voudrait Miss Ora, elle continue dans le rôle du bon samaritain, à se pencher vers les plus humbles avec l'attitude des "bons maîtres":
"Je voulais bien faire. Ses blouses, je les lui fournissais en sus de ses gages. Je les voulais faciles à laver. Je voulais lui éviter de tâcher ses propres vêtements avec des giclures d'eau de Javel ou en faisant la cuisine. Ce n'était pas mon intention de la maintenir à sa place, pourtant c'est ce que je faisais. (P.199)
L'auteur souligne judicieusement les préjugés et les représentations qui ont la vie dure et l'épisode des sablés de Noël est très éclairant: pour Ora, le sablé représentant le père Noël est blanc, or les enfants de sa domestique sont choqués car pour eux, le Père Noël est forcément noir ! D'un détail anodin, on peut mesurer la fracture des cultures de deux communautés vivant côte à côte !
Miss Ora le réalise à l'occasion d'une rare virée dans la "partie noire" de la ville: "Nous descendîmes Pine Street, la rue principale du quartier noir. Alors que j'avais passé ma vie à Mayville, je n'étais jamais passé dans ce coin plein de petites maisons colorées où les chiens et les poules circulaient librement dans les jardins et sous les porches." (P.174)

• ✏ Si dans l'ensemble, le récit se lit facilement et avec plaisir, quelques aspects m'ont décontenancée ou déçue:

• 😞 le récit souffre d'un manque de profondeur. La narratrice nous confie ses états d'âme, mais, le tout reste en surface, dressant un triste état des lieux sociétal. Étonnamment, la lutte pour les droits civiques ("Civil Rights Act" de 1968) n'est pas évoquée, si bien que, si la narratrice ne précisait pas d'elle-même la date à laquelle se déroule ses souvenirs (1976), on pourrait facilement se croire dans les années 50...

• 😞 Si elle n'est pas avare de descriptions sur sa propre vie, les autres protagonistes me semblent "survolés". Bien sûr, le récit à la première personne propre au journal intime explique en partie ce résultat mais j'ai surtout eu la sensation que l'auteur n'avait pas su prendre le temps de développer tous ses personnages, de leur donner chair. Ils m'ont semblé être maintenus à l'état d'ébauche à finaliser...
Et je me sens mal à l'aise face à une héroïne qui prend conscience des rouages d'une société injuste, qui s'insurge contre une suprématie raciale, qui tente de rétablir à son niveau les inégalités et abus dont elle est témoin, ... et pourtant paradoxalement, qui se retrouve au centre de la narration, sujet suprême, quasi majestueux, qui en "personnage - pivot" orchestre les interventions des personnages fatalement secondaires. C'est une structure narrative qui me semble desservir le propos pourtant louable.

•😞 Des lourdeurs dans la formulation des phrases menant parfois à mon incompréhension du texte: "il se tourna vers nous comme s'il avait du mal à accomoder". (P.175) À accomoder quoi ? Sa vue j'imagine... Ce genre de tournure de phrase me laisse supposer un problème de traduction.

• 😞 Un rebondissement intervient à la fin du récit, qui pour moi est facultatif voire totalement inutile. Il vient surcharger cette histoire, comme si, l'auteur s'apercevant qu'elle aurait pu tout de même étoffer un peu plus un de ses personnages, lui en "rajoute une couche" avant de fermer le dossier ... Il y a quelques maladresses narratives qui nuisent à la cohérence du récit.

•✏ Indéniablement le point fort de ce roman réside dans cette ambiance surannée du Sud, tout à fait typique avec cette atmosphère des petites villes sudistes où tout le monde se connaît, a grandi ensemble, et où la vie semble s'écouler paisiblement. C'est sûrement là le paradoxe le plus intéressant de ce roman, car l'auteur parvient à tisser cette toile d'image saturées de tons lumineux chauds, pendant que la trame sociale du récit est cousue d'injustices et des souffrances qui en découlent.
Dans ce contexte on peut alors penser aux films "La couleur des sentiments", "Loin du Paradis" et "Miss Daisy et son chauffeur". Car force est de reconnaître que ce roman a un fort pouvoir de suggestion visuelle. C'est instinctivement que se sont imposées à moi les images de ces films, cette ambiance désuète, aux tons chauds saturés, comme ces lumières de soirées d'été. le fauteuil à bascule sous le porche de ces maisons en bois typiquement américaines, les grands verres de thé glacé, les juges chaussés de bottes en crocodile, les socquettes blanches à dentelle des fillettes noires, les vendeuses des magasins en ville promptes à jauger une cliente noire comme une potentielle voleuse... D'autant plus que le traitement de l'histoire (avec ses retours dans le passé, énoncés par une vieille dame) rapproche ce récit de "Beignets de tomates vertes"!
J'ai d'ailleurs appris qu'il y aurait en effet une adaptation cinématographique !

•✏ Cassie Dandridge Selleck est très concernée par le problème de la ségrégation et son ouvrage concourt à le dénoncer. J'ai apprécié la pertinence de certains exemples très concrets comme la situation des jeunes lycéens noirs qui réussissent brillamment leurs examens mais qui, faute de moyens, ne poursuivent pas d'études supérieures, d'autant plus que les conseillers scolaires ne les poussent à aucun moment à se renseigner pour l'obtention de bourse.
1976 - 2021: un thème majeur du 20ème siècle, toujours tristement d'actualité au 21ème, bien qu'il y ait eu des avancées.
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Les thèmes de la ségrégation et des aspects identitaires qui s'y rattachent sont de ceux qui me passionnent. Ils font partie de mes lectures de prédilection… en partie car je suis « ni l'un(e) ni l'autre » -comme le chante si bien Stromae !- et issue des communautés noires et blanches tout à la fois. Voilà pour le contexte de cette chronique.

C'est donc avec appétit que j'ai entamé cette confession d'Ora Lee, octogénaire blanche, sur un enchaînement de drames ayant touché et opposé les populations noires et blanches du sud de la Floride en 1976.
Ora Lee fut impliquée car les faits concernèrent Blanche, sa gouvernante, et Eddie, son jardinier, tous deux noirs.
Les préjugés raciaux entraîneront inéluctablement leur lot d'injustices.
La narratrice viendra, 25 ans après les faits, rétablir la vérité : qui a fait quoi, et pourquoi…

Nous entrons de plain pied dans un récit se présentant comme un journal intime, qui m'a fait penser à celui laissé par une proche parente. On se sent immédiatement happé, concerné, et le livre -assez court- se lit rapidement… Un peu trop vite à mon goût !

En effet, d'une part le style est un peu familier, non exempt de quelques facilités, ce qui convient certes à un journal, mais aurait gagné à être plus élaboré.

D'autre part, les personnages ne sont qu'esquissés, alors que chacun aurait pu faire l'objet d'une description et d'une analyse plus poussées. Il y avait matière à cela, car ils sont riches d'une histoire que le lecteur aimerait découvrir (le jardinier sans-abri Eddie en particulier, personnage complexe à peine effleuré, finalement). Pourquoi pas sous la forme d'un roman choral ? Même si je ne suis pas fan inconditionnelle de cette forme littéraire, il me semble que cette affaire s'y serait peut-être bien prêtée.

Ici, les actions et motivations ne sont du coup pas toujours très convaincantes, faute d'épaisseur psychologique.
Les sentiments unissant les protagonistes, notamment Ora Lee et Blanche, m'ont parus un peu superficiels, alors que la couverture nous parle de « femmes unies face au spectre de la ségrégation ». Je n'ai ressenti ni union forte, ni lutte commune, mais plutôt une forme de résignation de chacune, pour des motifs très différents, inhérents à leur couleur de peau et à leur position sociale.

La révélation finale, certes inattendue, est à la fois peu crédible et surtout étrange, dans la mesure où elle n'apporte aucun éclairage nouveau sur les rouages de l'intrigue, et tombe donc vraiment «à plat».

Finalement, j'ai apprécié cette lecture plaisante et attachante. Bon scénario et beaux personnages. Mais je n'en ai pas été vraiment touchée… contrairement à d'autres ouvrages sur ce sujet.
Le manque de profondeur ne m'a pas permis de m'immerger totalement dans l'histoire.

Je remercie chaleureusement l'opération Masse Critique Privilégiée Babelio et les Editions du Seuil de m'avoir permis de découvrir cet ouvrage en avant première.
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• « La couleur du silence » de Cassie Dandridge Selleck, publié aux éditions Seuil .

• Ce roman m'a été offert à l'occasion d'un programme Masse Critique 2021 privilégié. Je profite donc de l'occasion pour remercier encore une fois Babelio pour ce programme, mais également les éditions Seuil pour le don, en échange d'une critique, de ce roman.

• Je m'étais fais une autre idée de ce roman avant d'en entamer sa lecture. Certes, la thématique principale est bien celle à laquelle je m'attendais, mais pas sous cette forme, ce qui pour une bonne partie du roman est pour le mieux, mais parfois moins accrocheur.

• le point qui m'a charmé le plus dans ce livre, est son ambiance douce amère, bercée de nonchalance dans un malheur perpétuel. La lecture de ce roman m'a rappelé des films comme La Ligne Verte, Les Évadés ou encore Tom Sawyer, qui se passait également dans une époque passée qui pouvait nous rendre nostalgique mais qui était aussi bien sombre dans leur histoire, avec des sujets qui malheureusement sont encore d'actualités de nos jours... Un roman qui m'a fait repartir dans mon enfance dans sa grande majorité, mais qui plus s'avançait, moins me transportait et me ramenait doucement vers la réalité.

• Je n'ai pas eu du mal à terminer cet ouvrage, loin de là ! Néanmoins, je dois reconnaître que vers sa finalité, j'étais de moins en moins emballé, cela venant surtout du fait que les révélations finales du roman m'ont moyennement convaincu. J'ai trouver que c'était un peu sorti de nul-part pour certaines, quand d'autres en sont presque trop faciles... Je m'attendais à mieux à ce niveau. On retrouve toujours cette ambiance douce-amère que l'on pouvait retrouver dans le livre, mais selon moi bien moins dosée.

• Les personnages sont très accrocheur, notamment ce bon vieux Eddie Mims, aka M. Pécan, qui apporte une véritable chaleur dans toutes les lignes où il apparaît. Un personnage terriblement attendrissant, du début à la fin, et que l'on aurait presque aimer en savoir un peu plus pour justifier cette fin que je qualifie de facile. La petite Grace est le deuxième personnage que j'ai préférer le plus, son histoire est un énorme crève-coeur, on arrive parfaitement à comprendre la jeune enfant qui est pourtant assez peu mise en avant pour sa personnalité ce qui est grandement dommageable selon moi. Creuser un peu plus le personnage pour mettre légèrement de côté la narratrice ne serait-ce que pour un chapitre n'aurait clairement pas fait de mal. Car oui, la narratrice n'est pas le personnage le plus intéressant du roman. Malgré la tentative de l'autrice de nous partager le point de vue d'une dame blanche à l'âge avancée dans cette période ségrégationniste, ce qui est plutôt réussi avouons-le, la personnalité du personnage nous conduit rapidement à des raccourcis simple et exclu certains point de l'intrigue au potentiel intéressant. Blanche, l'amie et employée de Miss Ora Lee, est quant à elle quasiment inexistante dans sa personnalité, et ne sert qu'a appuyer les idées de l'autrice, sans jamais réussir à se démarquer. Pour dire, certains personnage mineurs, comme la tendre secrétaire du juge, parviennent mieux à briller que celle-ci...

• Bien que le roman soit pavé dé qualités, il n'en reste pas moins des défauts, qui entachent l'harmonie de celui-ci. Je ne vais pas de nouveau évoquer les personnages, mon point de vue sur les principaux concernée ayant déjà fait l'objet d'un paragraphe. Je vais par contre souligner deux autres points qui m'ont titiller tout au long du récit : le côté américano-religieux trop mièvre et les fautes présentes dans cette traduction.

• Pour le premier point, je sais que le roman se passe en Amérique et que dans cet endroit du globe, la religion c'est sacré (sans vouloir faire de mauvais jeu de mot). Mais franchement, ce côté là du roman le rend parfois bien trop mièvre et perd de sa fraîcheur tant il est omniprésent... On comprend à la fin du roman que l'autrice est d'ailleurs une religieuse dévouée à cette croyance, ce que je ne reproche pas car chacun croit en ce qu'il veut, mais cette approche personnelle provoque un manque de nuance. Pour ce qui est des fautes d'orthographes ou des oublis de mots en milieu de phrases, certains diront que je suis très mal placé pour faire ce genre de remarque étant donné mes connaissances en cette matière, et je ne peut que leur céder. Mais tout de même, c'est une chose que je retrouve régulièrement dans les romans que j'ai pu posséder dans ma vie, et si en général sa se limite à une ou deux erreurs, ici on en retrouve énormément.. Je ne les ai pas comptabiliser mais il doit bien y avoir au moins sept à huit erreurs dans le texte, ce qui comme ça peut ne pas sembler énorme, mais tout dépend du genre d'erreurs... Quand il maque un mot dans une phrase et que l'on s'en rend compte, il y a cassure dans le rythme et on sort de sa lecture assez frustré, ce qui est dommage tant j'ai pu apprécier en grande partie cette histoire !

• La couverture du livre, enfin, est sympathique, sobre et efficace. Même si l'on peut se fourvoyer dans la contemplation de celle-ci en se faisant une fausse idée de ce qui y sera présentée, une fois le livre en main on comprend sa signification. le message en devient claire et parfaitement signalé. le nom de l'autrice n'est pas l'élément le plus mis en avant, tandis que le titre lui parvient à se montrer sans s'accaparer notre regard. Une bonne couverture bien pensée !

• C'est un bon roman dans son ensemble, cela est indéniable. Malgré tout, il n'est pas sans défaut, et c'est ce qui fera que celui-ci ne parviendra pas à se hisser parmi les plus marquants de cette année. Sur la quatrième de couverture, que j'ai lu après avoir terminer le roman, j'ai pu découvrir qu'une adaptation cinématographique était en cours. Si j'en ai l'occasion, je pense que je regarderais cette adaptation, car tout au long du roman, je me suis dis que celui-ci pourrait faire un très bon film ! Un roman frais et dépaysant, que j'aurais aimer apprécier totalement jusqu'à sa fin.
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"Je peux changer de tenue, Miz Ora, mais pas de couleur. Les gens croient ce qu'ils veulent."

Avec cette lecture, vous ferez un bond en arrière, dans le sud de l'Amérique des années 70, où, malgré les lois civiques, les mentalités sont encore marquées de préjugés racistes et de tendances ségrégationnistes.

Ora Lee Beckworth, la narratrice, nous raconte l'histoire d'un fait tragique qui a marqué et changé sa vie en 1976.

Cet été là, elle a alors la cinquantaine, elle est veuve, sans enfants, et mène une vie tranquille et très confortable. Son défunt mari a veillé à ce qu'elle ne manque de rien. Elle vit dans sa maison, entourée de Blanche, sa gouvernante, une maman noire de cinq enfants. Depuis peu elle a aussi embauché le vieux Eldred Mims comme jardinier. Eddie est un pauvre vagabond, lui aussi afro-américain qui, s'il attise suspicion et méfiance des habitants, se révèle être un homme adorable, surtout avec les filles de Blanche. Et qu'importe les bouches venimeuses, dont celle de sa voisine, Ora Lee n'en a cure!

Mais survient un horrible événement qui touche Blanche et sa famille. Et plus précisément Grace, l'une des petites filles de la gouvernante. Ora Lee n'aura de cesse d'essayer de faire au mieux pour accompagner la famille et cacher ce qui ne doit pas être dit. du lourd secret qui va unir les deux femmes, va naître une série de conséquences tragiques.
Car le fils du shérif est retrouvé mort assassiné non loin du lieu où vit le vieux Eddie. Aussitôt présumé coupable, il est arrêté et accusé du meurtre.

Mais Ora Lee est la seule à savoir ce qui s'est passé cette terrible nuit et à connaître le coupable. Elle va vivre 25 années durant avec un oppressant mensonge. Avec quelles conséquences sur la vie de chacun?

Dans cette histoire il est question de préjugés raciaux, mais aussi d'amitié qui ne dit pas vraiment son nom, d'affection, de prise de conscience sur des actes, des mensonges, et leurs conséquences. Ora Lee est un personnage à qui l'on pardonne volontiers ses maladresses car elle fait du mieux qu'elle peut, avec beaucoup de coeur et de grande - très grande ! - générosité.
Blanche quant à elle, est une femme très digne malgré la douleur des épreuves et sa résignation quant à sa condition de femme noire dans une société raciste.
Eldred Mims, personnage clé, homme brisé, est touchant mais un peu trop survolé pour moi.

L' ambiance des années 70 est réaliste, et on pourrait presque voir défiler les images en technicolor devant nos yeux. J'ai d'ailleurs hâte de voir l'adaptation cinématographique...

En bref, c'est un roman court, doux amer, aux personnages attachants. Récit qui  aurait mérité selon moi quelques approfondissements sur certains points ou certains personnages.
Il m'en aura rappelé d'autres, que jai particulièrement aimé, comme le classique et magnifique Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur de Harper Lee ou La couleur des sentiments de Stockett.

J'ai passé un bon moment de lecture, et je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour m'avoir permis de découvrir ce roman !
Et petit coup de coeur pour cette jolie couverture, très représentative de l'histoire.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
- Ca devient de pire en pire, hein ? Ma maman disait c'était mal de mentir et elle avait raison. C'est ce que je dis aussi à mes enfants. Une fois que t'as dit un mensonge, tu es obligé de continuer à en dire d'autres pour que le premier tienne debout.
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- De quel monde vous parlez, Miz Ora? Qu'est-ce qui arriverait à ma fille… quoi? Á toute la famille… si j'allais trouver la police?
Je m'apprêtais à la contredire quand elle continua :
- Je vais vous dire, moi, ce qui arriverait. Ils l'emmèneraient mon bébé à l'hôpital et feraient leur boulot, sauf qu'elle, elle comprendrait rien. Elle aurait l'impression qu'ils lui refont la même chose que l'autre. Et pendant ce temps…
- Blanche.
Pendant ce temps, cria-t-elle presque, ils se conduiraient devant elle comme si elle pigeait rien de ce qu'ils disaient, mais elle, elle entendrait tout. Elle s'entendrait traiter de menteuse, même s'ils se servaient pas du mot. Et à cause d'eux, elle se sentirait sale, parce que c'est ce qu'ils penseraient d'elle, qu'elle est sale.
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Je ne priais pas souvent. Mes parents étaient méthodistes. J'avais toujours eu l'impression qu'il ne fallait pas déranger Dieu avec des broutilles. Il suffisait de réciter un Notre Père le soir, le bénédicité à table et de mêler sa voix aux prières à l'église. Mais alors que je contemplais le frêle vieillard qui avait pris si grand soin de mes fleurs et ne m'avait jamais rien demandé, je ne pus m'empêcher d'appeler le Seigneur à mon secours.
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Nous nous balançâmes tous les trois en silence dans nos fauteuils. Quand j'y pense, je suis stupéfaite de voir avec quelle rapidité peuvent basculer des vies entières. Parfois, il suffit d'un mot lâché au détour d'une phrase pour provoquer un drame et changer la vision que vous avez de vous-même. Et en un clin d’œil, vous voilà commettant une action dont vous ne vous seriez pas crue capable.
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Il est curieux d’observer combien facilement nous considérons comme allant de soi des choses qui, en réalité, s’inscrivent dans une vision du monde influencée par la couleur de notre peau.
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